« République numérique » : reculade gouvernementale
La consultation du gouvernement sur l'avant-projet de loi « pour une République numérique » a mis en évidence une véritable tendance de fond en faveur du logiciel libre, d'un internet neutre et des Communs numériques. Mais faisant fi de l'expression citoyenne, le gouvernement débarque les propositions visant à développer le recours au logiciel libre dans le service public et se limite à des déclarations d'intention imprécises et de vagues promesses peu contraignantes. L'April appelle les parlementaires à introduire et conserver dans ce projet de loi la nécessité, largement exprimée, d'une informatique loyale au service de l'intérêt général.
Malgré les résultats sans conteste de la consultation lancée sous son autorité, Manuel Valls reste sourd aux appels en faveur du Logiciel Libre.
En effet, parmi les 10 propositions les plus soutenues, plusieurs étaient en faveur des logiciels libres. En particulier, notre proposition de donner la priorité au logiciel libre dans le secteur public arrive en troisième place. Devant elle, on trouve la proposition émanant d'un particulier « Utiliser les logiciels libres & GNU/Linux dans les écoles et les universités » et, à la 9e place, « Utilisation de GNU/Linux dans l'administration ».
Notre proposition « Le code source d'un logiciel est un document administratif communicable », visant à consacrer une jurisprudence de la CADA sans entraîner pour autant de nouvelles obligations pour les administrations, arrive en 7e position.
La version du projet de loi transmise au Conseil d'État n'intègre aucune de ces propositions. Dans le dossier de presse (page 17) le gouvernement reconnaît un « très large plébiscite de ces propositions » et indique qu'« un débat nourri a eu lieu […] ainsi que des interrogations sur le meilleur outil, juridique ou non, pour porter ces propositions ».
Le gouvernement conclut cependant qu'il ne souhaite pas de mesures législatives en faveur du logiciel libre mais que les « efforts de promotion du logiciel libre seront accrus ».
Le gouvernement a t-il lu l'exposé des motifs de la proposition de donner la priorité au logiciel libre qui explique notamment que face à la puissance économique des entreprises qui diffusent des logiciels privateurs, l'inaction n'est pas la bonne solution, car les forces en jeu sont par trop dissymétriques ? Il faut des politiques beaucoup plus volontaristes en matière de logiciels libres. Au niveau politique, se contenter d'actions de promotion, verbiage sans aucune contrainte, relève de l'inaction. Le gouvernement ne peut pas se défausser sur des agents publics, qui sans réel soutien, œuvrent chaque jour en faveur du logiciel libre. Le Parlement européen partage notre analyse. Il vient en effet d'appeller l'Union européenne à remplacer systématiquement les logiciels propriétaires par des logiciels libres et a demandé d'ajouter le logiciel libre comme critère de sélection obligatoire au moment de la passation de marchés publics dans le domaine des TIC. Dans une interview pour Rue89, Axelle Lemaire explique « Au moment de renouveler les achats de logiciels, on va se tourner plus spontanément vers le logiciel libre ». Déclaration qui devrait se traduire de manière incisive. Nous invitons le gouvernement à rédiger et à publier un décret pour intégrer la priorité au logiciel libre dans le code des marchés publics comme l'a fait par exemple l'Italie.
Concernant le point « le code source est un document administratif » il est préoccupant que la Direction générale des Finances publiques (DGFiP) et son ministre de tutelle s'opposent à la jurisprudence de la CADA et s'obstinent à ne pas communiquer le code source du logiciel du calcul de l'impôt. Nous attendons avec impatience la réponse du gouvernement sur notre proposition qui devrait enfin expliciter les arguments de Bercy.
« Le nombre et la qualité des contributions à la consultation du gouvernement expriment remarquablement et sans ambiguité l’attente d’une informatique au service de tous, reposant notamment sur le logiciel libre. Le gouvernement de Manuel Valls ne répond pas aux attentes des participants à cette consultation et ne se montre pas à la hauteur des enjeux », a déclaré Frédéric Couchet, délégué général de l'April.
La consultation, dont nous avons salué la mise en place, n'est qu'une étape dans le processus. L'April appelle les parlementaires à introduire et conserver dans ce projet de loi la nécessité, largement exprimée, d'une informatique loyale au service de l'intérêt général.