La réduction de l'empreinte environnementale du numérique devra donc se faire sans garantir nos libertés informatiques

Jeudi 10 juin 2021, l'Assemblée nationale discutait et votait sur la proposition de loi issue du Sénat « visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France ». Malgré les bonnes interventions de la députée Paula Forteza et du député Bastien Lachaud en faveur d'une meilleure prise en compte des libertés informatiques, aucune avancée significative n'est présente dans ce texte

Plusieurs amendements1 proposaient des pistes intéressantes pour lutter contre l'obsolescence logicielle et mieux prendre en compte les libertés informatiques comme élément structurant de la lutte écologiste. Lutte contre les mesures restreignant la liberté d'installer les logiciels de son choix sur ses propres équipements, ouverture des interfaces de programmation ou encore rendre disponible les codes sources des logiciels qui ne sont plus maintenus.

Les amendements 48 de Paula Forteza et 308 de Bastien Lachaud visaient à supprimer l'introduction d'un délai de deux ans, celui de la conformité légale, avant que ne soit interdite « toute technique, y compris logicielle, dont l’objet est de restreindre la liberté du consommateur d’installer les logiciels ou les systèmes d’exploitation de son choix sur son bien ». Malgré une belle défense par chacun des deux parlementaires – rappelant tour à tour que la transparence est vectrice de sécurité, que logiciels et matériels ne doivent plus être perçus comme deux composantes indissociables d'un produit unique ou encore que la liberté des utilisatrices et utilisateurs se traduit par une plus grande durabilité de leurs équipements – les amendements ont été rejetés. L'amendement 343 rectifié du rapporteur, qui restreint malheureusement encore davantage le champ d'application de la mesure, a été adopté. Voir les débats sur l'article 7 ter, à parti de 01:16:35.

Les amendements 14 de Paula Forteza et 272 de Jean-Charles Roy (LREM), qui visaient à permettre l'accès aux interfaces de programmation des « objets connectés », les « API », et à leur documentation, dans des conditions non discriminatoires et sans restrictions de mise en œuvre, ont également été rejetés sous prétexte de risque pour la sécurité. Enfin, l'amendement 19 de Paula Forteza, qui souhaitait imposer la libre diffusion et l'utilisation des codes sources des logiciels embarqués dans des équipements dès lors que le vendeur ne fournirait plus de mises à jour, est tombé suite à l'adoption de l'amendement 240 du rapporteur qui a réécrit l'article 9 sur lequel il portait.

Rappelons encore une fois que la lutte contre l'informatique déloyale (vente forcée, DRM, démarrage exclusif…), le droit à l’interopérabilité et, plus globalement, la défense effective des libertés informatiques sont des considérations structurantes pour une meilleure durabilité des équipements informatiques. C'est seulement en redonnant aux utilisateurs et utilisatrices la totale maîtrise de leurs équipements, en leur donnant les moyens d'être indépendants face aux choix commerciaux des fabricants et des éditeurs de logiciels privateurs, avec des logiciels libres, que l'on pourra répondre à l'objectif de réduction de « l'empreinte environnementale du numérique ».

Notons enfin que lors des débats sur la question de la rémunération pour copie privée sur les biens reconditionnés, les députés Bothorel et Latombe ont exprimé leur colère face aux pratiques agressives des ayants droit, déplorant menaces2 et insultes à leur égard. Voir l'extrait de leurs interventions respectives.

  • 1. Lire notre analyse des amendements déposés
  • 2. Éric Bothorel a notamment dit : « Les lobbies des télécoms, des grands acteurs du numérique, sont parfois qualifiés de puissants, j'ai pu mesurer qu'ils sont des enfants de cœur, jamais je n'ai été menacé par Orange et Google dans le cadre de mes fonctions »