Logiciel Libre : le grand absent du plan Besson
Paris, le 16 octobre 2008. Communiqué de presse.
L'April a pris connaissance de la version de travail du plan "France Numérique 2012"1 du secrétaire d'État Éric Besson, qui doit être officiellement présenté lundi prochain au Président de la République. Il soutient une demande importante de l'April et du groupe Racketiciel sur la vente liée en plaidant pour une réelle optionnalité des offres. Mais l'association de promotion et de défense du logiciel libre dénonce l'entêtement du gouvernement à faire l'apologie des DRM, et s'insurge contre un rapport qui occulte totalement le logiciel libre.
Un engagement contre la vente liée
L'April salue la volonté affirmée de rendre le marché du logiciel plus transparent pour le consommateur, en s'attaquant à la vente liée des ordinateurs et des logiciels. « En se prononçant pour un affichage détaillé des prix et des offres réellement optionnelles, Éric Besson conforte les positions que Luc Chatel et la DGCCRF ont prises le 3 juillet dernier,2 » déclare Jérémy Monnet, administrateur de l'April en charge de la vente liée. « Nous attendons maintenant du concret. Ces mesures sont essentielles pour permettre une diversification des offres et ouvrir le marché aux systèmes d'exploitation libres. »
L'April s'interroge néanmoins sur la mise en œuvre des mesures préconisées par Monsieur Besson. Elle s'inquiète notamment de la vraisemblable redondance entre le groupe de travail que le secrétaire d'État souhaite constituer, et les travaux menés depuis plus de deux ans par la DGCCRF.3
Mais ce rapport occulte le Logiciel Libre...
Toutefois, si Monsieur Besson se soucie des consommateurs, ce n'est pas le Logiciel Libre qui semble ici l'intéresser : le terme ne figure pas une seule fois dans ce rapport.
Plusieurs mois après les Assises du Numérique, Éric Besson livre finalement un plan timoré, édulcoré des propositions4 qu'il avait initialement faites en faveur du Logiciel Libre.
Ainsi, deux propositions clés ont tout simplement été évincées du rapport final : l'« objectif de 20% des marchés publics « logiciel » en open source », et le fait de « considérer l'aide au logiciel libre comme du mécénat ». De même, le développement relatif aux avantages du logiciel libre a fait place à un constat sur l'incapacité de la France et de l'Europe à se positionner sur le marché du logiciel.
L'April rappelle qu'une étude commandée par la Commission européenne et parue en 20065 montre que la moitié des développeurs de logiciels libres sont européens, et majoritairement français et allemands. Le marché du Logiciel Libre en France a d'ailleurs connu une croissance de plus de 60% en 2007, et la France est en tête des pays utilisateurs de logiciels libres.6 « Il est aberrant qu'Éric Besson "oublie" de mentionner ce potentiel, en particulier lorsqu'il évoque la compétitivité de la France et de l'Europe dans le secteur du logiciel, » déclare Tangui Morlier, administrateur de l'April. « À la lecture de son rapport, on a tout simplement l'impression qu'il a effacé le Logiciel Libre du paysage français de l'économie numérique. »
... et fait l'apologie des DRM.
L'April s'insurge également contre l'apologie systématique des DRM à laquelle se livre le gouvernement dès qu'il est question de contenus en ligne. Les DRM sont des dispositifs de contrôle d'usage privé ; ils n'empêchent pas réellement la copie mais rendent les utilisateurs captifs de technologies propriétaires fermées. « L'interopérabilité des DRM est une chimère, comme EUCD.INFO le dénonçait déjà en janvier 2004,7 et comme Cory Doctorow vient de le rappeler8 au sujet du fumeux projet "Open Market" de Sony, » dénonce Alix Cazenave, chargée de mission. « La loi DADVSI a montré depuis deux ans son inefficacité et sa nocivité ; il faut maintenant en tirer les conséquences, et abroger la protection juridique des DRM9 au lieu de s'inventer des alibis et d'enchaîner les lois ineptes.10 » Le projet de loi "Création et Internet" doit en effet instaurer une autorité administrative chargée de mettre en place la riposte graduée. Il a été programmé à l'ordre du jour du Sénat du 29 octobre 2008 11, malgré son illégalité flagrante au regard du droit européen 12.
L'April sera particulièrement attentive à la mise en œuvre des mesures proposées pour résoudre la vente liée. Elle appelle également Éric Besson à rendre au Logiciel Libre la place qu'il devrait occuper dans un plan national de développement de l'économie numérique. Enfin, elle engage le gouvernement à faire preuve de pragmatisme autant que de réflexion sur la diffusion des contenus créatifs, à tirer le bilan des lois passées et à prendre acte de leur échec en les révisant.
L'April publiera une analyse détaillée du plan Besson suite à sa remise officielle au Président de la République le 20 octobre. « Espérons que le discours de Nicolas Sarkozy ne présentera pas la même vision très "siècle dernier" de son projet de société à l'ère du numérique, comme dans son discours lors de la signature des accords "Olivennes" en novembre 2007 13 ou dans sa réponse à l'April lors de la présidentielle 2007 14 » a déclaré Benoît Sibaud, président de l'April.
À propos de l'April
Pionnière du logiciel libre en France, l'April est depuis 1996 un acteur majeur de la démocratisation et de la diffusion du logiciel libre et des standards ouverts auprès du grand public, des professionnels et des institutions dans l'espace francophone. Elle veille aussi, dans l'ère numérique, à sensibiliser l'opinion sur les dangers d'une appropriation exclusive de l'information et du savoir par des intérêts privés.
L'association est constituée de plus de 2 500 membres utilisateurs et producteurs de logiciel libre dont près d'une centaine d'entreprises, soixante-dix associations et deux collectivités locales.
Pour plus d'informations, vous pouvez vous rendre sur le site Web à l'adresse suivante : http://www.april.org/, nous contacter par téléphone au +33 178 769 280 ou par notre formulaire de contact.
Contacts presse :
Alix Cazenave, chargée de mission, acazenave@april.org +33 1 78 76 92 80
Frédéric Couchet, délégué général, fcouchet@april.org +33 6 60 68 89 31
Jérémy Monnet, membre du conseil d'administration, jmonnet@april.org +33 6 24 87 29 19
- 1. Version datée du 7 octobre 2008
- 2. Voir le communiqué officiel de Luc Chatel : « Ordinateurs et systèmes d’exploitation : Luc Chatel veut la fin de la vente liée ».
- 3. Voir notre page consacrée au cycle de concertation de la DGGCRF sur la vente liée ordinateurs/logiciels.
- 4. Voir les « 27 pistes de travail ouvertes à la concertation pour préparer le plan de développement de l'économie numérique »
- 5. Study on the: Economic impact of open source software on innovation and the competitiveness of the Information and Communication Technologies (ICT) sector in the EU
- 6. « La France en tête des pays ayant adopté l'Open Source » - Le Monde Informatique, 11 juillet 2008
- 7. Texte de l'intervention à la DDM - Interopérabilité : l'Arlésienne du DRM
- 8. « DRM: Sony's Open Market consortium is a wolf in sheep's clothing » - Cory Doctorow, paru dans le Guardian le 24 septembre 2008.
« (...) The idea is to kick the pins out from underneath Apple's DRM scheme ("let a single retailer bloom") by forging an alliance of use-control companies who agree to share DRM-crippled works between their devices. Right now, your Blu-Ray videos are tied to Blu-Ray players, but if Sony has its way, you'll be able to move them to other restrictive platforms, provided the manufacturers of those platforms are part of Sony's consortium.
If you're a DRM junkie, this will sound awfully familiar: it's functionally indistinguishable from a failed consortium called Coral, though Coral required your devices to contact its servers more often than Open Market will.
Big deal.
Coral failed for several reasons, but most importantly it failed because successful DRM companies don't join DRM consortia. Once a song, movie, game or book is crippled with DRM, it's illegal to make a player that can run it, unless you have the DRM company's permission. That means that if Sony-BMG Music created a player that could play back its own DRM songs from the iTunes store, they'd be violating Apple's copyrights – even though it holds the copyrights in the music itself.
(...)
Coral and Open Market are like a treaty negotiation where only one side has bothered to sign up. It's like getting all the kids in your class to "agree" that they're getting top marks on their exams – and then denouncing the teacher for his failure to recognise the landmark accord. » - 9. Voir notre page dédiée à la loi DADVSI
- 10. La Quadrature du Net : « Riposte graduée : la leçon »
- 11. ordre du jour du Sénat
- 12. Riposte graduée : la leçon et Piratage : Viviane Reding défie Sarkozy
- 13. Quand Nicolas Sarkozy oppose l'Internet au monde civilisé
- 14. Candidats.fr - Le projet de Nicolas Sarkozy : brevets logiciels et internet chinois"