Projet de loi sur l'économie circulaire : des amendements en séance publique pour inviter l'obsolescence logicielle au débat à partir du 24 septembre
Les 24, 25 et 26 septembre 2019, le Sénat discutera en séance publique le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire porté par Brune Poirson, Secrétaire d'État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire. Plusieurs amendements proposent des pistes intéressantes pour lutter contre l'obsolescence logicielle.
L'obsolescence, parfois programmée, correspond à la réduction de la durée de vie d'un bien, par exemple d'un matériel informatique. L'obsolescence peut avoir des sources diverses : une conception qui ne pense pas la durabilité ou alors dans le but de la réduire, des facteurs esthétiques sociaux ou culturels incitant au renouvellement d'équipements pouvant encore fonctionner, etc. Pour les équipements embarquant un logiciel, de plus en plus nombreux avec les « objets connectés », l'obsolescence logicielle, dans toutes ses formes, peut être un facteur déterminant de leur durée de vie.
Le sujet long (48 minutes 53 secondes) de l'émission Libre à vous ! de l'April du mardi 17 septembre était consacré à cette problématique et des propositions de solutions ont été envisagées avec Frédéric Bordage de GreenIT.fr et Adèle Chasson de HOP (Halte Obsolescence Programmée).
Réécouter le Libre à vous ! du 17 septembre 2019 sur l'obsolescence logicielle
Malgré l'importance de l'enjeu de l'obsolescence logicielle, la question est totalement absente du projet de loi initial présenté par le gouvernement. Plusieurs membres de la commission développement durable du Sénat ont proposé des amendements pour pallier ce défaut de conception, malheureusement rejetés. L'étude du texte en séance publique, qui commence mardi 24 septembre à partir de 15 heures en direct sur le site du Sénat, est l'occasion de nouveaux amendements (Voir la liste). L'April appelle l'ensemble des sénateurs et sénatrices à soutenir ces amendements indispensables afin que dans la loi de réelles mesures soient édictées pour une informatique plus libre et plus durable.
- L'amendement 169 déposé par le sénateur Guillaume Gontard au nom du groupe communiste républicain citoyen et écologiste (CRCE) vise à ajouter à la liste des informations précontractuelles obligatoires, l'existence de « restriction d'installation de logiciel tiers ». Ces restrictions — à l'instar du Secureboot de Microsoft rendent difficile voire impossible l'installation d'un système d'exploitation libre sur un ordinateur, sous prétexte de sécurité, en contrôlant, via une couche logicielle dans la carte mère, ce qu'il est possible ou non d'installer sur son propre matériel — sont des atteintes évidentes aux libertés informatiques et un frein fort à la réparabilité et au reconditionnement des matériels informatiques concernés. Il s'agit d'une proposition de l'April et nous remercions le sénateur et son équipe de l'avoir intégrée à leur liasse d'amendements.
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 2 :
Au 5° de l’article L. 111-1 du code de la consommation, après les mots : « à son interopérabilité, », sont insérés les mots : « à l'existence de toute restriction d'installation de logiciel tiers, ».
- L'amendement 170 (CRCE) reprend une autre proposition issue du livre blanc de Hop (page 34), également portée par greenIT.fr, visant à mieux informer « le consommateur de la période pendant laquelle les logiciels et systèmes d’exploitation indispensables à l'utilisation des biens sont disponibles sur le marché. » Il vise également à imposer au fabricant ou importateur de distinguer « les mises à jour correctives (corrigeant des dysfonctionnements et/ou failles de sécurité) et évolutives (modifiant ou ajoutant des fonctionnalités) », la personne qui acquiert le bien doit alors être en mesure de refuser ces « mises à jour évolutives ». La distinction entre ces deux catégories de mises à jour est importante, la surabondance de nouvelles fonctionnalités, sans cesse plus gourmandes en ressources, est déterminante pour la durée de vie des appareils.
- Les amendements similaires 115 (CRCE), 348 (groupe socialiste et républicain, PS), 565 (Frédéric Marchand, La République En Marche) et 669 (Joël Labbé, Rassemblement Démocratique et Social Européen, RDSE) visent à lutter contre « toute technique, y compris logicielle, par laquelle un metteur sur le marché vise à rendre impossible la réparation ou le reconditionnement d’un appareil hors de ses circuits agréés est interdite ». Proposition d'amendement inspirée du livre blanc (fichier PDF) de l'association Halte Obsolescence Programmée (HOP), page 44.
- L'amendement 353 (PS) propose de préciser la définition d'obsolescence programmée actuellement définie à l'article L. 441-2 du Code de la consommation, introduite en 2015 par la loi pour la transition énergétique. L'amendement propose ainsi l'ajout d'un alinéa à l'article : « ces techniques peuvent notamment inclure l’introduction volontaire d’une défectuosité, d’une fragilité, d’un arrêt programmé ou prématuré, d’une limitation technique, d’une impossibilité de réparer ou d’une non compatibilité ». À noter que cette proposition avait été introduite, puis supprimée, lors de la navette parlementaire de la loi de 2015.
- L'amendement 355 (PS) demande la remise d'un rapport sur l'obsolescence logicielle : « Un rapport du Gouvernement est remis au Parlement au plus tard au 1er janvier 2022 sur la durée de vie des appareils numériques, l’obsolescence logicielle et ses impacts et les options pour allonger la durée de vie des équipements concernés. »
La question de l'obsolescence logicielle est très complexe et ne pourra, évidemment, être adressée par ce seul projet de loi, même s'il y a urgence. Lutte contre l'informatique déloyale (vente forcée, DRM, démarrage exclusif…), droit à l’interopérabilité et, plus globalement, défense effective des libertés informatiques sont des considérations qui ne peuvent être ignorées pour pleinement adresser l'enjeu en cause, en particulier face au développement massif des « objets connectés ». Ces amendements permettent toutefois d'ouvrir le débat et proposent des solutions qui vont dans le bon sens ; ils doivent être soutenus et adoptés par le Sénat.