Journée noire pour les libertés sur Internet : les parlementaires européens votent la généralisation du filtrage automatisé
Communiqué de presse. Jeudi 13 septembre 2018.
Mercredi 12 septembre, journée noire pour les libertés sur Internet et pour tous ceux et celles qui agissent au quotidien pour défendre et promouvoir un Internet libre et ouvert, neutre et acentré. Le Parlement européen a voté à 438 voix contre 226 la généralisation du filtrage automatisé des contenus mis en ligne. Le coup est dur mais l'April reste mobilisée pour les négociations interinstitutionnelles à venir et pour le vote final au Parlement qui devrait se tenir début 2019.
Malgré une incroyable mobilisation citoyenne et des prises de position argumentées toujours plus nombreuses issues de milieux très divers — culturel, technique, juridique, associatif comme institutionnel 1 — les eurodéputés ont finalement retenu une des versions les plus dangereuses de l'article 13 parmi celles qui leur étaient soumises. : celle du rapporteur Axel Voss (PDF, en anglais). Un vote nominal ayant été demandé, la position de chacun des votants est disponible (voir page 34 du document).
En juillet 2018 les parlementaires avaient rejeté le mandat accordé au rapporteur de la commission JURI. Pourtant, le texte finalement voté le 12 septembre est sensiblement le même, maquillé de quelques précisions cosmétiques. Par exemple l'opportunité de préciser que le blocage automatique des contenus devrait être évité ne manquera pas d'interroger tout un chacun alors que la disposition tout entière est construite sur ce principe, et de se demander qui a pu se satisfaire d'une précision aussi grotesque.
Malheureusement les parlementaires français ont été particulièrement nombreux à soutenir cette disposition aux effets gravement liberticides. À l'exception notable de Messieurs et Mesdames les députés D'Ornano, Montel et Phillipot pour le groupe EFDD, Omarjee et Vergiat pour le groupe GUE/NGL et Delli, Durand, Jadot, Joly et Rivasi pour le groupe des Verts, qui ont également voté pour les amendements de suppression de l'article 13 (rejetés à 517 voix contre 169). L'April les remercie pour cette prise de position importante. Avec une mention particulière pour les parlementaires du groupe EFDD et M. Durand qui ont voté le rejet global de la proposition de directive qui permettrait, enfin, d'ouvrir la voie à un véritable débat de fond sur le sujet. Les autres parlementaires mentionnés ayant fait le choix de l'abstention. À l'inverse l'April constate avec regret que l'ensemble des membres des délégations françaises des groupes EPP, S&D et ENF ont soutenu des propositions portant un risque aussi évident de censure sur Internet.
Lot de consolation, certes faible mais qui a son importance : les amendements inscrivant l'exclusion sans condition des forges de logiciels libres de ce dispositif absurde ont été adoptés. D'ailleurs l'April appelait récemment le gouvernement français à traduire ses paroles en actes lors des négociations interinstitutionnelles à venir, le Conseil de l'Union européenne semblant encore considérer qu'il faille limiter cette exception aux seules forges « à but non lucratif ».
Sur cette question, comme pour celle plus globale de la lutte contre le filtrage généralisé et automatisé des contenus mis en ligne, l'April continuera à agir et appelle toutes les personnes partageant ses valeurs à faire de même. Les parlementaires seront amenés à se prononcer sur le texte final issu des négociations entre Parlement, Conseil et Commission, ultime occasion pour eux de se montrer à la hauteur des enjeux.
- 1. Parmi les plus notables ont pourra citer : celle du rapporteur spécial pour les Nations-Unies David Kaye (PDF, en anglais), la lettre ouverte (en anglais) de « plus de 70 sommités du Net », la récente tribune de Pascal Nègre, celle de ces deux chercheurs du CNRS et de l'ENS ou cette lettre ouverte signée par plus de 145 organisations, dont l'April.