La réduction de l'empreinte environnementale du numérique en débat en séance publique le 10 juin
Mise à jour le 14 juin 2021: les amendements 48 et 308 ont été rejetés. L'article 7 ter a été modifié par l'amendement 343 rectifié du rapporteur, au profit duquel le gouvernement a retiré son amendement de suppression. Rejet des amendement 14 et 272 sur l'ouverture des interfaces de programmation. L'amendement 19 sur la disponibilité des mises à jour est tombé suite à l'adoption de l'amendement 356 du rapporteur.
Jeudi 10 juin, à partir de 9 heures, les débats reprendront en séance publique sur la proposition de loi issue du Sénat « visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France »1. Plusieurs amendements proposent des pistes intéressantes pour lutter contre l'obsolescence logicielle et mieux prendre en compte les libertés informatiques comme élément structurant de la lutte écologiste. Retrouvez la liste des amendements.
Dans la continuité de son engagement sur le projet de loi pour une économie circulaire et contre le gaspillage, l'April s'est saisie de cette proposition de loi pour faire des propositions d'amendements en vue de lutter contre l'obsolescence logicielle. Lors des débats en commission, plusieurs amendements ont permis d'inscrire les libertés informatiques dans les débats.
Un facteur important d'obsolescence consiste en la présence de « restrictions d'installation de logiciel ». Ces restrictions — à l'instar du Secure Boot de Microsoft — rendent difficile, voire impossible l'installation d'un système d'exploitation libre sur un ordinateur, souvent sous prétexte de sécurité. Une couche logicielle, présente dans la carte mère, contrôle ce qu'il est possible ou non d'installer sur son propre matériel. Ces restrictions sont des atteintes évidentes aux libertés informatiques et un frein fort à la réparabilité et au reconditionnement des matériels informatiques concernés. En commission, un amendement CD265 du rapporteur a repris la proposition de l'April concernant ces pratiques déloyales et a été adopté, créant l'article 7 ter. Malheureusement tel que rédigé, l'amendement conditionne cette interdiction à l'expiration de la période de conformité légale de deux ans pour ne pas, selon le rapporteur, faire porter une responsabilité trop lourde aux « metteurs sur le marché ». Un argument qui semble difficilement pouvoir prospérer, sauf si l'on considère que ce régime de responsabilité est absolu et, en cas de litige, qu'un juge serait incapable de qualifier le comportement du consommateur ou de la consommatrice pour décider s'il suffit à renverser ou non le régime protecteur de la conformité légale.
Deux amendements proposent la suppression de ce délai ; le 48 de Paula Forteza et le 308 de Bastien Lachaud (La France Insoumise). L'April appelle l'ensemble de la représentation nationale à adopter ces deux amendements.
Article 7 ter (nouveau)
Le chapitre unique du titre IV du livre IV du code de la consommation est complété par un article L. 441‑6 ainsi rédigé :
« Art. L. 441‑6. – Toute technique, y compris logicielle, dont l’objet est de restreindre la liberté du consommateur d’installer les logiciels ou les systèmes d’exploitation de son choix sur son bien, à l’issue du délai prévu à l’article L. 217‑12, est interdite. »
Amendements 48 et 308 :
Supprimer «, à l’issue du délai prévu à l’article L. 217‑12, ».
Le Gouvernement a déposé un amendement (237) de suppression de l'article 7 ter (nouveau), considérant la liberté accordée aux consommatrices et aux consommateurs d'installer le logiciel de leur choix sur leurs propres équipements trop absolu, craignant que cela remette en cause la conformité des biens et que cela puisse faire porter des risques en termes de sécurité. Sans revenir sur le fait que la conformité s'évalue au moment de la mise sur le marché, nous rappellerons qu'en matière informatique l'accès aux sources, corollaire de la liberté d'installation, est bien davantage vecteur de sécurité qu'un fonctionnement en boîte noire ; plus on donne la possibilité aux personnes d'étudier un code informatique, plus une potentielle faille ou anomalie est susceptible d'être observée, signalée et corrigée rapidement.
Les amendements 14 déposé par Paula Forteza et 272 déposé par Jean-Charles Roy (LREM) visent à permettre l'accès aux interfaces de programmation des « objets connectés », les « API », et à leur documentation, dans des conditions non discriminatoires et sans restrictions de mise en œuvre. Provenant d'une proposition défendue par GreenIT.fr, Halte à l'obsolescence programmée et l'April, cet amendement est déterminant pour permettre la durabilité et la maîtrise des « objets connectés ».
Amendements 14 et 272, créant un nouvel article après l'article 11, :
Après l’article L. 111‑4 du code de la consommation, il est inséré un article L. 111‑4‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 111‑4‑1. – Les fabricants d’objets connectés mettent à la disposition du consommateur les interfaces de programmation de l’objet. Ces interfaces de programmation sont disponibles à compter de la date de mise sur le marché de la dernière unité du modèle concerné et pour une durée illimitée. Les documents de spécifications des interfaces de programmation sont intégralement accessibles librement et gratuitement ou pour un coût minimal, dans des conditions non discriminatoires et sans restriction, juridique ou technique, de mise en œuvre. »
Une proposition intéressante de l’association Halte à l’obsolescence programmée, reprise par la députée Paula Forteza dans un amendement 19, entend imposer la libre diffusion et l'utilisation des codes sources des logiciels embarqués dans des équipements dès lors que le vendeur ne fournirait plus de mises à jour.
Amendement 19 à l'article 9, déposé par Paula Forteza :
« I. bis. – L’article L. 217‑23 du code de la consommation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dès lors que le vendeur ne fournit plus de mises à jour, il diffuse gratuitement sous format électronique, dans un standard ouvert et librement réutilisable, les codes sources afférents au produit concerné. »
La question de l'obsolescence logicielle est complexe et ne pourra, évidemment, être adressée par cette seule proposition de loi. La lutte contre l'informatique déloyale (vente forcée, DRM, démarrage exclusif…), le droit à l’interopérabilité et, plus globalement, la défense effective des libertés informatiques sont des considérations qui ne peuvent être ignorées pour pleinement adresser l'enjeu en cause. C'est seulement en redonnant aux utilisateurs et utilisatrices la totale maîtrise de leurs équipements, en leur donnant les moyens d'être indépendants face aux choix commerciaux des fabricants et des éditeurs de logiciels privateurs, avec des logiciels libres, que l'on pourra répondre à l'objectif de réparabilité et de durabilité des équipements informatiques.