Le ministre de l'Éducation et l'Assemblée nationale refusent la priorité au logiciel libre dans l'Éducation
Communiqué de presse. Lundi 18 février 2019.
À l'occasion des débats en séance publique (lire le compte-rendu) sur le projet de loi « pour une école de la confiance » les députés, députées et le ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse ont refusé la mise en place d'une véritable politique de développement du logiciel libre dans l'Éducation nationale. En effet, les amendements visant à inscrire dans la loi la priorité au logiciel libre dans les services publics de l'enseignement ont été rejetés.
Dans la soirée du vendredi 15 février 2019, une discussion commune1 a eu lieu concernant trois amendements. L'amendement 571 proposait l'inscription d'un recours systématique aux logiciels libres. Si nous soutenons sur le principe cet amendement, une priorité au logiciel libre nous semble mieux à même de répondre à la nécessité d'une véritable politique publique de transition. Deux amendements (836 et 837), déposés par le député Stéphane Peu et défendus par la députée Elsa Faucillon, visaient à inscrire dans la loi justement la priorité aux logiciels libres.
Lors des débats en commission Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, avait indiqué qu'il y avait déjà un encouragement au logiciel libre dans la loi2. Mais ce n'est qu'une déclaration de bonnes intentions sans effet. Une politique se construit avec des priorités, pas avec des encouragements.
En séance publique, le ministre s'est opposé sans distinction aux trois amendements. Ses nouveaux arguments : inscrire dans la loi une priorité peut être contreproductif et cette disposition risquerait d'être contraire au code des marchés publics. Argument éculé qui rappelle les débats de 2016 au moment de la loi pour une République numérique. Le gouvernement de l'époque s'était déjà retranché derrière une prétendue incompatibilité juridique pour s'opposer à la priorité au logiciel libre. Des parlementaires avaient signalé l'existence d'une « note juridique » de la Direction des affaires juridiques (DAJ) du Ministère des Finances et des comptes publics. Quelques mois plus tard, la secrétaire d’État au Numérique reconnaissait qu'il n'existait pas de « note à proprement parler » mais uniquement des « échanges techniques informels (notamment par mails) avec notre Direction des affaires juridiques » À l'époque, les arguments juridiques précis n'avaient pas été rendus publics : le gouvernement n'avait pas répondu à notre demande et la DAJ s'était retranchée derrière la notion très floue du secret des délibérations du Gouvernement3.
L'April avait communiqué aux parlementaires, au gouvernement et rendue publique, une analyse sur la validité juridique d'une disposition législative donnant la priorité au logiciel libre. Notre analyse, partagée par le Conseil National du Numérique de l'époque (lire la fiche du CNNum), n'a jamais été contredite. D'ailleurs, le Parlement avait inscrit en 2013 pour la première fois dans la loi la priorité au logiciel libre pour un service public, avec l'adoption du projet de loi enseignement supérieur et recherche.
Les arguments du ministre visent donc, une fois de plus, à cacher un manque de volonté politique pour mettre en œuvre une véritable politique publique en faveur du logiciel libre.
Nous espérons que ce gouvernement agira avec plus de transparence, nécessaire à tout débat démocratique, que le gouvernement précédent. L'April demande donc solennellement au gouvernement la publication des éléments juridiques concernant une prétendue incompatibilité juridique au sujet des dispositions visant à inscrire dans la loi la priorité au logiciel libre.
Le projet de loi va poursuivre sa route au Sénat. Le sujet n'est donc pas clos.
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L’article L 131-2 (7e alinéa), qui porte sur le service public du numérique éducatif et de l'enseignement à distance, parle de « tenir compte de l’offre de logiciels libres et de documents aux formats ouverts » (disposition issue de la loi de 2013).
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Dans son avis, suite à notre saisine, la CADA (Commission d'accès aux documents administratifs) considère que la note juridique sollicitée est couverte par le secret des délibérations du Gouvernement et ce pour une durée de 25 ans (selon les articles L 311-5 du Code des relations entre le public et l'administration et L 213-2 du Code du patrimoine.