[liberation.fr] «Se mettre à l’abri des collusions»
Extrait de l'article du site par en date du :
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Pourquoi avoir choisi le modèle de la fondation ?
Dans la sphère de l’Internet - logiciel libre, open source ou collaboratif -, c’est un modèle assez courant, surtout dans les pays anglo-saxons. Regardez la fondation Mozilla, Wikimedia qui gère Wikipédia, Linux, Ubuntu, la Fondation pour le logiciel libre de Richard Stallman ou encore l’Electronic Frontier Foundation. Toutes proportions gardées, nous réfléchissons depuis longtemps à l’évolution d’Agoravox dans cette direction. Participatif, le site rassemble plusieurs milliers de contributeurs ; ils le font, donc cela leur appartient. Il fallait une cohérence avec notre modèle de journalisme participatif. De plus, nous souhaitons protéger son indépendance et le mettre à l’abri des collusions. A ce sujet, je ne peux pas m’empêcher d’avoir en tête la célèbre déclaration d’indépendance du cyberespace que John Perry Barlow, le cofondateur d’Electronic Frontier Foundation, eu le courage de lire à Davos devant tous les chefs d’Etat de la planète, en 1996. Ce texte garde toute son actualité…
Avez-vous eu des propositions de rachat ?
Des investisseurs de l’univers des médias et de la finance nous ont approchés. Agoravox a même été valorisé, au moment de la présidentielle et du pic d’engouement pour le Web 2.0, entre 10 et 15 millions d’euros… Je n’ai pas créé ce site dans l’optique de faire du profit. Nous sommes arrivés à un moment où il faut inventer de nouveaux modèles médiatiques qui concilient éthique et quête de neutralité informationnelle.
Pourquoi en Belgique ?
Au départ, nous souhaitions créer notre fondation en France, mais les contraintes légales sont trop exigeantes. Une fondation d’utilité publique nécessite un apport minimum d’un million d’euros, d’attendre au moins un an pour l’obtention du statut et surtout d’accepter que le ministère de l’Intérieur siège au conseil d’administration. Il était hors de question de lier Agoravox à un ministère ou à une fonction politique. En Belgique, les conditions sont plus flexibles et mieux à même de garantir pleinement l’indépendance de la structure, sans mise financière de départ. Et l’avis est rendu au bout de trois mois.
Comment va s’organiser le financement ?
Les rentrées publicitaires devraient réussir à couvrir les frais de fonctionnement du site. Avec une audience qui varie entre 800 000 et 1 million de visites par mois, la publicité rapporte entre 20 000 et 30 000 euros mensuels.
En parallèle, la fondation permettra de faire appel aux dons. Mais nous restons prudents. Contrairement aux pays anglo-saxons, le public francophone n’a pas une culture forte dans ce domaine. Ces fonds vont permettre de développer d’autres sites, notamment à l’étranger ; une déclinaison italienne sera prochainement en ligne. Ils vont aussi soutenir financièrement des enquêtes participatives, nouvelle forme de journalisme d’investigation où les internautes apportent informations et témoignages et contrôlent le travail qui se fait sous leurs yeux. Une enquête est en cours sur la pauvreté.
Qui siégera au conseil d’administration ?
En dehors de Joël de Rosnay (cofondateur de Cybion) et moi, nous souhaitons qu’un rédacteur d’Agoravox soit présent. Les contributeurs sont en train de s’organiser depuis quelques jours pour se constituer en association et poser les bases d’une société de rédacteurs. Agoravox compte un millier de rédacteurs actifs et 35 000 au total qui ont proposé des articles. Il est essentiel qu’un de leurs représentants siège à la fondation.
Que pensez-vous des autres sites d’information participatifs ?
Ce sont généralement des sites de journalisme avec une politique éditoriale participative. A Agoravox, la politique éditoriale est faite par les rédacteurs eux-mêmes, qui dans leur immense majorité ne sont pas journalistes. Nous sommes 100 % participatifs. Quant au modèle économique, je ne crois pas au payant pour Internet. Et jusqu’à présent, aucun modèle ne s’est révélé particulièrement gagnant. Aucun de ces sites ne croule sous l’or.
Notre voie est le mécénat de l’information, à l’image de ProPublica à New York, même si nous ne sommes pas comparables. Il est ainsi assez encourageant de voir qu’aux Etats-Unis, des mécènes américains commencent à financer de véritables initiatives de journalisme d’investigation. »
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