L'OTAN impose Microsoft et les backdoors de la NSA au ministère de la Défense ?
Paris, le 17 avril 2013. Communiqué de presse.
Ce mercredi 17 avril 2013, le Canard enchaîné a publié de nouvelles révélations sur le contrat « OpenBar » entre Microsoft et le ministère de la Défense actuellement en cours de négociation. Révélées initialement par PC INpact le 5 février 2013, ces décisions, prises dans le plus grand secret et critiquées par le rapporteur de la Commission des marchés publics de l'État, seraient donc favorisées par l'OTAN. L'April réitère ses demandes au Premier ministre qu'une vraie cure de désintoxication soit appliquée au ministère de la Défense. L'association s'inquiète des multiples dangers pour la sécurité nationale qu'un tel contrat peut représenter, ainsi que des risques de voir d'autres ministères lui emboîter le pas. Enfin, elle demande que toute la lumière soit faite sur les conditions de négociation de ce marché.
Le contrat initial « Open Bar », portait sur de la location de logiciels de bureautique Microsoft et avait été passé en 2009 pour une durée de quatre ans. Pourtant, le rapporteur de la Commission des marchés publics soulignait à l'époque que ce contrat présentait de nombreux abandons des principes relatifs aux achats publics. Cet accord créant une dépendance inacceptable du ministère de la Défense envers Microsoft, l'April appelait alors le Premier ministre, le ministre de la Défense et les parlementaires à suspendre la renégociation du contrat, afin que toute la lumière soit faite sur ce dossier et pour repartir sur des bases saines.
Fin février, CIO Online avait apporté de nouveaux éclairages sur ce dossier. Alors que les avis négatifs sur la procédure choisie ne pouvaient qu'interpeller, le service des achats de l'État, joint par CIO Online, avait botté en touche en annonçant que « le SAE est au courant de ce contrat mais l'opportunité et le pilotage de la reconduction sont sous l'entière responsabilité du ministère de la Défense ». Lui aussi contacté, le ministère y avançait des arguments qui relèvent de la tautologie : « L'attestation d'exclusivité fournie [en 2009] par Microsoft a montré que cette société est la seule habilitée à fournir les prestations demandées, dans le cadre d'une offre globale et intégrée. Le contrat a donc été passé selon la procédure de marché négocié sans publicité préalable ni mise en concurrence. [...] Après avoir vérifié que les conditions d'exclusivité de la société Microsoft étaient toujours réunies, la direction des Affaires juridiques [du ministère de la Défense] a estimé qu'[il] était fondé à engager de nouveau la passation d'un marché négocié sans publicité ni mise en concurrence. » Ce qui avait d'ailleurs conduit Frédéric Couchet, délégué général de l'April, à considérer que cette réponse était une « vaste fumisterie ».
Plus récemment, le site de l'émission Le Vinvinteur (France) publiait une enquête sur les « liens légèrement malsains entre l’armée française et le géant du logiciel Microsoft ».
L'OTAN et la NSA aux manettes ?
Cette semaine, le Canard enchaîné fournit lui aussi de nouvelles informations sur les raisons qui conduisent l'armée à « capituler face à Microsoft », sans que les services de l'État n'y puissent rien. L'hebdomadaire cite ainsi Patrick Bazin, le directeur central de la Direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'information (DIRISI), qui milite pour la reconduction de ce contrat pour des contraintes d'« d'interopérabilité entre alliés », dans la mesure où « l'OTAN a fait le choix des solutions Microsoft pour ses postes de travail ». Pourtant, cet argument est fallacieux : l'interopérabilité consiste à pouvoir fonctionner avec l'ensemble des systèmes, et non sous l'hégémonie d'un éditeur unique.
« Le Logiciel Libre est largement reconnu pour ses qualités en terme d'interopérabilité. Le fait qu'il ait été exclu sur ce critère au profit d'un acteur informatique unique montre clairement que la procédure qui a présidé au choix du tout Microsoft au ministère de la Défense est biaisée », s'insurge Jeanne Tadeusz, responsable Affaires publiques à l'April.
Comme le Canard le signale également, le choix de Microsoft pour l'ensemble des logiciels de la Défense pose de graves problèmes de sécurité et de souveraineté nationale. Des experts du ministère ont ainsi rappelé que « la NSA (le plus important des services de renseignement américain, chargé de l'espionnage des télécommunications) "introduit systématiquement des portes dérobées ou backdoors" dans les logiciels exportés, ce qui rendrait dès lors le système informatique de l'armée française "susceptible d'être victime d'une intrusion de la NSA dans sa totalité" ».
Évasion fiscale
L'article du Canard enchainé se conclut par « l'ultime gag de ce contrat » : le ministère de la Défense participerait à l'évasion fiscale en signant le contrat « Open Bar » avec Microsoft Irlande et non Microsoft France.
Un risque de contamination
Plus grave encore, ce type de contrat ne concernerait pas uniquement le ministère de la Défense. Selon nos informations, d'autres ministères pourraient être intéressés par l'« Open Bar » Microsoft-Défense qui contourne pourtant des principes posés par le Premier ministre dans deux circulaires. La circulaire sur le cadre stratégique commun pour le système d'information de l'État, dont l'une des orientations vise les contrats informatiques « Open Bar », et la circulaire sur le bon usage des logiciels libres dans les administrations.
« L'existence de ce type de pratique, qui plus est dans un ministère régalien aussi crucial que la Défense, crée un précédent particulièrement dangereux. C'est pourquoi le gouvernement doit absolument suspendre ces négociations et repartir sur de meilleures bases. Nous espérons que la mise en lumière de ce scandale sera l'occasion de mettre en oeuvre une rénovation profonde de la politique des acteurs publics en matière de choix logiciels », conclut Frédéric Couchet, délégué général de l'April.
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Contacts presse :
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