Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l'émission du 7 janvier 2020
Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 7 janvier 2019 sur radio Cause Commune
Intervenant·e·s : Luk - Xavier Berne - Pierre Baudracco - Thierry Leblond - Neil - Brume - Ludovic Dubost - Benoît Sibaud - Olivier Cayrol - Bastien Guerry - Jean-Michel Armand - Noémie Dagusé - Catherine Heintz - Laurent Wargon - Jean Couteau - Charles - Frédéric Couchet - William Agasvari à la régie
Lieu : Radio Cause Commune
Date : 7 janvier 2020
Durée : 1 h 30 min
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Page des références utiles concernant cette émission
Licence de la transcription : Verbatim
Illustration : Bannière radio Libre à vous - Antoine Bardelli ; licence CC BY-SA 2.0 FR ou supérieure ; licence Art Libre 1.3 ou supérieure et General Free Documentation License V1.3 ou supérieure. Logo radio Cause Commune, avec l'accord de Olivier Grieco.
NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.
- Chronique « La pituite de Luk » sur Amazon
- Interviews réalisées au POSS 2019
- Pierre Baudracco, CNLL
- Thierry Leblond, Scille
- Bastien Guerry, DINUM et Blue Hats
- Ludovic Dubost, XWiki
- Olivier Cayrol, Logilab
- Benoit Sibaud, LinuxFr
- Pierre Baudracco, BlueMind
- Brume et Neil, association 42l
- Jean-Michel Armand, Hybird
- Noémie Dagusé, Catherine Heintz, Laurent Wargon, Jean Couteau, Charles, Libre-Entreprise
- Chronique « Parole Libre » de Xavier Berne, journaliste à Next INpact, sur le projet de loi anti-gaspillage
- Annonces
Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous. Vous êtes sur la radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm. La radio dispose également d’une application Cause Commune pour téléphone mobile.
Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre. Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.
Le site web de l’April c’est april.org et vous y trouvez d’ores et déjà une page consacrée à cette émission avec tous les liens et références utiles, les détails sur les pauses musicales et toute autre information en complément de l’émission et également les moyens de nous contacter pour nous faire des retours.
Nous sommes mardi 7 janvier 2020, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
J’ai le plaisir de vous adresser les meilleurs vœux de l’April et de la radio pour l’année 2020. Recevez tous nos vœux de bonheur et de santé pour vous et vos proches. Nous vous souhaitons une excellente écoute de cette première édition Libre à vous ! de l’année 2020.
Voici maintenant le programme de cette émission.
Nous allons commencer dans quelques instants, normalement, par la chronique « La pituite de Luk » qui portera sur Amazon.
D’ici cinq à sept minutes nous aborderons notre sujet principal, ce seront des interviews réalisées lors du salon POSS en décembre 2019 à Paris, avec au programme le Conseil national du logiciel libre, le site d’information LinuxFr, le logiciel libre dans l’administration, l’association du Libre de l’école 42, le réseau Libre-Entreprise et également des messages de soutien à l’April.
En fin d’émission nous aurons la chronique de Xavier Berne, journaliste à Next INpact qui nous parlera du projet de loi sur l’économie circulaire et plus particulièrement les parties concernant l’obsolescence programmée.
À la réalisation aujourd’hui nous avons exceptionnellement le soutien de William Asgavari. Bonjour William.
Tout de suite place au premier sujet.
[Virgule musicale]
Chronique « La pituite de Luk » sur Amazon
Frédéric Couchet : Nous allons commencer par la chronique « La pituite de Luk ». Luk, est-ce que tu es au téléphone ?
Luk : Oui Fred, je suis là. J’aurais voulu venir mais encore une fois je n’ai pas pu, mais je ne suis pas loin. En fait, je suis coincé aux toilettes. Je n’ose plus sortir. C’est que, tu vois, je viens d’avoir une épiphanie. Ça ne veut pas dire que je viens de déposer une galette. Je parle d’une révélation. Une grande illumination cosmique s’épanouissant sur son socle de faïence.
Je ne l’ai pas vue venir. Ça s’est mis en place soudainement et tout est devenu si clair !
Il faut savoir pour comprendre que je me documente ces temps-ci sur l’achat d’une imprimante. J’étais donc assis sur les toilettes, en train de contempler mon sexe. Je pensais à tous ces sites qui proposent une sélection des meilleures imprimantes de l’année sans qu’on sache s’ils les ont vraiment testées. Je réfléchissais au fait que tous ont un point commun : ils font des liens vers Amazon, comme si on ne pouvait acheter ces produits nulle part ailleurs ! Amazon est absolument omniprésent et c’est là que ça m’a frappé : si ça se trouve, Amazon est dieu et Jeff Bezos est son prophète.
Ouais, Amazon est le temple virtuel de la consommation mais possède aussi des magasins dans le monde réel. Il est également dans le salon des gens, par l’entremise de sainte Alexa, et fournit des serveurs au monde entier.
Amazon est même dans Ubuntu, si ça ce n’est pas un signe de félicité ! Je rappelle, Ubuntu est un principe philosophique porté par Nelson Mandela et Desmond Tutu avant d’être une distrib Linux. C’est du bantou et ça veut dire « mon humanité est inextricablement liée à ce qu’est la vôtre ». Considérant que l’Afrique du Sud est encore plus inégalitaire aujourd’hui qu’au temps de l’apartheid, je perçois bien la cohérence théologique d’associer Amazon et Ubuntu.
Amazon est omniscient. Sainte Alexa particulièrement. Elle connaît tous nos centres d’intérêt et nos désirs, elle a récemment mis la main sur les données de santé des Britanniques. Et ce n’est qu’un début ! Alexa écoute nos prières et y répond. Parfois même elle écoute aussi le reste et n’oublie rien.
Un jour, j’avais posté un truc quelque part sur Internet avec des liens vers des sites marchands mais aucun n’était Amazon, hérétique que j’étais. Miracle ! Il n’a pas fallu bien longtemps pour qu’un bon samaritain commente ma publication avec des liens Amazon. Amazon sait tout ce qui se passe dans tous les recoins du Web.
Pour compléter le tableau, Amazon est omnipotent. Il fait tourner tout Internet dans une unique machine virtuelle. C’est lui qui apporte les cadeaux de Noël. Le barbu et ses rênes sont un mythe, en vérité les rênes ce sont des drones de livraison et les petits lutins font les trois huit. Ils connaissent un bonheur régressif qui leur fait faire pipi dans des bouteilles pour rigoler. Ils contractent des TMS [Troubles musculo-squelettiques] avec la jouissance normalement ressentie quand on attrape des MST [Maladies sexuellement transmissibles].
Amazon a aussi le pouvoir de faire disparaître des trucs. Il l’a fait avec des e-books par la magie des DRM et c’est tellement bien que même la fondation Mozilla en fait la promotion. Mais ce n’est pas tout ! Amazon fait aussi disparaître ses impôts !
Omniprésent, omniscient, omnipotent… La nature divine d’Amazon est une évidence. Mais en même temps, Amazon est bien plus tangible, il offre bien plus qu’une promesse de vie éternelle qui n’engage que ceux qui y croient. Il fait sourire les cartons, maintenant, tout de suite. Amazon est une post-divinité !
Il faut, à ce stade, que je mentionne Bezos, son prophète. Transhumaniste convaincu, on comprend déjà qu’il est plus qu’humain. Bezos nous protège de Donald Trompe grâce au Washington Post qu’il possède et c’est là que ça devient très phallique. Le démon s’appelle « Trompe » et a un prénom de canard, ce n’est déjà pas anodin. En février dernier, le National Enquirer qui est un tabloïd qui roule pour Donald, a soumis Bezos à un chantage à la dick pic, ou photo de pénis en bon français. Ce fut un combat de bites épique. La Trompe à moumoute contre le chibre surpuissant de Bezos. Bien entendu, Bezos a vaincu.
Et un jour, Bezos s’élèvera dans le ciel, dans le puissant phallus ultra-technologique construit par sa compagnie spatiale Blue Origin. C’est pour ça qu’Amazon est masculin. On n’a pas le culte de Mère Nature, hein… Elle est en train d’agoniser sous une montagne de gadgets connectés, aussi rapidement obsolescents que rapidement livrés par Amazon.
Dieu est mort, la Nature n’en a plus pour longtemps, place à la toute puissance d’Amazon.
OK, il y a de la concurrence : Apple a un réseau d’églises partout et des hordes d’Apple Fans prosélytes, mais ce n’est qu’une secte minoritaire qui distille un amour tarifé. Google et Facebook sont de faux dieux incapables de miracles dans le réel. Est-ce que Facebook peut livrer un poulet en caoutchouc en moins de 24 heures chez moi ? Non ! Amazon le peut. Leur catéchisme publicitaire est une pure illusion tautologique qui prend l’eau. Quant à Microsoft… Ce dieu caduc qui règne par la terreur et par la force. C’est pour ça qu’il triomphe auprès du Pentagone, mais pour combien de temps encore ? Amazon est sur le coup !
Amazon nous offre un vrai culte, ancré dans le réel, avec un SAV [Service après-vente] impeccable. Il nous laisse notre libre arbitre, celui de choisir le camp du tangible et du vrai.
Allez ! Je sors des toilettes et je lance la guerre sainte. Il y a quatre lettres de trop à GAFAM.
Frédéric Couchet : Merci Luk pour cette belle chronique qui attaque bien l’année. D’ailleurs on nous fait de beaux commentaires sur le salon web en disant notamment que pour le début d’année « La pituite de Luk » attaque fort. Donc merci Luk.
Luk : J’espère que vous allez tous vous joindre à la vraie foi et on se retrouve le mois prochain.
Frédéric Couchet : J’espère surtout qu’on aura la chance de te voir en studio le mois prochain. En décembre on avait prévu de faire une diffusion depuis le salon POSS, tu avais prévu de venir et tu as organisé une grève pendant tout le mois pour empêcher, finalement, que la diffusion ait lieu.
Luk : C’est exact.
Frédéric Couchet : Quand même, tu es trop fort !
En tout cas on se retrouve effectivement le mois prochain. C’était « La pituite de Luk », je précise avec un « k ». Sur le site de l’April et sur causecommune.fm vous retrouvez une page avec les références des articles en lien avec la chronique de Luk et le site de Luk c’est incroyableluk.org, je répète Luk avec un « k ». Je te souhaite une belle journée Luk.
Luk : Merci et bonne émission.
Frédéric Couchet : Merci.
Après cette belle chronique nous allons faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Frédéric Couchet : Nous allons écouter El Jefe par San Blas Posse. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause commune.
Voix off : Cause Commune 93.1.
Pause musicale : El Jefe par San Blas Posse.
Frédéric Couchet : Vous êtes sur Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm. Nous venons d’écouter El Jefe par San Blas Posse, qui est disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions.
Nous allons passer maintenant à notre sujet principal.
[Virgule musicale]
Frédéric Couchet : Le sujet principal va porter, en fait, sur des interviews que nous avons réalisées lors du salon POSS, Paris Open Source Summit, qui s’est tenu en décembre 2019 à Paris. Comme je le disais précédemment, à la fin de la chronique de Luk, nous avions prévu de diffuser en direct de là-bas, mais les grèves nous ont empêchés de pouvoir diffuser donc j’en ai profité pour faire des interviews sur place. On va diffuser trois blocs d’interviews séparés par une petite pause musicale entre chaque bloc d’interviews.
D’abord petite précision de terminologie parce que le salon s’appelle Paris Open Source Summit, vous entendrez peut-être beaucoup parler d’open source.
Du côté de l’April les termes « logiciel libre » qui vient de l’anglais free software et open source dans le sens donné par l’Open Source Initiative désignent en pratique presque exactement les mêmes logiciels. Mais l’usage de ces deux termes met en valeur des points de vue très différents. Le mouvement du logiciel libre est avant tout un mouvement éthique basé sur le partage de la connaissance et l’entraide, là où le mouvement open source met en avant les logiciels libres pour leurs avantages techniques, pratiques. De plus, le terme open source a souvent été utilisé pour tromper les personnes et qualifier des logiciels ne répondant pas à la définition de l’Open Source Initiative, donc n’étant pas des logiciels libres. C’est pourquoi le terme « logiciel libre » étant plus précis et renforçant l’importance des libertés, il est utilisé par l’April.
Voilà pour la petite précision.
Maintenant on va diffuser un premier bloc d’interviews qui va durer une quinzaine de minutes et on se retrouve juste après.
Interviews réalisées au POSS 2019
Pierre Baudracco, CNLL
Frédéric Couchet : Je suis avec Pierre Baudracco, le coprésident du CNLL. Pierre, première question, c’est quoi cette structure ?
Pierre Baudracco : Bonjour Frédéric. Le CNLL pour Conseil National du Logiciel Libre est, en fait, l’union des entreprises du numérique ouvert. C’est une fédération nationale qui regroupe 12 clusters régionaux, c’est-à-dire des associations régionales de professionnels de l’open source : Occitanie, Nouvelle Aquitaine, PACA, Bretagne, Paris, etc.
Frédéric Couchet : Donc toutes les régions.
Pierre Baudracco : Quasiment toutes les régions. On s’est fédéré au niveau du CNLL pour permettre d’avoir une représentativité nationale et faire du lobbying au niveau national et européen aujourd’hui.
Frédéric Couchet : D’accord. Ça existe depuis combien de temps ?
Pierre Baudracco : Le CNLL a dix ans.
Frédéric Couchet : Dix ans. Et toi tu es coprésident depuis quelques semaines, c’est ça ?
Pierre Baudracco : Depuis quelques mois. Depuis à peu près la rentrée et on a communiqué il y a quelques semaines.
Frédéric Couchet : D’accord. On est à un salon avant tout professionnel, le POSS à Paris en décembre 2019, quel est l’état aujourd’hui du marché du logiciel libre en France notamment ?
Pierre Baudracco : On vient justement de publier d’une étude, d’avoir le résultat d’une étude faite par le CNLL, Syntec Numérique et le Hub open source de Systematic qui dit, en gros, que le marché de l’open source cette année pèse à peu près 5 millions d’euros en France, services et logiciels confondus. Les particularités de ce marché c’est déjà que le poids de la France, la France dans le marché européen de l’open source est le pays le plus développé, donc la France est le pays où le marché est le plus important. C’est un marché qui est en croissance entre 7 et 10 % selon les pays européens, ce qui est à peu près le double de la croissance du marché de l’IT. Donc point clé : le marché de l’open source croît deux fois plus vite que le marché de l’IT.
Frédéric Couchet : Pour situer, le marché de l’informatique en général.
Pierre Baudracco : Le marché de l’informatique en général. Pour situer, pour se positionner, il y a dix ans quand on avait la première enquête, c’est quelque chose qu’on fait chaque année, le poids de l’open source/logiciel libre était d’environ 2 %. Aujourd’hui on est à peu près à 10 % du marché de l’informatique en général avec une projection d’atteindre les 12 % d’ici trois ans.
Autre point clé, la croissance donc l’emploi : c’est un marché qui pèse cette année à peu près 47 000 emplois selon l’étude et on va gagner 12 000 emplois d’ici quatre ans.
Frédéric Couchet : D’accord. 12 000 emplois d’ici quatre ans. J’ai entendu dire qu’il y a des difficultés d’embauche, de recrutement, pour trouver des bons profils. Est-ce que c’est toujours le cas ces difficultés de recrutement ou, au contraire, vous trouvez des profils facilement ?
Pierre Baudracco : Non, c’est toujours le cas puisque le numérique prend de l’ampleur partout. L’open source croît dans le numérique. En général les profils qui sont très open source sont des gens plutôt autonomes, débrouillards, qui aiment bien creuser, donc des profils plutôt recherchés. Effectivement, vu qu’à peu près toutes les sociétés sont en train d’essayer de recruter, les petites comme les grosses, les éditeurs comme les intégrateurs, ça met une tension très forte sur le marché de l’emploi et sur la recherche de profils open source.
Frédéric Couchet : Est-ce qu’à ce niveau-là il y a des actions que vous attendriez de l’État, peut-être au niveau de la formation dans les grandes écoles pour, justement, avoir des profils logiciel libre prêts lorsqu’ils ont fini leurs études ?
Pierre Baudracco : Oui. Globalement, en fait, on aimerait que l’État reconnaisse un peu plus cette filière-là, sa capacité d’innovation et sa participation à la reconquête de la souveraineté numérique. L’open source est un point clé là-dessus. Ça veut dire qu’il faut former, donc qu’il faudrait avoir des filières dédiées, avoir des branches ou des cursus open source dans les écoles généralistes d’informatique et on aimerait avoir plus d’incitation au niveau État, gouvernement.
Frédéric Couchet : D’accord. Est-ce qu’en dix ans le CNLL a vu une évolution politique dans les divers gouvernements qui se sont succédé et au sein de l’administration également pour la prise en compte du Libre ? Est-ce que l’évolution est positive de ce côté-là ? C’est-à-dire qu’il y a plus en plus de soutiens de l’État ou est-ce qu’il y a encore des freins qu’il faut lever au-delà de la formation dont on vient de parler ?
Pierre Baudracco : C’est un petit peu compliqué. On a eu beaucoup de soutiens notamment au niveau politique ou via des textes en 2012, la loi Lemaire en 2016. Le problème est un petit peu toujours le même, c’est dans l’application, c’est-à-dire, en fait, le SAV des lois n’est pas effectué.
Frédéric Couchet : Le service après-vente.
Pierre Baudracco : Oui, le service après-vente, en gros faire appliquer la loi, s’attacher à ce que les gens la respectent. Comme personne ne contrôle, comme personne n’incite, ce qui se passe c’est qu’il y a toujours des marchés qui ne respectent pas ces lois-là. En fait, tant qu’on ne vient pas les dénoncer il ne se passe rien. Donc on a toujours ce sujet-là. L’État parle un peu d’open source. Aujourd’hui il y a quand même un recul sur ce sujet, de la DINUM notamment, même si certains, en interne, se battent pour, on sent que l’appui a faibli, que l’open source est un petit moins porteur en ce moment-là au niveau de l’État.
Frédéric Couchet : La DINUM c’est la Direction interministérielle du numérique, anciennement DINSIC, Direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État. Effectivement il y a des gens qui font des choses à l’intérieur, notamment qui sont présents à ce salon, à travers l’initiative Blue Hats, donc des personnes dans l‘administration qui contribuent au logiciel libre et des personnes à l’extérieur. Vous, vous attendez quand même un engagement politique plus fort encore et surtout dans l’application derrière, le suivi, pour s’assurer que la loi qui encouragerait, qui donnerait la priorité au logiciel libre soit vraiment suivie d’effets ?
Pierre Baudracco : Tout à fait, ce serait logique ! La DINUM que tu as décrite, effectivement, fait de choses : Bastien Guerry qui est là, qui anime les ateliers Blue Hats toute la journée, montre qu’il y a de l’open source dans l’administration avec des volontés de faire et de diffuser. Aujourd’hui c’est moins suivi au niveau politique. Par exemple le SILL qui était le Socle interministériel de logiciel libre donc un document qui est référencé, qui préconise les logiciels, n’est pas vraiment reconduit, n’est pas certifié cette année. Donc il y a des signaux politiques dangereux pour l’open source et ça c’est dommage parce qu’il y reste des actions, le côté politique ne suit plus trop.
Frédéric Couchet : D’accord. En tout cas, côté clientèle il y a de plus en plus de demandes, je suppose, autour du logiciel libre. Tu as parlé de souveraineté numérique tout à l’heure, il y a eu un rapport récent du Sénat sur la souveraineté numérique dans lequel, justement, il y a un encouragement à mettre en place une politique publique en faveur du logiciel libre.
Sur un salon tel que POSS, aujourd’hui c’est un peu particulier parce qu’il y a moins de monde que prévu suite aux grèves, mais le type de public qui vient, c’est un nouveau public ? Ou finalement c’est le public traditionnel de clients habituels ?
Pierre Baudracco : Effectivement, c’est dur de juger sur cette année. Au POSS qui est un salon généraliste sur l’open source, c’est la grande messe de l’open source, du coup le public est assez varié. Il y a toute une partie très professionnelle, expositions, professionnels, offres, qui montre la maturité côté marché. Là on va trouver un public de DSI, de décideurs, qui viennent voir quels types de solutions, quels types d’infra, quels types de stratégie puisqu’il y a aussi un programme très important de conférences sur le sujet. On va également retrouver toute la partie communauté de techs qui échangent sur le côté technique, les frameworks, les dévops, l’intégration, etc., les nouveaux enjeux comme l'IA, etc., également présents, mais on va trouver aussi le marché réel. Et là on va retrouver tout un tas de ce qu’on appelle des geeks ou des techs passionnés, du contributeur à la personne qui a un simple intérêt et là on retrouve toute la sphère technologique, technique qui est représentée.
Frédéric Couchet : D’accord. Malgré les conditions particulières de ce salon et malgré le manque de soutien politique, il y a toujours la motivation et finalement, comme tu le disais au départ, il y a un développement du logiciel libre, des marchés aussi du Libre peut-être par ailleurs. Les choses sont plutôt positives quelque part, elles évoluent positivement.
Pierre Baudracco : Globalement les choses sont positives parce que l’open source aujourd’hui ne fait plus peur, est devenu quasiment standard. Maintenant il y a des enjeux, les géants du cloud, les GAFAM, amis ou ennemis, contribuent mais, en même temps, ils deviennent hégémoniques, donc ils écrasent un peu tout le reste. Donc il y a vraiment des choses à penser, notamment il y a très certainement un modèle à l’européenne à penser. Donc éviter d’avoir des géants hégémoniques qui ensuite décident tout ce qu’ils veulent, mais plutôt répartir la confiance, les solutions, et équilibrer les acteurs, avoir de nombreux acteurs, avoir une sorte de cercle vertueux de confiance, en termes d’acteurs, en termes de règles et pour ça l’open source est un bon critère puisque c’est un critère de transparence, un peu d’équité d’accès aux informations.
Frédéric Couchet : D’accord. Pierre je te remercie. Est-ce que tu souhaites ajouter quelque chose ?
Pierre Baudracco : Non, Merci à toi Frédéric. Merci à l’April de soutenir le combat qui est mené depuis tant d’années et en espérant que vous soyez toujours aux côtés du POSS et de l’open source même si je n’ai pas beaucoup de doutes.
Frédéric Couchet : Voilà. Même si nous on emploie évidemment le terme « logiciel libre ». En tout cas rendez-vous l’an prochain, je ne sais pas si le salon aura lieu au même endroit.
Pierre Baudracco : À priori ça ne sera pas au même endroit ça serait plutôt au Palais des Congrès.
Frédéric Couchet : D’accord. OK. On verra ça. En tout cas merci. C’était Pierre Baudracco coprésident du CNLL. Merci Pierre.
Pierre Baudracco : Merci Frédéric.
Thierry Leblond, Scille
Frédéric Couchet : Je suis avec Thierry Leblond de la société Scille qui développe Parsec. Première question Thierry, c’est quoi Scille ? C’est quoi Parsec ?
Thierry Leblond : Scille est une startup éditeur de logiciels libres qui est un spécialiste de la cybersécurité des données sur le cloud et Parsec est notre produit principal. C’est un système qui permet de partager et de sécuriser des données sensibles sur le cloud depuis n’importe quelle connexion internet et depuis n’importe quel point du monde.
Frédéric Couchet : Seconde question : Scille est membre de l’April. Pourquoi Scille est membre de l’April, pourquoi Scille apporte son soutien à l’April ?
Thierry Leblond : J’aime bien la compétence de l’April, notamment la compétence juridique. J’aime bien aussi, dans l’April, son côté « poil à gratter », son côté aller questionner des sujets qui ne sont pas forcément évidents et obtenir parfois des réponses même dans la douleur et parfois sur plusieurs années.
Frédéric Couchet : Merci Thierry et bonne fin de salon.
Thierry Leblond : Merci Frédéric et bonne fin de salon aussi. Au revoir.
Bastien Guerry, DINUM et Blue Hats
Frédéric Couchet : Je suis avec Bastien Guerry, de la DINUM, qui est là pour les Blue Hats. Deux acronymes, en tout cas deux mots qu’on ne connaît pas. Déjà première question Bastien : qui es es-tu ? Qu’est-ce que la DINUM et qu’est-ce que Blue Hats ?
Bastien Guerry : Bastien Guerry. Je suis développeur pour la mission Etalab qui est rattachée à la direction du numérique anciennement DINSIC devenue DINUM récemment. Je travaille, j’accompagne les administrations pour l’ouverture de leur code source.
Blue Hats est une idée qu’on a lancée avec Laurent Joubert l’année dernière faisant le constat que le logiciel libre était utilisé assez largement dans les administrations mais qu’il y avait finalement assez peu de communication des administrations entre elles sur ce qu’elles utilisaient, sur la manière de l’utiliser et surtout sur les compétences nécessaires pour l’utiliser. Donc c’était l’idée de lancer une communauté qui forme un compagnonnage permettant l’échange d’expériences, de compétences et de faire des remontées sur des cas d’usage de logiciels libres dans l’administration. C’est une communauté que la DINUM anime via une newsletter qui s’appelle La gazette #BlueHats, tous les deux mois, mais qui est auto-portée par l’ensemble de l’écosystème.
Frédéric Couchet : D’accord. On va rappeler que la DINUM c’est la direction interministérielle du numérique.
Là on est à un salon à priori plutôt professionnel, donc à Paris en décembre 2019. Pourquoi une journée Blue Hats dans ce salon ?
Bastien Guerry : Les administrations passent leur temps à travailler avec des entreprises, elles cherchent des entreprises ; quand elles veulent faire du logiciel libre, elles cherchent des entreprises du logiciel libre. Déjà c’est augmenter un peu les opportunités d’échanges entre différentes administrations qui viennent d’un peu tous les ministères et ces entreprises, que les uns et les autres se connaissent et mesurent aussi les avancées techniques. Un salon comme celui-ci c’est important pour voir ce qui se fait dans les grandes, petites entreprises, dans l’ensemble de l’écosystème, et essayer de trouver des réponses à des questions techniques que chacun se pose dans les administrations.
Frédéric Couchet : Est-ce que les entreprises qui sont venues connaissaient déjà l’initiative Blue Hats ? Est-ce qu’elles ont découvert qu’il y avait cette initiative au sein de l’État, Blue Hats ? Ou est-ce qu’elles savaient déjà, elles étaient au courant, donc elles sont venues spécifiquement pour ça ?
Bastien Guerry : Certaines savaient déjà parce qu’on a des liens avec le CNLL.
Frédéric Couchet : Le regroupement des entreprises du logiciel libre, on va dire, en France.
Bastien Guerry : Voilà. D’autres l’ont appris en voyant circuler des gens avec de chapeaux bleus dans le salon.
Frédéric Couchet : Il faut préciser, effectivement, que pour les reconnaître la plupart des Blue Hats portent un chapeau bleu.
Bastien Guerry : Ou une étiquette, un autocollant, sur leur ordinateur.
Frédéric Couchet : D’accord. La journée n’est pas encore terminée. Est-ce qu’il y a déjà eu un petit retour d’expérience ou des choses intéressantes qui ont été dites durant la matinée ?
Bastien Guerry : Durant la matinée on a fait des présentations courtes, de cinq à dix minutes. On a eu, par exemple, le ministère des Finances qui a expliqué son usage de Matomo en intranet.
Frédéric Couchet : C’est quoi Matomo ?
Bastien Guerry : C’est un outil qui permet de collecter des statistiques sur les usages de sites web, qui s’appelait anciennement Piwik, qui est un outil libre qui permet vraiment d’avoir un contrôle complet sur les types de statistiques qu’on veut obtenir, comment les partager, le type de trackers qu’on place sur les sites web pour respecter la vie privée des agents publics. Donc on a eu, par exemple, un retour là-dessus qui était très intéressant. On a eu aussi l’ADULLACT qui a présenté le Comptoir du Libre qui est une somme de ressources à disposition des collectivités sur des logiciels libres et sur des entreprises qui aident à déployer ces logiciels libres pour les collectivités. Voilà. On a eu une douzaine de présentations toutes intéressantes pour l’ensemble de l’écosystème et qu’on partagera dans l’espace de présentation Blue Hats.
Frédéric Couchet : D’accord. Pour les personnes qui voudraient en savoir plus sur Blue Hats et qui voudraient s’inscrire à la lettre d’information dont tu as parlé tout à l’heure, est-ce qu’il y a un site web de référence ?
Bastien Guerry : Le plus simple c’est d’aller sur le site etalab.gouv.fr, d’aller dans les offres d’accompagnement et de cliquer sur le bouton « logiciels libres » [Accompagnement autour des logiciels libres] ; c’est là que vous trouverez tous les liens vers La gazette #BlueHats, comment vous inscrire ainsi que les liens vers le Socle interministériel d logiciels libres.
Frédéric Couchet : D’accord. Merci Bastien. Est-ce que tu as quelque chose à ajouter ? Une annonce d’évènement ou un appel à lancer ?
Bastien Guerry : Simplement continuer. Blue Hats, ce n’est pas seulement les gens de l’administration, c’est aussi des citoyens, c’est aussi des entreprises, c’est vraiment l’ensemble de l’écosystème qui pense que le logiciel libre et le service public sont des valeurs communes qu’il faut encourager ensemble.
Frédéric Couchet : Merci. C’était Bastien Guerry de la mission Etalab, Blue Hats. Nous vous encourageons, évidemment, à vous inscrire à la newsletter, à la lettre d’information pour vous informer et éventuellemnt contribuer. Merci Bastien.
Frédéric Couchet : Merci beaucoup.
Ludovic Dubost, XWiki
Frédéric Couchet : Je suis avec Ludovic Dubost, fondateur de la société XWiki. Première question : que fait XWiki ?
Ludovic Dubost : Chez XWiki on développe deux logiciels libres de collaboration. Le premier s’appelle XWiki. C’est un logiciel de partage de connaissances et d’organisation des connaissances à l’intérieur des entreprises, basé sur le principe du wiki. Le deuxième logiciel qu’on fait s’appelle CryptPad qui est un logiciel de collaboration qui a la particularité d’être chiffré de bout en bout. Donc on peut éditer des documents à plusieurs, documents « WYSIWYG », textes, Kanban, différents types de documents, les partager et à aucun moment le serveur ne va avoir connaissance ni du contenu des documents ni des partages qui ont lieu.
Frédéric Couchet : XWiki est membre de l’April. Quelles sont les raisons qui t’ont conduit à soutenir l’April ?
Ludovic Dubost : Nous on est un éditeur de logiciels qui est impliqué dans l’open source. On est impliqués dans l’open source parce que un, on arrive à en faire un business qui marche, donc on arrive à vivre de ce développement. Mais on considère aussi que développer de l’open source c’est important. C’est important pas uniquement du point de vue technologique ou économique, mais c’est aussi important du point dde vue politique au niveau de la souveraineté des pays, au niveau de la liberté des citoyens. L’April défend ces sujets-là et, pour nous, c’est important de redonner une partie de nos propres revenus – ce n’est pas grand-chose d’être membre de l’April – pour soutenir les actions à la fois sociales et politiques liées à défendre ce modèle économique-là et ce modèle de développement du logiciel.
Frédéric Couchet : Merci Ludovic déjà pour ce que tu fais dans le Libre. Merci à toi et à XWiki pour le soutien à l’April. Je te souhaite une bonne fin de salon.
Ludovic Dubost : Merci beaucoup.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter la première série d’interviews faites lors du Paris Open Source Summit.
Nous allons faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Frédéric Couchet : Nous allons écouter La fin de Saint Valéry par Ehma. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune.
Voix off : Cause Commune 93.1.
Pause musicale : La fin de Saint Valéry par Ehma.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter La fin de Saint Valéry par Ehma, disponible sous licence Art Libre. Vous retrouverez les références sur le site de l’April, april.org, et sur le site de Cause Commune, causecommune.fm.
[Virgule musicale]
Frédéric Couchet : Nous allons écouter la seconde série d’interviews faites lors du Paris Open Source Summit en décembre 2019 et on se retrouve juste après.
Olivier Cayrol, Logilab
Frédéric Couchet : Je suis avec Olivier Cayrol de la société Logilab, toujours au salon POSS en décembre 2019. Bonjour Olivier. Je voudrais déjà que tu nous présentes la société Logilab.
Olivier Cayrol : Bonjour. Logilab est une petite entreprise de 25 personnes aujourd’hui. Nous sommes basés à Paris et à Toulouse et nous proposons des formations autour de différentes techniques comme Python ou Javascript, des choses comme ça, et nous répondons à des problèmes de nos clients en développant des logiciels en particulier.
Frédéric Couchet : D’accord. Donc Logilab est membre de l’April depuis de longues années, elle soutient nos actions. Pourquoi une entreprise comme Logilab soutient les actions de l’April ?
Olivier Cayrol : Logilab est une entreprise qui a toujours utilisé le logiciel libre depuis sa création en 2000, qui a contribué au logiciel libre et qui attache une grande importance, ça fait partie de ses valeurs, au logiciel libre. Quand on voit aujourd’hui que, très régulièrement, il y a des projets de loi, des initiatives qui vont à l’encontre des libertés fondamentales qui sous-tendent le logiciel libre, eh bien il nous semble tout à fait naturel que nous nous tournions vers des associations ou des acteurs qui sont capables de faire pression auprès de nos gouvernants pour défendre ces libertés-là et défendre le logiciel libre.
Frédéric Couchet : Olivier, je te remercie et je remercie Logilab pour ce soutien à l'April depuis de longues années et je te souhaite une bonne fin de salon.
Olivier Cayrol : Merci beaucoup. Bonne fin de salon également.
Frédéric Couchet : Merci.
Benoit Sibaud, LinuxFr
Frédéric Couchet : Nous sommes avec Benoît Sibaud, présent à POSS, le salon du logiciel libre à Paris en décembre 2019. Benoît, tu es président de LinuxFr et vous venez de recevoir un prix des acteurs du Libre. Déjà, Benoît, est-ce que tu peux te présenter à titre individuel ?
Benoît Sibaud : Bonjour. Benoît Sibaud. Ça fait un petit moment que je traîne dans les milieux du Libre, depuis une vingtaine d’années. Je suis rentré dans l’équipe de LinuxFR pour faire du développement. J’ai aussi exercé et j’exerce encore le rôle de directeur de publication et de président de l’association qui est derrière le site linuxfr.org. J’ai aussi été actif pour la création d’un groupe d’utilisateurs du logiciel libre en région Auvergne, Linux Arverne, et, au sein de l’association April pour la promotion et la défense du logiciel libre, d’abord comme membre du conseil d’administration puis cinq ans comme président.
Frédéric Couchet : D’accord. LinuxFr c’est quoi exactement ?
Benoît Sibaud : LinuxFr, à la base c’est une association qui sert de coquille juridique pour le site web d’actualité autour du logiciel libre, linuxfr.org. L’association a vraiment pour unique fonction de servir à recevoir des dons et gérer les problèmes juridiques qui pourraient exister, liés au site. Le site en lui-même est un site d’actualité sur le logiciel libre, le matériel libre, la culture libre et tous les sujets annexes autour des libertés dans le monde numérique, on va dire, de manière générale. Il est géré par une équipe de bénévoles, sans publicité, depuis 21 ans maintenant, donc un site qui a actuellement plus de 100 000 contenus et 1,8 millions de commentaires publiés.
Frédéric Couchet : Si je comprends bien, en fait le site repose sur le principe que des personnes soumettent des contenus qui sont ensuite soumis à la modération de l’équipe de LinuxFR. C’est bien ça ?
Benoît Sibaud : Il y a plusieurs types de contenus sur le site. Les contenus les plus visibles, ce qu’on appelle les dépêches, sont des articles qui sont soumis par nos visiteurs, soit directement écrits par un visiteur donné qui veut parler de son projet, sa communauté, son actualité, une actualité dans le monde du logiciel libre de manière générale ou qui touche au domaine informatique ou au domaine des libertés, mais aussi des gens qui utilisent notre espace de rédaction collaborative pour pouvoir rédiger à plusieurs un contenu pour, par exemple, faire une synthèse sur un sujet donné. Souvent on n’a pas une personne qui connaît l’intégralité d’un domaine technique donné, un domaine technique ou juridique ou artistique, enfin un domaine dans son ensemble dans les sujets traités, donc on a une personne qui va écrire un paragraphe sur une partie du sujet, une autre personne qui va écrire un autre paragraphe, une troisième personne qui va s’intéresser uniquement à la correction orthographique, grammaticale, syntaxique, rajouter des liens supplémentaires, mettre des tags, ce genre de choses, puis une autre personne qui va venir et qui va se proposer de rajouter des images et on arrive à avoir des contenus avec plusieurs dizaines de contributeurs sur les contenus les plus volumineux en termes de taille.
Frédéric Couchet : D’accord. Ça fait combien de contenus, de dépêches postées par semaine à peu près ?
Benoît Sibaud : Il y a quelques dépêches publiées par jour, donc on tourne autour d’une vingtaine à peu près, je pense, par semaine, ça dépend des semaines. Il y a des contenus qui sont réguliers, je pense par exemple à la dépêche hebdomadaire pour annoncer l’Agenda du Libre et tous les évènements de la semaine sur le logiciel libre en France, en Belgique, en Suisse, en Tunisie et l’autre Agenda du Libre du Québec. On reprend leurs évènements, on les annonce en général le week-end pour la semaine qui suit. Donc on peut avoir ce type de contenus réguliers ou alors des contenus qui sont liés à une actualité, que ça doit une nouvelle directive européenne, l’annonce d’un nouveau projet ou l’évènement d’une communauté, enfin tous types d’évènements susceptibles d’intéresser nos lecteurs. Après tout, l’objectif de linuxfr c’est d’être géré par la communauté et d’être utilisé pour la communauté, donc nos visiteurs sont aussi nos contributeurs, ils nous aident à publier des contenus. Après, nos visiteurs rentrent aussi dans l’équipe et deviennent modérateurs, animateurs de l’espace de rédaction, qui aident à coder le site, à rajouter des images et des visuels pour le site, à administrer les serveurs de l’association, les serveurs utilisés pour le site. Tout type d’activités qui permettent de faire tourner le site.
Frédéric Couchet : D’accord. Une force particulière, un point important dans les dépêches ce sont les commentaires, c’est-à-dire que ce sont des dépêches qu’on peut commenter et c’est un peu, peut-être, un sujet de discussion ou sans doute de débat, la qualité ou le nombre de commentaires qu’il y a sur les dépêches. Est-ce que globalement ce sont des commentaires de qualité et est-ce qu’il y a une évolution dans les commentaires au fur et à mesure des années, par rapport au début ? Tu as dit que ça a été créé il y a une vingtaine d’années, est-ce qu’aujourd’hui il y a plus de commentaires, moins de commentaires ?
Benoît Sibaud : Il y a eu pas mal de changements sur la forme des commentaires. Notamment initialement il était possible de laisser des commentaires anonymement alors que ce n’est plus le cas actuellement ; plus précisément les commentaires sont associés à un compte et le compte c’est un pseudonyme. On ne sait pas forcément qui est la personne mais au moins c’est rattaché à un pseudonyme.
En termes de volume, c’est très variable suivant les types de contenus. On a des contenus qui appellent assez peu de commentaires. Souvent les contenus qui, pour nous, sont les contenus modérés à priori, donc qui passent par la relecture de l’équipe de modération, qui ont été complétés, ont en général un petit peu moins de commentaires parce qu’ils appellent moins à commentaires : on annonce des faits, on annonce un évènement, on publie une synthèse sur tel ou tel sujet, donc il y a un peu moins de commentaires ou ce sont des commentaires très pointus, très techniques. À côté, on a d’autres types de contenus qui sont des contenus où on n’a qu’une modération à posteriori si nécessaire, où tout type de sujet peut être abordé et on peut avoir énormément d’échanges d’une qualité qui peut être variable, ça dépend du niveau de connaissance des gens. Mais permettre aux gens d’exprimer des arguments, devoir discuter avec les autres et échanger sur les divers sujets c’est aussi ce qui est intéressant. Ce ne sont pas forcément les sujets les plus liés au site en lui-même qui génèrent le plus de commentaires. Actuellement, si je me rappelle bien, le contenu avec le plus de commentaires sur le site est lié à un débat sur l’avortement, donc ce n’est pas vraiment lié à une thématique principale du site par exemple.
Frédéric Couchet : Pour qu’on comprenne bien, c’est une dépêche qui était liée à l’avortement ou c’est un dérivé d’une dépêche qui n’était pas lié à ce sujet-là ?
Benoît Sibaud : La partie dépêche, le contenu modéré à priori, ça veut dire que c’est en lien avec l’activité du site et ça passe par l’équipe de modération qui va relire, compléter et publier le contenu.
On a d’autres types de contenus comme les journaux qui sont une forme de blog, au final : on permet aux visiteurs de poster des contenus sous leur nom sur le site. Donc une personne avait publié un contenu, en l’occurrence là sur l’avortement, et il y a eu des débats sur les pour et les contre. Il y avait eu de longs débats, je crois aux alentours d’un millier de commentaires dessus.
Frédéric Couchet : D’accord. Est-ce que vous avez – vous en avez vu que vous l’avez annoncé – pas des réquisitions, mais des plaintes justement pour des contenus qui pourraient être soit litigieux, soit diffamants dans l’histoire de LinuxFR et comment vous gérez ça ?
Benoît Sibaud : En termes de problèmes liés à du juridique et autre, on a différentes problématiques qui se sont déjà posées à nous. On a eu des cas où on n’était pas directement concernés, mais les contenus passaient par nous. Par exemple on a une personne, à un moment, qui a publié des contenus pour se venger d’une ex-petite amie à priori, dans le cadre de ce qu’on appellerait du revenge porn, donc qui a publié des informations personnelles sur une personne plus des contenus dégradants pour la personne. Les contenus ont été pour partie bloqués avant la modération parce qu’on pouvait ou effacés dès qu’on en a eu connaissance. Là, après, on a été en contact avec la gendarmerie par exemple, mais on n’était pas directement concernés à part qu’on a permis de fournir les éléments qui étaient en notre possession.
Il y a d’autres types de cas où on est concernés par rapport à la loi sur la confiance dans l’économie numérique de 2004 en tant que site qui publie du contenu, soit du contenu qui est publié par nos visiteurs, soit du contenu pour lequel on a fait une modération. Donc là on est partie prenante du processus de publication et on a une responsabilité supplémentaire qui est ajoutée.
Sur ces différents types de contenus, pour différentes raisons, on a déjà reçu dans l’histoire du site plusieurs mises en demeure pour divers sujets, la première concernait une entreprise qui se considérait comme diffamée, la seconde un individu qui considérait son travail comme contrefait ; la troisième est en cours de publication, donc je vais attendre, j’espère qu’elle sera publiée sous peu et on reparlera de la quatrième un peu plus tard je pense.
Frédéric Couchet : D’accord. Tout à l’heure tu parlais de l’équipe de bénévoles de LinuxFr. Il est important de préciser qu’il n’y a que des bénévoles qui contribuent à LinuxFr. Combien de personnes constituent aujourd’hui l’équipe ?
Benoît Sibaud : Il y a globalement 20 à 30 personnes qui contribuent à l’équipe, c’est assez varié. On doit être une à deux personnes pour gérer la partie administration des serveurs. Il y a deux/trois personnes qui contribuent sur la partie code. Il y a une quinzaine de personnes dans l’équipe de modération. Il y a quelques personnes qui font l’animation de l’espace de rédaction pour aider les gens à écrire des contenus. Globalement, il y a à peu près 20 à 30 personnes qui travaillent sur le site. Ce ne sont pas forcément les mêmes qu’à l’origine, heureusement il y a eu du renouvellement : les problématiques habituelles de la vie, il y a des gens qui ont moins de temps libre, qui vont avoir des enfants, qui changent d’activité, qui s’orientent vers d’autres types sujets ou qui lancent leur propre projet. Globalement on a réussi à renouveler les équipes jusque-là et c’est plutôt une bonne chose de voir que le site est toujours là plus de 20 ans après.
Frédéric Couchet : Justement, vous venez de recevoir un prix aujourd’hui au salon POSS. Le prix c’est le Prix du numérique ouvert et éthique. Peu importe le nom du prix ! C’est vrai qu’on pense qu’en 20 ans de présence, effectivement ! Comment vous le recevez ce prix en termes de l’équipe ? Ce n’est pas une concrétisation, mais comment vous recevez le prix ?
Benoît Sibaud : C’est un prix qui était basé sur une candidature. Ce qu’on a trouvé intéressant c’était la partie argumentation de la candidature et expliquer ce qu’on fait, pourquoi on le fait, comment on le fait. Expliquer que le fait de gérer nos serveurs, d’avoir notre logiciel et de contribuer à notre logiciel, de publier sous une licence libre le logiciel qu’on utilise pour réaliser le site, de gérer l’activité du site de manière la plus ouverte possible et de communiquer, de manière générale, sur tout ce qu’on fait et comment on le fait.
On parlait tout à l’heure de la question des mises en demeure, quand on reçoit des mises en demeure, une fois que l’aspect strictement réponse juridique est traité, on va communiquer, on va publier la mise en demeure qu’on a reçue, on va expliquer la réaction qu’on a eue, l’analyse qu’on a pu en avoir et quel type d’action on a pu avoir derrière, parce qu’on sait que ça va arriver à d’autres personnes de recevoir ce type de mise en demeure et que nous on peut se permettre de communiquer dessus et d’expliquer ce qu’il faut faire dans ce cas-là, comment réagir, ce qu’il faut faire, ce qu’il ne faut pas faire. De manière générale, on essaye de communiquer sur tous les sujets liés à notre activité pour que d’autres puissent faire la même chose que nous.
On a fait de nombreuses conférences sur ces thématiques-là, dont une qui s’appelait « LinuxfR, mais refaire ? », si c’était à refaire comment on referait le site. On essaye d’être toujours en capacité de se demander comment on pourrait refaire le site et est-ce que d’autres pourraient faire la même chose que nous, lancer la même chose que nous ? Une des questions, notamment, ce sont les restrictions qu’il peut y avoir maintenant sur la liberté d’expression ou le contexte juridique : en quoi on va avoir de nouvelles limitations, comment on doit s’adapter et quelles sont les nouvelles contraintes, quelles réponses on va adopter ? Oui, ça serait plus facile d’éliminer tous les contenus et tous les commentaires problématiques, on éviterait ainsi tous les problèmes, mais ce n’est pas forcément ce qu’on souhaite. Bref ! Ce sont toutes ces questions-là qui apparaissent derrière la question de faire du numérique de manière libre, certes, mais aussi de manière ouverte et éthique.
Frédéric Couchet : D’accord. On va rappeler que le site c’est linuxfr.org et c’est le site de référence pour les actualités. On encourage évidemment les personnes qui écoutent l’émission ou le podcast à s’inscrire au flux RSS et à soumettre des propositions de dépêches ou à commenter les dépêches, de participer aux journaux.
Dernière question : qu’est-ce que tu pourrais souhaiter ? Quels seraient les besoins potentiels de LinuxFR pour les années à venir ?
Benoît Sibaud : Comme tous les projets et les projets du Libre en particulier, on a toujours besoin de contributeurs pour aider à tous les niveaux. La vraie problématique est toujours la même pour tout le monde. Je disais qu’on a renouvelé les effectifs du côté de l’équipe, du côté des visiteurs aussi, mais le grand sujet pour le site reste toujours comment s’assurer que les nouvelles générations ou que des nouveaux lecteurs vont venir sur le site, à quel point on va réussir à avoir un site qui est moderne techniquement, qui est moderne esthétiquement et qui aborde correctement les thématiques actuelles on va dire. Est-ce que si on parlait uniquement de logiciel libre maintenant ce ne serait peut-être pas suffisant. Le fait d’élargir à d’autres thématiques c’est dans l’air du temps ; quels sont les prochains sujets qui vont apparaître, de quoi on va devoir parler, ça fait aussi partie des choses qu’on doit identifier et aider les gens à s’exprimer sur ces sujets-là. Le but de linuxfr c’est de permettre aux communautés de s’exprimer, de servir de relais de communication et de pouvoir médiatiser un certain nombre de messages.
Hier j’assurais la publication de la énième dépêche sur le sujet des brevets logiciels au niveau européen et un nouvel appel à manifester au Parlement à Bruxelles. Ça fait des dizaines de dépêches qu’on passe sur le sujet, on en parle depuis 2003 au moins et le sujet est toujours d’actualité, on continue à en parler. Ça reste un sujet important, c’est important que les nouveaux lecteurs ou ceux qui n’étaient pas là il y a 20 ans découvrent le sujet, en prennent connaissance et qu’on continue à animer les communautés et à diffuser ce type de messages.
Frédéric Couchet : Benoît très bien. Je vais rappeler, je vais indiquer que le podcast de l’émission Libre à vous ! est annoncé évidemment chaque semaine sur linuxfr. J’en profite pour remercier l’équipe de modération parce que, entre la première fois où j’ai posté des annonces et aujourd’hui il y a eu des évolutions dans ma présentation qui ont été faites suite à des suggestions de l’équipe de modération pour améliorer la présentation de l’annonce. Ça c’est très important, quand on soumet une dépêche, d’avoir un retour nous disant « là tu pourrais améliorer telle ou telle chose », donc franchement, merci à l’équipe de modération et puis merci à LinuxFr d’exister. On va faire un petit coucou notamment à Fabien Penso, l’un des fondateurs de LinuxFr il y a une vingtaine d’années.
Benoît je te remercie pour cette présentation de LinuxFr et pour tout ce que tu fais. Je te souhaite une belle journée.
Benoît Sibaud : Merci.
Pierre Baudracco, BlueMind
Frédéric Couchet : Je suis avec Pierre Baudracco, le créateur de BueMind. Première question : qu’est-ce que c’est que BlueMind ?
Pierre Baudracco : Bonjour Frédéric. BlueMind est une solution open source de messagerie collaborative. En gros c’est l’équivalent d’Exchange, le serveur de messagerie de Microsoft, en open source, avec la grande particularité c’est qu’aujourd’hui on est les seuls à supporter Outlook aussi bien que le fait Exchange. Je précise parce qu’Outlook c’est la grande demande du marché : pour l’utilisateur non informaticien très souvent messagerie égale Outlook.
Frédéric Couchet : D’accord. BlueMind, depuis sa création, est membre de l’April, soutient nos actions. Quelle a été la motivation ou les motivations pour rejoindre l’April et soutenir nos actions ?.
Pierre Baudracco : Chez BlueMind on croit beaucoup aux valeurs de l’open source ou du logiciel libre, notamment le côté transparence, diffusion de savoir et ça ce sont des valeurs qu’on va retrouver de façon plus générale sur l’ouverture au niveau de l’April. On est très impliqués. J’ai été moi-même deux années président du Forum du Paris Open Source Summit, coprésident du CNLL, on est très impliqués dans tout l’écosystème du logiciel libre en France, donc, pour nous, c’est tout à fait naturel de soutenir l’April qui est un fervent défenseur de toutes ces libertés.
Frédéric Couchet : Merci Bien. Merci à BlueMind et bonne fin de salon.
Pierre Baudracco : Merci bien Frédéric.
Frédéric Couchet : Vous êtes toujours sur radio Cause Commune 93.1 FM en Île-de-France et sur le site causecommune.fm partout dans le monde.
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Frédéric Couchet : Nous allons faire une pause musicale. Nous allons écouter Sneaky Snitch et on se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune.
Voix off : Cause Commune 93.1.
Pause musicale : Sneaky Snitch de Kevin MacLeod.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Sneaky Snitch de Kevin MacLeod disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions.
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Frédéric Couchet : Nous allons maintenant écouter les dernières interviews faites lors du salon POSS en décembre 2019.
Brume et Neil, association 42l
Frédéric Couchet : Nous sommes toujours au salon POSS à Paris en décembre 2019 et j’ai le plaisir d’avoir un peu de jeunesse par rapport à d’autres personnes présentes, avec Brume et Neil, qui sont de l’école 42. Déjà première petite question : quel est votre parcours et pourquoi vous êtes à l’école 42 ? Brume.
Brume : Bonjour. Mon pseudo c’est Brume. Je suis allée directement à l’école 42 juste après avoir eu mon bac, un bac scientifique, et j’ai décidé d’aller à l’école 42 parce que l’école était notamment ouverte 24 heures sur 24, ce qui est assez intéressant pour pouvoir avoir des activités à l’extérieur de l’école et aussi du fait qu’en regardant un petit peu l’éventail des possibilités de cursus en informatique, que ce soit la faculté sur laquelle j’avais beaucoup de retours négatifs de connaissances, que ce soit les écoles privées que je ne pouvais pas me payer, finalement 42 se trouvait être une très bonne alternative aux deux.
Frédéric Couchet : Et toi Neil ?
Neil : Moi j’avais commencé un BTS SIO [Services informatique aux Organisations ] juste après mon bac et je n’y ai pas trouvé mon bonheur pour des raisons personnelles et aussi parce que j’avais déjà des connaissances en informatique et que le cursus ne m’attirait pas tout à fait. Donc j’ai fini la première année et je suis venu à 42, j’ai essayé et je ne suis pas déçu.
Frédéric Couchet : 42 est une école à Paris, créée par Xavier Niel. C’est quoi la spécificité ou les spécificités de l’école 42 ? Neil.
Neil : L’école 42 est une école qui est ouverte 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, même les jours fériés, même les jours de vacances. Ça peut donner l’impression que c’est très intensif pour les élèves, mais, en réalité, les élèves peuvent venir juste quand ils veulent donc ça leur permet de définir leur emploi du temps comme ils en ont envie en fait.
Frédéric Couchet : Précisons que c’est une école d’informatique.
Neil : C’est une école d’informatique, tout à fait, et c’est une école d’informatique qui est privée et gratuite, ce qui est assez atypique. Les certificats délivrés par cette école ne sont pas reconnus par l’État. Cela dit, généralement on n’a pas trop de mal à trouver du travail avec parce qu’il y a une reconnaissance auprès des entreprises et auprès des autres secteurs.
Frédéric Couchet : Le cursus dure combien de temps ? Brume.
Brume : Le cursus peut durer de deux à cinq ans, mais beaucoup d’étudiants partent après leur premier stage parce qu’ils sont embauchés, ce qui fait, qu’en fait, beaucoup d’étudiants ne terminent pas la formation. Pour essayer de pallier à ce problème, 42 a décidé de rendre le premier stage facultatif. C’est encore en cours de test, on ne sait pas vraiment ce que ça va donner, mais le fait est que du coup, pour les promotions précédentes, ça tourne autour de 80 %, je crois, d’élèves qui partent au bout d’un an ou deux ans et très peu, finalement, restent jusqu’à la fin et font bien les cinq ans et tous les projets.
Frédéric Couchet : D’accord. Quelle est la place du logiciel libre dans les enseignements ou dans les pratiques de l’école 42 ?
Neil : J’ai oublié de préciser que l’école 42 n’a pas de professeurs.
Frédéric Couchet : C’est une précision importante. Ça fonctionne comment, alors, s’il n’y a pas de professeurs ?
Neil : Il y a des projets qui sont créés. La majorité sont créés par les élèves eux-mêmes. Une fois qu’un élève a suffisamment de connaissances dans un domaine spécifique d’informatique il peut créer un projet qui est, en fait, un ensemble de consignes, un ensemble de charges que l’élève doit respecter pour concevoir un projet et ensuite il se fait corriger par ses pairs, donc d’autres élèves de l’école qui corrigent son projet et pour se faire corriger son projet, il faut corriger d’autres élèves. C’est un système d’éducation, d’enseignement, en pair à pair, relativement horizontal. Donc il n’y a pas d’enseignement de professeurs, donc il n’y a pas non plus de cours particuliers, par exemple sur les enjeux éthiques et sociaux du logiciel libre.
Frédéric Couchet : Est-ce qu’il y a, par exemple, des enseignements théoriques sur la programmation dans un langage particulier ou apprendre le réseau ou tout ce fait via ces projets ?
Neil : Tout se fait via la pratique. Il y peut y avoir, par exemple, des projets QCM où l’élève est incité à aller directement sur Internet ou à consulter son voisin de gauche, son voisin de droite, pour avoir les réponses aux exercices. Donc il n’y a pas d’enseignement théorique par une personne, une autorité supérieure.
Frédéric Couchet : D’accord. Quelle est la place du logiciel libre dans ces projets ? Est-ce que c’est une place importante ? Est-ce que vous utilisez des outils libres ?
Brume : En soi, oui on utilise des outils libres, par exemple on va beaucoup utiliser soit Vim soit Emacs.
Frédéric Couchet : Qui sont des environnements de développement, on va dire, ou éditeurs de texte.
Brume : Oui. Éditeurs de texte plutôt.
Frédéric Couchet : Emacs est un environnement de développement.
Brume : Emacs, oui. On va par exemple aussi utiliser Clang et GCC qui sont des compilateurs en langage C donc qui sont tous les deux libres également ; on utilise aussi Git. Donc on utilise beaucoup de logiciels libres, mais les élèves les utilisent sans vraiment se rendre compte que ce sont des logiciels libres.
Frédéric Couchet : Et sans savoir ce qu’est un logiciel libre ?
Brume : Sans savoir ce qu’est un logiciel libre également. Il faut savoir que dans les statistiques de 42, il me semble qu’il y a à peu près 50 % des étudiants qui arrivent à l’école en n’ayant jamais codé en informatique, ce qui fait que la plupart, en fait, n’a absolument pas conscience de tous les enjeux d’éthique qu’il peut y avoir dans le domaine.
À l’école il y a aussi beaucoup de conférences, il y a un amphithéâtre qui est utilisé quasiment tous les jours et la plupart des conférenciers sont de très grosses entreprises ou des GAFAM. Quand un étudiant qui ne connaît absolument rien à l’informatique voit une conférence de Facebook, Facebook il connaît forcément, il trouve ça fantastique « je peux avoir un travail chez Facebook, tout le monde connaît Facebook, c’est fantastique ! » Du coup, il ne va avoir aucune image donnée du Libre. Les élèves sont tout de suite happés dans une spirale sans fin par d’énormes entreprises qui veulent tous les embaucher, qui veulent tous faire plein de trucs fantastiques et, en fait, il n’y a pas du tout de Libre à côté.
Frédéric Couchet : D’accord. Neil, tu veux rajouter quelque chose ?
Neil : Oui, effectivement, même s’il n’y a pas de cours particuliers, il y a quand même des conférences qui sont organisées et l’école 42 est relativement neutre à ce sujet, c’est-à-dire que toute organisation, entreprise, même des particuliers, des associations peuvent organiser des conférences à l’école 42, ils sont totalement ouverts à ça. Comme il y a une vie associative très présente à l’école 42, il y a une vingtaine d’associations étudiantes à l’école 42, eh bien les associations peuvent aussi inviter d’autres personnes de l’extérieur, donc faire venir des conférenciers, des conférencières à l‘école.
Ce qui se passe, effectivement, c’est qu’on retrouve toujours les mêmes entreprises en conférence, sachant que généralement ces entreprises ont le budget pour faire venir des conférenciers très pointus dans leur domaine, qui savent présenter les choses comme il faut. Ensuite il y a toute une histoire de goodies, de buffet bien organisé par ces entreprises-là qu’on n’a pas du côté du Libre. On a eu du mal, à un moment, à trouver des personnes pour venir sensibiliser les élèves à l’école 42.
Frédéric Couchet : Avant de parler de l’association que vous avez créée à l’école 42 autour du logiciel libre, qui s’appelle donc 42l, comment vous, vous avez été sensibilisés au Libre à titre personnel ? Est-ce que c’est avant l’école ou pendant les projets à l'école ? Brume par exemple.
Brume : Pour moi c’est totalement Neil qui m’a sensibilisée, du coup je vais plutôt laisser Neil parler.
Frédéric Couchet : Alors Neil.
Neil : Moi c’était simplement par l’envie de comprendre les outils de mon environnement. C’est-à-dire que j’étais très attiré par l’informatique depuis que je suis petit. En utilisant mes logiciels au quotidien, par exemple Google ou Windows, je me suis aperçu que je n’étais pas tout à fait libre, donc je voulais savoir comment ils fonctionnaient à l’intérieur. C’est là où je me suis rendu compte que j’étais emprisonné donc j’ai voulu essayer d’autres logiciels, savoir comment ils fonctionnaient et c’est là où j’ai découvert un petit peu le monde du Libre.
Frédéric Couchet : D’accord. Donc tu étais sensibilisé avant l’école 42. Tu rentres à l’école 42 et tu te rends compte avec Brume que la partie éthique ou même la connaissance du logiciel libre n’est pas très présente, donc vous décidez de créer une association qui s’appelle 42l pour « 42 logiciels libres ».
Neil : Oui. Exactement, 42l.
Frédéric Couchet : 42l. Quel est le but de cette association et quelles actions vous menez ?
Neil : Nous organisons des conférences, des ateliers et des débats à l’école 42. On fait de la sensibilisation. On invite des personnes qui savent parler du sujet bien mieux que nous sur certaines spécificités de leur domaine, par exemple pour présenter un logiciel qu’ils utilisent qui est libre ou même parler réellement des enjeux éthiques et sociaux, venir participer à des débats, par exemple on a invité Parinux pour une install-party à l’école 42.
Frédéric Couchet : Parinux est un groupe d’utilisateurs et d’utilisatrices de logiciels libres de la région parisienne.
Neil : Exact.
Frédéric Couchet : Une install-partie c’est une fête d’installation où les gens se font aider pour installer du logiciel libre sur leur ordinateur.
Neil : Tout à fait. Ce sont des moments très conviviaux à passer avec les élèves de l’école 42 et généralement ça se passe plutôt bien.
Frédéric Couchet : D’accord. Vous avez beaucoup d’élèves de l’école 42 qui viennent assister à ces conférences, à ces ateliers ? Une bonne proportion ou c’est une minorité ?
Brume : Par exemple le 13 novembre c’était l’une des premières fois où on faisait une grosse conférence, on a invité cinq personnes à venir, c’étaient des contributeurs de la monnaie libre Ğ1 et toutes les places de l’amphithéâtre ont été réservées, c’est-à-dire 150 places.
Frédéric Couchet : Oui ! Donc ça intéressait beaucoup les gens.
Brume : Ça intéressait beaucoup de gens. Après, il faut savoir que par rapport au nombre de personnes dans l‘école ce n’est pas non plus gigantesque !
Frédéric Couchet : Il y a combien d’étudiants et d’étudiantes dans l’école ? De personnes finalement ?
Brume : Il y a à peu près 900 personnes qui rentrent chaque année en sachant que beaucoup ne restent qu’un an.
Frédéric Couchet : Est-ce que vous avez connaissance de la répartition entre hommes/femmes dans les personnes qui sont à l’école ?
Brume : Ça tourne autour de…
Neil : 30 %.
Brume : 30 % ? Non ! Ça doit tourner autour de 20 % je dirais.
Frédéric Couchet : 20 % de femmes.
Brume : À peu près. En tout cas il y a une nouvelle directrice à l’école qui s’appelle Sophie Viger, qui est à ce poste depuis novembre 2018 il me semble, et son but est vraiment de faire en sorte qu’il y ait la parité à l’école, donc beaucoup de choses sont mises en place pour ça.
Frédéric Couchet : D’accord. J’ai vu que vous étiez présents aussi à des évènements libristes. Votre association et vous-mêmes étiez présents notamment à Toulouse récemment, en novembre 2019, à l’évènement Capitole du Libre ; là le but c’est de faire connaître l’école 42 et la partie logiciel libre pour faire venir de nouvelles personnes ?
Neil : C’est surtout faire connaître l’association 42l et présenter aux libristes le fait qu’il est possible, pour la communauté libriste, de venir organiser des conférences à l’école 42. En fait, notre enjeu de sensibilité se présente sous deux axes principaux : la sensibilisation des élèves mais aussi la communication auprès des libristes. On ne peut pas faire de la sensibilisation tout seuls en fait, on a besoin de personnes pour venir présenter les sujets. C’est pour ça qu’on vient aux évènements du Libre en France : on veut présenter nos activités, on veut que des personnes puissent manifester leur intérêt pour nos activités et éventuellement présenter les leurs à l’école 42.
Frédéric Couchet : En tout cas vous lancez un appel à vous contacter à toute personne qui souhaiterait faire une présentation autour du logiciel libre ou faire un atelier pratique à l’école 42.
Est-ce que vous savez déjà ce que vous allez faire après ? Est-ce que vous avez une idée ? Comme tu le disais au début, Brume, on peut rester entre un an et cinq ans à l’école 42, ça dépend des stages. Est-ce que vous avez déjà une idée du domaine dans lequel vous allez travailler ou des structures dans lesquelles vous avez envie de travailler ? Brume.
Brume : Je ne sais pas vraiment. Je sais que j’aimerais beaucoup faire d’autres études après pour pouvoir faire de l’informatique plus tard mais aussi avoir d’autres cordes à mon arc. Par exemple j’aimerais bien faire au moins un an une école d’art pour pouvoir apporter quelque chose d’utile au Libre de manière générale.
Frédéric Couchet : Et de ton côté Neil ?
Neil : Je n’ai pas encore tout à fait de position à ce sujet-là. Je pense que le temps nous le dira. En ce qui concerne l’association c’est la même chose, c’est-à-dire qu’elle a été créée en janvier 2019, nous avons ouvert les adhésions en mai 2019. Elle a plus ou moins six mois d’existence. Le futur reste encore très vague pour nous deux, je pense.
Frédéric Couchet : D’accord. Est-ce qu’il y a un site web consacré à l’association ou pour vous contacter.
Neil : Oui, tout à fait : 42l.fr. Il y a un blog sur lequel on publie régulièrement des articles, on donne des nouvelles de ce que nous organisons et sur lequel on peut accéder à nos services parce que nous faisons partie du collectif CHATONS initié par Framasoft.
Frédéric Couchet : Rappelle-nous ce que veut dire CHATONS, ce qu’est le collectif CHATONS en une phrase.
Neil : C’est le Collectif des Hébergeurs Alternatifs Transparents Ouverts Neutres et Solidaires qui est, en fait, un collectif de petites structures qui ont envie de proposer des services alternatifs aux géants du Web. Nous faisons partie de ce collectif et nous hébergeons quelques petits services qui peuvent être utiles à toutes et tous et qui sont en libre accès.
Frédéric Couchet : Merci. Est-ce que vous souhaitez ajouter quelque chose ? Non. Pas du tout. OK. Je vous remercie.
En tout cas ça fait plaisir de voir des jeunes qui se mobilisent pour les libertés informatiques, qui créent des associations. L’accès 24 heures sur 24 à l’école 42 me rappelle ma jeunesse à Saint-Denis Paris 8 où une des spécificités du centre de calcul était l’accès 24 heures sur 24 pour les étudiants et étudiantes d’informatique.
Nous étions avec Neil et Brume de l’école 42 et surtout de l’association 42l, donc 42l.fr. N’hésitez pas, si vous souhaitez proposer des conférences ou des ateliers, contactez-les.
Je vous souhaite une belle journée.
Neil : Merci.
Brume : Merci.
Jean-Michel Armand, Hybird
Frédéric Couchet : Nous sommes en direct du salon POSS, en décembre 2019, je suis avec Jean-Michel Armand de Hybird. Déjà Jean-Michel, est-ce que tu peux présenter Hybird ?
Jean-Michel Armand : Bonjour. Hybird est une société qu’on a crée en 2005. On est éditeur intégrateur du CRM en logiciel libre Crème CRM.
Frédéric Couchet : Un CRM c’est un outil d’une relation client, c’est ça ?
Jean-Michel Armand : Voilà, juste une relation client. C’est un outil qui est censé aider les commerciaux à être plus efficaces et surtout leur libérer du temps pour qu’ils fassent leur métier qui est de vendre et pas juste de se rappeler qui ils ont appelé, qui ils ont encore à appeler, qui ils ont oublié, etc.
Frédéric Couchet : D’accord. Hybird est membre de l’April, c’est une entreprise. Quelles sont les motivations pour Hybird d’avoir adhéré à l’April et est-ce que tu es content de l’adhésion ?
Jean-Michel Armand : On fait du logiciel libre, on est, on va dire, très militants sur le logiciel libre, pour nous ça a toujours été très important, on s’est impliqués dans des associations d’entreprises qui font du Libre en PACA ou au niveau national. C’est important pour nous d’être membre de l’April, parce que pour nous l’April tient un discours de promotion et d’évangélisation des gens qui est super important : tout ce qui est lobbying envers l’État, sur l’Europe, etc., il y a vraiment quelque chose d’important. On sait que l’April va faire le boulot d’aller parler aux gens, leur dire « le Libre c’est bien, il faut utiliser le Libre, voilà ce que c’est » et derrière, nous en tant qu’entreprise quand on arrive, les gens nous disent « on connaît le logiciel libre » et c’est aussi grâce à l’April. Pour nous c’est important d’aider l’April à pouvoir continuer à faire son boulot de démocratisation et d’explication des choses du Libre.
Frédéric Couchet : D’accord. Ce sont de bonnes raisons d’adhérer. En tout cas on te remercie de ce soutien ainsi que les 200 autres membres de type entreprise. Je te souhaite en tout cas de passer une bonne fin de salon.
Jean-Michel Armand : Merci à vous. Merci à l’April et à l’année prochaine.
Frédéric Couchet : À l’année prochaine.
Noémie Dagusé, Catherine Heintz, Laurent Wargon, Jean Couteau, Charles, Libre-Entreprise
Frédéric Couchet : Là je suis avec une fine équipe, le réseau Libre-Entreprise qui est présent au salon POSS, décembre 2019. Première question, qui va essayer de répondre, peut-être Jean ? C’est quoi le réseau Libre-Entreprise ?
Jean Couteau : Le réseau Libre-Entreprise ce sont plusieurs entreprises du logiciel libre qui ont décidé de se regrouper parce qu’elles partagent des valeurs en commun, des valeurs de démocratie dans l’entreprise, de transparence. On a pris un gros marteau, on a tapé sur la pyramide traditionnelle de chaîne de commande dans les entreprises et ça fait tout à plat. Voilà.
Frédéric Couchet : Il y a combien d’entreprises dans ce réseau-là approximativement, ils font des têtes ! Imaginez. Ils sont en train de regarder la plaquette, je vous préviens, en direct, ils sont en train de compter. Noémie est en train de compter le nombre d’entreprises membres du réseau.
Jean Couteau : Une quinzaine.
Frédéric Couchet : Une quinzaine. OK. Quelles régions sont représentées là aujourd’hui physiquement sur ce salon ? Toi tu es de Code Lutin, c’est quelle région ?
Jean Couteau : Région nantaise, Saint-Sébastien-sur-Loire à côté de Nantes.
Frédéric Couchet : D’accord. Laurent, toi tu es d’Easter-eggs, sur Paris donc.
Laurent Wargon : Oui. Paris 14e.
Frédéric Couchet : D’accord. Easter-eggs qui a, en plus, la grande chance d’héberger l’April. Merci Easter-eggs. Noémie ?
Noémie Dagusé : Code Lutin également
Frédéric Couchet : Toujours Nantes.
Noémie Dagusé : Toujours Nantes.
Frédéric Couchet : Catherine ?
Catherine Heintz : Néréide à Tours.
Frédéric Couchet : Charles ?
Charles : Exactement pareil. Néréide. à Tours, dans le 37, la région Centre.
Frédéric Couchet : D’accord. Il y a aussi Bruxelles.
Catherine Heintz : Il y a Dijon.
Laurent Wargon : Il y a Azaé. Il y a Roubaix.
Jean : Il y a Marseille.
Frédéric Couchet : Il y a Roubaix, il y a Lille, il y a Tourcoing. Ils ne sont pas capables de les lister directement, donc on encourage les gens à aller sur libre-entreprise.com, vous allez retrouver cette quinzaine d’entreprises.
Deuxième question : pourquoi le réseau Libre-Entreprise vient à ce salon annuel ? Qu’est-ce que vous venez y chercher ou y trouver peut-être ? Qui veut répondre ? Noémie.
Noémie Dagusé : On vient dans un premier temps aussi pour promouvoir le Libre, c’est-à-dire qu’être ici c’est aussi faire cette promotion-là. On vient également passer un bon moment avec toute la famille Libre-Entreprise et également inciter les gens à utiliser du Libre, c’est-à-dire les visiteurs.
Frédéric Couchet : D’accord. Est-ce que les visiteurs qui viennent ici sont intéressés au-delà de l’aspect technique par votre modèle d’organisation ? Est-ce que vous avez vraiment des gens qui vous posent des questions, qui se montrent vraiment intéressés, ce qui pourrait même être un critère de choix pour choisir Libre-Entreprise en tant que prestataire ? Catherine.
Catherine Heintz : Notre présence effectivement peut attirer. Ce n’est pas la première question qu’on nous pose, mais les affiches les perturbent, effectivement, voir l’entreprise autrement, ce qu’on affiche, etc. Donc on arrive à débattre sur ces questions-là.
Frédéric Couchet : D’accord. Il faut préciser qu’il y a deux belles affiches, l’une c’est « L’entreprise autrement » et l’autre c’est « Le logiciel libre » avec absolument pas le nom du réseau dessus ni le site web. C’est sans doute volontaire.
Autre spécificité du stand, le stand est en partie en carton et c’est historique ! Donc c’est quoi ? C’est un choix écologique ? Qui veut répondre sur cette partie-là ?
Catherine Heintz : C’est un choix qu’on a fait effectivement il y a quelques années, pendant un moment on est montés avec nos propres meubles et au bout d’un moment on s’est dit « tiens on va changer d’esprit, on va aussi être plus proches nos valeurs » et le carton ça nous permet, à la fin du salon, de dire à un certain nombre d’associations du village associatif « prenez ce que vous voulez, on vous les laisse, partez avec ! »
Frédéric Couchet : Super. Dernière question : le réseau Libre-Entreprise soutient l’April en tant que membre de l’April. Quelle est la motivation pour soutenir l’April, la ou les motivations ? Qui veut répondre ? Je crois qu’on me renvoie vers Laurent qui réfléchit à la réponse, Laurent d’Easter-eggs.
Laurent Wargon : L’April est un soutien d’ordre juridique pour le logiciel libre. Nous on est utilisateurs de logiciels libres, on en produit aussi, mais on a besoin de cette entité pour soutenir l’aspect juridique.
Frédéric Couchet : Catherine veut compléter.
Catherine Heintz : L’April est vue par nous plus comme une force politique. Nous on est suffisamment dans le code, directement dans le service au client et vous, vous avez cette vision supérieure à laquelle on n’a pas le temps, en fait, de contribuer et de suivre.
Frédéric Couchet : D’accord. En tout cas merci. Est-ce que quelqu’un veut rajouter quelque chose ?
Noémie Dagusé : Merci à l’April.
Frédéric Couchet : Noémie.
Noémie Dagusé : Merci à l’April encore une fois.
Frédéric Couchet : Merci à Libre-Entreprise pour ce que vous faites, pour votre bonne humeur aussi et à l’année prochaine sur le salon.
Frédéric Couchet : Vous êtes toujours sur cause commune 93.1 FM en Île-de-France et sur causecommune.fm partout dans le monde.
Nous avons donc écouté les interviews enregistrées en direct lors du salon POSS à Paris en décembre 2019.
Avant de passer à la suite, nous allons faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Frédéric Couchet : Nous allons écouter Yesterday de Kellee Maize. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune.
Voix off : Cause Commune 91.1
Pause musicale : Yesterday de Kellee Maize.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Yesterday de Kellee Maize, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution.
Vous écoutez l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune 93.1 FM en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm.
Nous allons passer à notre dernier sujet.
[Virgule musicale]
Chronique « Parole Libre » de Xavier Berne, journaliste à Next INpact, sur le projet de loi anti-gaspillage
Frédéric Couchet : Le sujet suivant c’est la chronique de Xavier Berne intitulée « Parole libre ». Xavier Berne est journaliste à Next INpact et dans cette chronique Xavier nous parle de l’actualité politique et juridique du numérique. Xavier est-ce que tu es avec nous au téléphone ?
Xavier Berne : Je suis bien là.
Frédéric Couchet : Xavier bonjour. Tu nous avais présenté lors de ta dernière chronique dans l’émission du 26 novembre 2019 les mesures du projet de loi dit anti-gaspillage destinées à lutter notamment contre l’obsolescence programmée. Maintenant que le texte a été voté par les députés, est-ce que tu peux nous faire un petit point sur ce qui est prévu en sortie de texte de l’Assemblée nationale ?
Xavier Berne : Oui, bien sûr. Tout d’abord je tenais à dire qu’il y avait quand même eu 4000 amendements qui avaient été déposés par les députés, donc autant dire que ce texte est désormais bien épais. D’ailleurs, en préparant cette chronique, je me suis amusé un petit peu à comparer la longueur du texte entre son dépôt devant le Sénat l’été dernier et le vote de l’Assemblée, donc le 19 décembre dernier : à la base le texte faisait un peu moins de 20 pages et aujourd’hui on est à quasiment 100 pages, donc c’est assez énorme, ça a été multiplié par cinq ; ça montre aussi, on va dire, l’importance, le poids des débats parlementaires.
Vous aurez aussi compris que ça va dur d’être exhaustif sur les mesures qui sont dans ce texte, mais je vais essayer, malgré tout, de vous présenter quelques mesures clés.
On en avait effectivement déjà parlé, mais il est prévu d’introduire dès l’année prochaine un indice de réparabilité des produits, lequel devrait également être complété par la suite, à horizon 2024, par un indice dit de durabilité des produits. L’idée, à chaque fois, c’est de proposer une note, un peu sur le modèle de l’étiquette-énergie, pour inciter les consommateurs, en fait, à acheter des biens qui durent plus longtemps quitte, parfois, à les payer plus cher.
En matière d’électroménager et de petit équipement on va dire d’informatique et de télécommunications, typiquement les téléphones portables, les ordinateurs, les écrans, il y a quelque chose d’important c’est que les pièces détachées devront être disponibles pendant au moins cinq ans et c’est à compter de la date de mise sur le marché de la dernière unité du modèle concerné. C’est quand même quelque chose qui est assez conséquent.
Dans la même veine, le législateur a décidé que les réparateurs devraient proposer des pièces d’occasion, exactement comme ce qui prévaut pour les garagistes depuis quelques années. Typiquement, quand vous apportez faire réparer un ordinateur ou un téléphone, le réparateur devra vous proposer, s’il y en a, des pièces de rechange d’occasion.
Sur un sujet proche, on pourrait parler de la garantie légale de conformité. Vous savez qu’elle est aujourd’hui de deux ans pour les biens neufs. Cette garantie devrait être doublée pour les biens qui sont d’occasion, à nouveau pour favoriser la durabilité des produits. Aujourd’hui c’est de six mois, ça passera à un an. Ça s’appliquera notamment si vous achetez par exemple un téléphone ou un ordinateur reconditionné auprès d’un professionnel, par contre ça ne marche pas auprès des particuliers.
Sur ce même dossier des garanties, les députés ont prévu plusieurs mécanismes pour inciter les consommateurs qui font justement jouer l’actuelle garantie légale de conformité, à demander et puis aussi obtenir une réparation du produit, puisqu’en fait bien souvent les vendeurs ont tendance à vouloir vous redonner à la place un produit neuf puisque ça leur revient moins cher que de faire réparer le produit.
Dans un registre complètement différent et de ça on a un petit peu plus entendu parler, les députés ont souhaité mettre fin à l’impression systématique des tickets de caisse. J’insiste bien sur le « systématique » parce que là j’ai souvent vu passer des extrapolations sur ce sujet-là. Très concrètement ça ne veut pas dire qu’il n’y aura plus de tickets de caisse demain, mais simplement que ce sera en fait au choix du client, soit en magasin comme le font d’ailleurs d’ores et déjà certains magasins aujourd’hui : on lui propose, le client refuse ou accepte son ticket de caisse. Après, si on ne lui propose pas, le client sera toujours en droit de demander et surtout d’obtenir son ticket de caisse s’il veut conserver un justificatif, etc. C’est important aussi de retenir que cette mesure concerne certes les tickets, mais elle vaut aussi les tickets de cartes bancaires et les coupons promotionnels qui sont souvent bien plus longs que les tickets de caisse en eux-mêmes.
Autre mesure que j’avais trouvé intéressante : les députés ont souhaité qu’à partir de 2022 les opérateurs de téléphonie comme les fournisseurs d’accès à Internet indiquent à chacun de leurs clients son empreinte carbone. Très concrètement ça veut dire qu’à partir de cette date, sur les factures de téléphone comme d’Internet, on devrait retrouver une mention précisant la quantité de données consommées, donc 4 gigas, 10 gigas ou un peu plus, un peu moins, peu importe, avec une équivalence en émission de gaz à effet de serre comme on peut trouver, notamment lorsqu’on achète des billets de train par exemple.
Et pour terminer, je voulais aussi revenir parce que je trouve que c’est dommage que ce soit passé relativement inaperçu jusqu’ici : ce projet de loi, en fait, autorise les policiers à vidéo-verbaliser les auteurs d’un dépôt illégal de déchets. Aujourd’hui la vidéo-verbalisation fonctionne uniquement pour les infractions routières : vous téléphonez au volant, vous ne respectez pas un stop ou un feu rouge, l’agent de police qui est derrière ses écrans a le droit de dresser un PV à distance, lequel est après reçu par le conducteur, quelques jours plus tard en principe, exactement comme pour les radars automatiques, donc à son domicile. Demain on pourra utiliser ce mode de verbalisation pour s’attaquer notamment aux dépôts sauvages. En fait, les policiers pourront après regarder le numéro des plaques d’immatriculation des véhicules qui déposent des déchets. Mais le texte est assez large et on pourrait, en fait, imaginer que ça puisse aussi concerner des infractions un peu plus simples, d’une certaine manière si on peut dire, comme le fait par exemple de jeter un mégot par terre.
Voilà pour quelques mesures qui me semblaient importantes sur ce projet de loi ou, en tout cas, intéressantes.
Frédéric Couchet : C’est un beau tour d’horizon. Je précise que sur le site nextinpact.com, il y a plusieurs de tes articles qui détaillent tout cela.
Lors de l’émission de fin novembre nous avions parlé d’un détricotage par rapport à la copie du Sénat, mais, finalement, ce n’est pas si frappant que le craignaient certains ?
Xavier Berne : Oui, c’est vrai, on aurait pu s’attendre à ce qu’il y ait bien plus de mesures qui disparaissent. La majorité a visiblement fait preuve d’une certaine ouverture, peut-être pour redorer son blason sur sa politique environnementale.
Après, ça s’est quand même bien souvent soldé par des compromis, donc on peut quand même douter de l’intérêt. Par exemple, juste pour revenir sur ce cas-là, sur la question de l’obsolescence logicielle qui concerne, je le rappelle pour simplifier, quand on a un appareil, par exemple un téléphone ou un ordinateur qui est encore un état de marche mais qui ne peut pas vraiment bien fonctionner parce que le fabricant ne propose plus de mises à jour ; sur ce dossier, le Sénat voulait imposer une obligation de fournir des mises à jour pendant dix ans. Finalement les députés ont voté pour un compromis sur une durée minimale de deux ans, ce qui est bien moins, et qui pourra être élargie après pour certaines catégories de produits qui seront fixées ultérieurement par le gouvernement, par décret. Donc autant dire qu’il n’y a rien de certain en l’état. Bref, on est sur un délai bien plus court, mais peut-être que certains estimeront que c’est au moins un premier pas.
Frédéric Couchet : Oui. Rappelons aussi que la secrétaire d’État Brune Poirson a refusé un certain nombre d’amendements intéressants en renvoyant à des transpositions à venir de directives européennes, dont deux directives appelées « contrats vente de biens » et «contrats de fourniture de contenus et services numériques » dont la transposition est à priori prévue pour le premier semestre 2020. Je pense que les parlementaires remettront sur le métier la tâche.
Dernière question, ces mesures dont tu viens de parler sont-elles définitives ?
Xavier Berne : Non, elles ne sont pas définitives. À priori on s’en approche quand même parce que les députés et les sénateurs vont se retrouver cette semaine pour trouver un compromis, dans ce qu’on appelle une commission mixte paritaire, faute de quoi le dernier mot sera donné à l’Assemblée nationale, donc autant dire qu’en fin de navette les textes sont généralement très proches de ceux votés en première lecture à l’Assemblée.
Frédéric Couchet : D’accord. Merci Xavier. J’encourage les personnes qui écoutent à suivre à suivre nextinpact.com et aussi april.org sur lequel il y aura sans doute des actus qui préciseront l’état du texte qui sortira de la commission mixte paritaire.
Xavier, je te souhaite une belle journée et au mois prochain.
Xavier Berne : Oui, absolument. Merci au revoir.
Frédéric Couchet : Au revoir.
Annonces
Frédéric Couchet : Nous approchons de la fin de l’émission, nous allons passer à quelques annonces rapides parce que le temps passe vite.
[Virgule musicale]
Frédéric Couchet : Je vais faire une annonce en fait. Nous avions interviewé fin 2019 Catherine Dufour pour son livre Ada ou la beauté des nombres. C’est Magali Garnero qui est administratrice de l’April et qui est également libraire qui avait fait cette interview. Magali organise à sa librairie, donc à Paris le 11 janvier 2020 de 16 heures à 18 heures 30 une rencontre dédicace avec Catherine Dufour qui a écrit Ada ou la beauté des nombres. L’inscription se fait sur le site de la librairie, alivrouvert.fr tout attaché, sinon vous retrouverez les références sur le site de l’April, april.org, et sur le site de la radio, causecommune.fm. Je vous encourage à rencontrer Catherine Dufour pour discuter avec elle et vous faire dédicacer un exemplaire de son livre.
Notre émission se termine. Je remercie les nombreuses personnes qui ont participé à l’émission : Luk, Xavier Berne, Pierre Baudracco, Thierry Leblond, Neil, Brume, Ludovic Dubost, Benoît Sibaud, Olivier Cayrol, Bastien Guerry, Jean-Michel Armand, Noémie Dagusé, Catherine Heintz, Laurent Wargon, Jean Couteau de Libre-Entreprise et j’en oublie peut-être dans l’interview de libre-Entreprise.
Aujourd’hui aux manettes de la régie William Agasvari, que je remercie, même s’il ne pensait pas que c’était du direct. Il nous fait un petit signe de la main. Merci également à Sylvain Kuntzmann qui va traiter le podcast et à Olivier Grieco, le directeur de la radio, qui finaliser le podcast et le mettre en ligne.
Vous retrouverez sur le site april.org et sur le site de la radio, causecommune.fm, toutes les références utiles de ce dont nous avons parlé aujourd’hui.
Nous vous remercions d'avoir écouté cette émission.
La prochaine émission aura lieu en direct mardi 14 janvier 2020 à 15 heures 30. Notre sujet principal portera sur les collectivités locales, le logiciel libre et les données publiques avec notamment la présence de la ville de Nancy.
Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi prochain et d’ici là portez-vous bien.
Générique de fin d'émission : Wesh Tone par Realaze.