Nouvel Open bar Microsoft : le ministère de l'Éducation nationale va-t-il enfin commencer sa cure de désintox ?

En janvier 2023, le ministère de l'Éducation nationale publiait sa « stratégie numérique pour l'éducation pour 2023-2027 ». Il y présentait comme acquise une « priorité au logiciel libre ». Deux ans plus tard, et à quelques jours d'intervalle, nous apprenons la mise en place d'un nouvel Open bar Microsoft à l'Éducation nationale et la décision de la direction de l'École polytechnique de migrer ses services informatiques vers les serveurs de Microsoft. Comme l'April le disait dans son communiqué de 2023, une priorité au logiciel libre ne se décrète pas, elle se pense et s'organise. Ces deux décisions ne font que confirmer cette nécessité.

Un avis publié le 14 mars 2025 au Bulletin officiel, fait état de l'attribution d'un accord-cadre de 4 ans portant sur une « concession de droits d'usage à titre non exclusif de diverses solutions de type Microsoft ou équivalent […] », pour un montant maximal de 152 millions d'euros… En avril 2021, on se souviendra qu'un marché portant sur une « concession de droits d'usage à titre non exclusif, en mode perpétuel ou en mode locatif, de solutions Microsoft et services associés […] », portait sensiblement sur le même périmètre, si ce n'est dans les modalités de licences, pour un peu plus de 8 millions d'euros sur 12 mois. Course en avant dans la dépendance du ministère ?

L'attribution de ce marché se heurte à certaines ambitions politiques affichées ces dernières années par le ministère, et plus particulièrement celles portées par la Direction du numérique pour l'éducation (DNE) en faveur du logiciel libre. Déjà dans sa « stratégie numérique pour l'éducation pour 2023-2027 », et plus récemment encore, le 28 février 2025, dans une circulaire sur l' « utilisation de suites collaboratives en ligne non-européennes dans les établissements scolaires » où elle rappelle que « l’École doit nécessairement observer la plus grande neutralité vis-à-vis des suites collaboratives commerciales pour ne pas habituer les élèves et biaiser leurs choix futurs d’outils, à titre personnel comme professionnel. ». Cette contradiction apparente témoigne, s'il en était besoin, de la nécessité d'un portage politique fort, au plus haut niveau du ministère.

Parallèlement, la Lettre A (réservé abonné) a révélé le 19 mars 2025 que la direction de l'École polytechnique avait acté, sans concertation, la migration de ses données vers l'offre Microsoft 365.

Dans un communiqué du 20 mars, le Conseil National du Logiciel Libre (CNLL) a exprimé « sa consternation et sa ferme condamnation » de ces deux décisions. Appelant, entre autres, à l'arrêt immédiat de cette migration par Polytechnique et à l’annulation du marché public du ministère de l’Éducation nationale.

L'April soutient la position du CNLL et appelle, encore et elle aussi, à la mise en place d'une véritable priorité au logiciel libre et aux formats ouverts dans le secteur public1, en tant que principe normatif et en tant que politique publique ambitieuse soutenue par l’ensemble du gouvernement et des ministères. À défaut, accord-cadre après accord-cadre, décision unilatérale après décision unilatérale, la dépendance sera entretenue, toujours plus prégnante, toujours plus inextricable et toujours plus coûteuse, pour les deniers publics comme pour nos libertés.

Notons enfin que le député Philippe Latombe a également déposé deux questions écrites. La première, relative à la migration annoncée à Polytechniques et, la seconde, portant sur le nouvel accord-cadre du ministère de l'Éducation nationale. Il y appelle les ministres a, respectivement, « contraindre » la direction de l'école à revenir sur sa décision et à « dénoncer » ce nouvel Open bar Microsoft. Nous saluons sa constance sur ce sujet. Il exprimait déjà en août 2022, « l'impression d'une administration vendue à Microsoft »2.