L'UGAP, nouvelle tenancière de l'Open Bar Microsoft du ministère des Armées
En septembre 2022, nous avons obtenu confirmation que le ministère des Armées n'avait pas reconduit l'accord dit Open Bar qui le liait à Microsoft depuis près de 15 ans ; l'Armée ne prendra plus directement sa « dose » chez Microsoft. Pour l'April, engagée depuis 2013 à faire la lumière sur cette dépendance, cela ne constitue pas une avancée fondamentale puisque le ministère continuera à se fournir en licences privatrices de l'éditeur américain en passant par l’UGAP (Union des groupements d'achats publics), une centrale d'achat publique placée sous la double tutelle du ministre chargé du Budget et du ministre chargé de l'Éducation nationale. L'April a obtenu communication, en partie caviardée, de la convention qui lie le ministère des Armées à cette centrale d'achat.
Télécharger la convention entre l'UGAP et le ministère des Armées (PDF)
Cette convention, signée en février 2021, est un document relativement succinct (10 pages annexes comprises) qui cadre les conditions dans lesquelles le ministère peut passer commande de licences Microsoft et Adobe auprès de prestataires avec qui l'UGAP a conclu un contrat de marché public. Le périmètre de l'accord, à l'instar du précédent Open Bar, est particulièrement large puisqu'il inclut la « fourniture de licences et [l']exécution de prestations associées programmes en volume Microsoft AE, OV, AMO et Adobe ETLA » et couvre donc de nombreux besoins logiciels. Comme à son habitude, le ministère a caviardé les prix ainsi que, plus étonnant, la date d'expiration du contrat.
On notera que la convention prévoit une possibilité de réduire le nombre de licences d'abonnement, « sauf mention contraire dans le contrat de l'éditeur », dans la limite de 250 licences minimum. Il s'agit, semble-t-il, d'un progrès par rapport à l'accord-cadre qui liait directement le ministère à Microsoft et ne prévoyait le nombre de licences qu'à la hausse, notamment via des marchés subséquents. « Semble-t-il » car, comme pour d'autres points de la convention, il y a un renvoi vers conditions du contrat de l'éditeur, sans que ces conditions ne soient indiquées ; même en annexe, elles sont totalement absentes. Encore une fois, l'opacité au service de la dépendance…
La seule différence notable est que l'Open Bar ne sera plus tenu directement par Microsoft, mais par un intermédiaire : l'UGAP. Celle-ci n'a a priori aucun intérêt à ce que l'administration mette fin à sa dépendance aux solutions privatrices de l'éditeur puisqu'elle est la raison d'être de cet accord. Formellement, cette intermédiation reste donc une légère amélioration – limiter l'adhérence juridique est positif – pourtant, dans la pratique, on se demande si on n'est pas passé d'un Open Bar à un autre…
Dans le contexte de la circulaire du Directeur interministériel du numérique du 15 septembre 2021 portant sur le recours à l'offre Office 365 de Microsoft, de la circulaire Castex de 2021 pour une « politique publique de la donnée, des algorithmes et des codes sources » et plus globalement des prises de position politiques répétées pour une « souveraineté numérique », le gouvernement doit faire preuve de cohérence et joindre parole et actes. Sans véritable stratégie de sortie de l'addiction aux solutions Microsoft, avec un changement radical de paradigme en faveur du logiciel libre et de très importants efforts de transparence, le ministère restera dépendant de la multinationale américaine, de ses choix technologiques et de ses politiques tarifaires.