Mieux inclure la diversité de genre pour mieux agir, le cheminement de l’April

Le contexte

Situation en 2022 : d'après l'Insee 1, les femmes occupent 24 % des emplois dans les professions du numérique.

Parmi ce quart, seulement 36 % ont des métiers purement techniques, par exemple informatique et systèmes d’information ; c’est vraiment une partie très minoritaire. Comme ailleurs, la domination masculine est un problème dans le monde informatique et dans les communautés libristes. Surtout visible depuis les années 1980, depuis que le métier a été valorisé, financièrement mais pas que 2.

Isabelle Collet, informaticienne, enseignante-chercheuse, a documenté cette situation notamment dans son livre Les oubliées du numérique3.

Ce constat nous questionne et nous désole. Pour changer cet état de fait, il nous faut agir. Ne rien faire, finalement, c’est valider ce qui est, c’est entretenir le statu quo. Depuis plusieurs années, les membres de l'April ont conscience de ce déséquilibre et réfléchissent à la façon d'améliorer les choses. Il nous faut encourager au maximum la participation des femmes et des minorités de genre, leur permettre de se sentir à l'aise, légitimes, confortables à l'April, et, par extension — en tout cas c'est notre souhait —, dans l'univers libriste.

Le texte fait un focus sur la diversité de genre. Mais, bien sûr, la diversité et l'inclusion doivent être abordées et traitées dans leur ensemble.

Pourquoi ce texte ?

Depuis quelques années, l'April mène des réflexions sur la diversité de genre et l’inclusion au sein de l’association et dans ses activités ; nous désirons présenter et partager ces réflexions. Nous ne prétendons pas avoir une expertise sur le sujet, nos connaissances ont été acquises par de l'apprentissage et au fur et à mesure des actions que nous avons entreprises.

Il ne s'agit pas de donner une leçon, mais juste des exemples de ce que nous avons mis en pratique et qui pourront servir d’inspiration à des personnes qui voudraient conduire le même type d'actions. C’est un cheminement sur le long terme. Tout cela est forcément à améliorer et nous accuillerons avec plaisir toute nouvelle idée ou proposition d'action.

Qu'est-ce qui bloque ?

Quelques exemples de ce qui peut être bloquant :

  • les femmes et minorités de genre ne se sentent pas accueillies ;
  • milieu très masculin, stéréotype du geek barbu ;
  • comportements qui mettent mal à l'aise ;
  • langage excluant
    • le mythe du « masculin neutre » ;
    • parler fort, monopoliser la parole, couper la parole, etc.
  • blagues douteuses, propos déplacés ;
  • horaires inadéquats ;
  • lieux pas accueillants (bars, squats…) ;
    • par exemple, un squat peut être un lieu pas forcément accessible, potentiellement dans un lieu sombre (par ex. dans un parking), vu comme inhospitalier
    • par exemple, un bar peut être bruyant, encourager la consommation d'alcool
  • rendez-vous qui font penser que le fait de « boire de l'alcool » prendra le dessus sur les échanges.

Agir sur ses pratiques

S'intéresser à la diversité et favoriser l'inclusion, ce n'est pas seulement un état d'esprit, c'est un travail, du temps à y consacrer, à chaque niveau de l'organisation et par toutes les personnes impliquées.

Se former

La première chose consiste à s'informer, puis se former sur la diversité, l'inclusion, partager des ressources, écouter les témoignages des femmes et des personnes en minorité de genre. De nombreuses ressources existent déjà : lectures, podcasts, vidéos, conférences, discussions... Voir la section quelques ressources à la fin de cette page.

Il faut ouvrir la discussion sur ces sujets au sein de sa structure (entre membres, équipe salariée), afin de réfléchir et débattre sur les représentations de chacun et chacune.

En parler autour de soi, relayer les discours et les actions. À l'April, nous avons un groupe de travail Diversité dont c'est le sujet principal : échanger des informations, partager des événements et des initiatives.

Donner des conférences comme l'ont fait Isabella Vanni (salariée) « Mieux inclure la diversité de genre pour mieux agir, le cheminement de l’April » 4 ou Magali Garnero (présidente) « Vous êtes la bonne personne » 5.

Mettre en place un environnement sain et accueillant

Création d'un climat sain au sein de l'association permettant aux femmes et aux minorités de genre de se sentir accueillies et de s'y affirmer :

  • Attitude individuelle et relationnelle :
    • identification et bannissement des comportements problématiques (blagues douteuses, sexisme ordinaire, non répartition des prises de parole…) et du langage excluant ou humiliant ;
    • utilisation d'un langage inclusif qui porte aussi bien sur l'écrit que sur l'oral (utilisation de doublets, de termes épicènes, etc.) ;
    • écoute et ouverture pour améliorer les conditions de travail et de bénévolat ;
    • porter de l'attention aux besoins des autres.
  • Organisation :
    • prise en compte, autant que possible, des disponibilités de tout le monde pour établir ou changer des horaires et lieux de réunion ;
    • existence et mise en avant d'un code de conduite qui s’applique à tout ce qui est organisé par l'April (actions, évènements, etc.) ;
    • avoir des personnes référentes en cas de problème lors des évènements organisés par l'association, et éventuellement auxquels elle participe sans les avoir organisés ;
    • avoir toujours au moins une femme qui fait partie de l'équipe d'accueil lors d'un évènement organisé par l'association ;
    • avoir un espace qui permet de s'isoler (espace détente, salle de repos) ;
    • proposer une nourriture variée (notamment veiller à proposer une option végétarienne) ;
    • avoir des lieux de réunion « propres » (accueillants, accessibles, de la lumière). Le local de l'April se trouve en demi-sous-sol et on y accède par un escalier de 4 marches. Les toilettes ne sont malheureusement pas accessibles en fauteuil roulant. L'April utilise exclusivement des lieux accessibles pour les assemblées générales. Et sur Paris, pour des réunions, l'April peut utiliser la grande salle de La Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès humain (FPH), qui est accessible.

Encourager la participation des femmes et des minorités de genre

  • utiliser un langage inclusif qui porte aussi bien sur l'écrit que sur l'oral (utilisation de doublets, de termes épicènes, etc.) ;
  • rédiger des textes, appels qui parlent à tout le monde et qui donnent l’envie de répondre (éviter la liste des compétences à rallonge, proposer un accompagnement), y compris les appels à bénévoles, offres de stage ou d'emploi (un exemple avec l'appel à besoin d'aide, publié en 2023, pour la régie notre émission de radio ;
  • mener une politique explicite visant à favoriser l'intervention donc la valorisation des femmes présentes dans le monde du libre, dans nos conférences, dans notre émission de radio Libre à vous !, dans l'organisation interne de l'April (groupes de travail, équipe salariée, conseil d'administration)
    • équipe salariée constituée de deux femmes et deux hommes ;
    • conseil d'administration constitué de quatre femmes et cinq hommes, dirigé par une présidente.
    • Pour Libre à vous ! :
      • politique explicite visant à favoriser l'intervention des femmes et des minorités de genre. Cet aspect doit être absolument pris en compte lors de la recherche de personnes intervenantes ;
      • pour les sujets « Parcours libriste » (interview d’une seule personne au sujet de son parcours personnel et professionnel) : pas de rockstar masculine, priorité à des parcours de femmes ;
      • accompagnement spécifique car, souvent, les femmes ont beaucoup moins l'habitude d'intervenir, ont le syndrome d'imposture ;
      • recommandation à nos invitées de s'inscrire au site Les Expertes, un annuaire de femmes expertes françaises et francophones ayant pour objectif d'augmenter la présence des femmes dans les médias ;
      • 40% d'invitées dans Libre à vous ! sur la saison 2023-2024.
  • prise en compte de la diversité lorsqu'on nous invite à participer à une table-ronde, ou à l'animer, pouvant conduire à décliner l'invitation en cas de manque flagrant de diversité ;
  • mise à disposition d'outils de visioconférence ou audioconférence afin de faciliter la participation des personnes qui ne peuvent pas se déplacer dans les lieux de réunion ;
  • Mise à disposition de nos locaux, y compris pour des réunions en non mixité choisie ;
  • pendant les réunions, les émissions ou les conférences, veiller à la distribution et au respect de la parole.

L'April a également réécrit le règlement intérieur de l'association et le code de conduite. La ré-écriture des statuts, pour les rendre inclusifs, est en cours.

L'association maintient également une page « Une association consciente de ses responsabilités ».

Rôle des hommes

  • reconnaître l'importance des luttes féministes ;
  • accepter le fait qu'on profite d'un système patriarcal et de domination ; plus tôt on l'accepte, plus tôt on peut essayer de changer et de changer les choses ;
  • ne pas solliciter les féministes pour des explications de texte incessantes, plutôt s'informer par soi-même (un moyen assez simple pour y parvenir : prendre une dose quotidienne de témoignages de femmes), transmettre ce qu'on a appris auprès d'autres personnes, en particulier d'autres hommes ;
  • être un allié, c’est sortir de la neutralité, briser la solidarité masculine ;
  • laisser la place, se mettre en retrait : dans les conférences, dans les évènements, dans les structures, parler moins, écouter activement pour apprendre, pour décentrer son point de vue ;
  • il ne s'agit pas de nous, nous ne sommes pas le sujet. Accepter de mettre son ego de côté et comprendre que c'est un problème systémique.

Un travail en cours

L'association compte nombre de bénévoles, mais l'équilibre est loin d'être atteint. Il faut donc maintenir les efforts... et se remettre en question régulièrement afin de s'améliorer un peu plus chaque jour.

Quelques ressources

Quelques ressources sur le sujet. Cette liste n'est pas exhaustive.