La vente forcée aurait-elle ses jours comptés ?
Paris, le 13 octobre 2014. Communiqué de presse.
Le 11 septembre 2014, la Cour de cassation italienne a rendu une décision attendue sur les questions de vente forcée [it], en condamnant la société HP à rembourser à un consommateur les licences des logiciels pré-installés sur son ordinateur et qu'il ne souhaitait pas acquérir. L'April félicite l'association ADUC1, qui a porté l'action, ainsi que Marco Ciurcina, avocat, pour le résultat obtenu.
Selon la sentence 19161/14 de la Troisième section civile de la Cour de cassation italienne2,
"CHI ACQUISTA un computer sul quale sia stato preinstallato dal produttore un determinato software di funzionamento (sistema operativo) ha il diritto, qualora non intenda accettare le condizioni della licenza d'uso del software propostegli al primo avvio del computer, di trattenere quest' ultimo restituendo il solo software oggetto della licenza non accettata, a fronte del rimborso della parte di prezzo ad esso specificamente riferibile".
« La personne qui achète un ordinateur sur lequel le producteur a préinstallé un logiciel particulier de fonctionnement (système d'exploitation) a le droit, au premier allumage de l'ordinateur, si elle n'a pas l'intention d'accepter les conditions de la licence d'usage du logiciel qui lui est proposé, de conserver l'ordinateur et de rendre uniquement le logiciel objet de la licence qu'elle refuse, moyennant le remboursement de la partie de prix qui s'y rapporte. » (traduction par nos soins)
« Non sussiste un’ipotesi di collegamento negoziale tra i contratti di compravendita di un “notebook” e di una licenza d’uso di sistema operativo, non essendo gli stessi diretti a realizzare uno scopo pratico unitario, sicché, ove l’acquirente esprima – all’avvio del computer – una manifestazione negativa di volontà all’uso di detto sistema, essa è destinata a ripercuotersi esclusivamente nel contratto in cui è stata manifestata, non comportando lo scioglimento dell’intera operazione »
"il n'existe aucune hypothèse de lien préétabli entre le contrat d'achat d'un "notebook" et le contrat d'achat de la licence d'usage d'un système d'exploitation : les deux produits n'ont pas le même but pratique unitaire. Si le client exprime, à l'allumage de l'ordinateur, son refus d'utiliser ce système d'exploitation, ce refus ne s'exprime que sur le contrat concernant la licence du système d'exploitation et n'entraîne pas l'annulation de toute la vente (matériel et logiciel)." (traduction par nos soins)
Cette décision, même si elle n'interdit pas la vente forcée en tant que telle, permet au moins aux consommateurs de se faire rembourser le prix des logiciels qu'ils n'ont pas souhaités acquérir. Cette décision est donc une bonne nouvelle pour les consommateurs en général et pour les utilisateurs de logiciels libres en particulier, leur permettant de récupérer le montant des licences vendues de force avec les machines, et ce d'autant plus que le jugement semble critiquer les licences logiciels liées à une machine précise (licences OEM), comme le présente d'ailleurs la Cour de cassation :
In questo modo, si verificherebbero "riflessi a cascata in ordine all'imposizione sul mercato di ulteriore software applicativo la cui diffusione presso i clienti finali troverebbe forte stimolo e condizionamento, se non vera e propria necessità, in più o meno intensi vincoli di compatibilità ed interoperabilità (che potremo questa volta definire 'tecnologici ad effetto commerciale') con quel sistema operativo, almeno tendenzialmente monopolista".
De cette façon, on assisterait « à des effets en cascade sur le marché subséquent des logiciels, avec pour les clients finaux, une forte incitation ou un conditionnement, sans réelle nécessité, à cause des contraintes plus ou moins intenses de compatibilité et d'interopérabilité (que nous pouvons définir comme "technologies avec effet commercial") avec ce système d'exploitation, entrainant des tendances monopolistiques.» (traduction par nos soins)
En d'autres termes, le juge considère que l'association entre matériel et logiciel n'est pas une nécessité technologique, elle est commerciale. Refuser le remboursement de la licence « va à l'encontre des lois qui protègent la liberté de choix des consommateurs et à l'encontre de la libre concurrence entre les entreprises » , avec un objectif de monopole.
« On assiste donc, avec cette décision, à une condamnation claire de la vente forcée entre un ordinateur et des logiciels, pratique dangereuse tant pour les droits des consommateurs que pour la concurrence », conclut Jeanne Tadeusz, responsable des affaires publiques de l'April. « L'April se réjouit de cette bonne nouvelle pour les consommateurs italiens, et espère que cette jurisprudence sera suivie dans toute l'Europe ».
À propos de l'April
Pionnière du logiciel libre en France, l'April est depuis 1996 un acteur majeur de la démocratisation et de la diffusion du Logiciel Libre et des standards ouverts auprès du grand public, des professionnels et des institutions dans l'espace francophone. Elle veille aussi, à l'ère du numérique, à sensibiliser l'opinion sur les dangers d'une appropriation exclusive de l'information et du savoir par des intérêts privés.
L'association est constituée de plus de 4 000 membres utilisateurs et producteurs de logiciels libres.
Pour plus d'informations, vous pouvez vous rendre sur le site Web à l'adresse suivante : http://www.april.org/, nous contacter par téléphone au +33 1 78 76 92 80 ou par notre formulaire de contact.
Contacts presse :
Frédéric Couchet, délégué général, fcouchet@april.org +33 6 60 68 89 31
Jeanne Tadeusz, responsable affaires publiques, jtadeusz@april.org +33 1 78 76 92 82
- 1. ADUC, Associazione per i diritti degli utenti e consumatori, association pour les droits des utilisateurs et des consommateurs
- 2. Une version non officielle mais accessible est également disponible sur le site d'Open Data de la Cour de cassation italienne.