Décryptualité du 18 décembre 2017
Titre : Décryptualité du 18 décembre 2017
Intervenants : Mag - Luc - Nico - Manu
Lieu : Studio d'enregistrement April
Date : décembre 2017
Durée : 15 min
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Revue de presse de l'April pour la semaine 50 de l'année 2017
Licence de la transcription : Verbatim
NB : transcription réalisée par nos soins.
Les positions exprimées sont celles des intervenants et ne rejoignent pas forcément celles de l'April.
Transcription
Luc : Décryptualité.
Nico : Le podcast qui décrypte l’actualité des libertés numériques.
Luc : Semaine 50. Salut Manu.
Manu : Salut Mag.
Mag : Salut Nico.
Nico : Salut Luc.
Luc : On fait la dernière émission de l’année puisqu’on va faire relâche pour Noël et le Jour de l’an.
Mag : Oui, parce qu’il y en a certains qui prennent des vacances !
Luc : Je tiens à signaler également qu’il va y avoir du changement au niveau du podcast pour ceux qui nous écoutent directement sur le podcast sur audio.april.org. Le service qui héberge le podcast va fermer à la fin de l’année, donc on est train de mettre quelque chose d’autre en place. À priori vos flux RSS, si vous êtes abonné, je pense qu’ils ne marcheront plus. Prenez la peine de faire un petit tour. Ça devrait se faire d’ici au 1er janvier.
Manu : On espère.
Luc : Donc Manu, qu’est-ce que tu nous as trouvé comme articles ?
Manu : Ce n’est pas une grosse revue de presse, mais ce n’est pas plus mal. On a cinq thèmes principaux.
Mag : Libération, « L’Europe doit défendre la “neutralité du Net” », par Benjamin Bayart.
Manu : C’est un résultat de ce qui se passe aux États-Unis et cela parle notamment de cela : aux États-Unis ils sont en tain de détruire la neutralité du Net sous l’impulsion de ce cher Donald Trump et on espère que ça ne va pas arriver jusqu’en Europe.
Luc : Gravissime !
Mag : Sud-ouest, « Comment devenir un lanceur d’alerte ? Une ONG publie un guide pratique », par la rédaction.
Manu : Ce sont des gens qui s’intéressent à ce que l’on puisse indiquer ce qui se passe et qui ne devrait pas arriver dans nos entreprises, dans nos associations ou dans nos administrations. Mais pour cela, il y a plusieurs étapes à suivre si on ne veut pas risquer la prison et autres embêtements. Il y a tout un petit guide qui peut vous indiquer quelles procédures suivre.
Mag : Silicon, « Interview Alain Voiment : “Société Générale veut être un grand contributeur open source” », par Xavier Biseul.
Manu : C’est encore une des conséquences de l’Open Source Summit. Vraiment beaucoup de choses s'y sont passées.
Mag : Ils avaient un stand cette année.
Manu : Là, la Société générale, pas une petite banque, eh bien ils déclarent et ils indiquent un plan pour, en trois ans, se transformer en logiciel libre dans toutes leurs infrastructures logicielles. Donc des bonnes choses et, ce qui est bien, c’est que c’est un grand groupe comme Société générale qui se met derrière ça.
Luc : L’informatique bancaire ce n’est une catastrophe d’habitude ?
Manu : Si, et justement, peut-être qu’ils veulent un petit peu tourner la charrue de ses rails.
Nico : On va voir les premières contributions en COBOL.
Mag : C’est cool, on va pouvoir les pirater ! Le Monde.fr, « Le Conseil national du numérique reprend forme », par Sandrine Cassini.
Manu : Donc c’est une institution qui est en place, qui existe depuis déjà quelques années, eh bien là il y a une nouvelle liste de participants. Allez jeter un œil, ce sont des interlocuteurs de l’April, c’est pour ça que ça nous intéresse.
Mag : @ Brest, « Les logiciels produits par les administrations sont passés en Open Source par défaut (et voici pourquoi) », écrit par Calimaq.
Manu : Calimaq qu’on aime beaucoup. Il écrit régulièrement des trucs super intéressants. Eh bien là, ça parle de l’État, du logiciel libre et là aussi ça vient de l’Open Source Summit ; ils ont vraiment fait plein de choses !
Mag : Ça vient aussi de la Loi République numérique qui a laissé passer un petit détail que les gens n’avaient pas forcément vu et qui va nous permettre d’avoir plein de logiciels d’État en open source.
Manu : Eh oui ! Par défaut.
Luc : En Libre peut-être !
Mag : Tu trolles, tu trolles !
Luc : Si tu veux. OK. Bon ! Notre sujet du jour, qu’est-ce donc ?
Nico : On va parler de commerce et de logiciel libre et de tout ce qui tourne autour de tout ça puisque c’est un peu le bordel, quand même, dans nos écosystèmes.
Luc : Oui. Cette notion du pognon, du commerce, du fric, c’est quelque chose qui souvent étonne les gens qui découvrent le logiciel libre au début, parce que ça n’est pas incompatible et on a souvent cette idée que l’argent c’est caca. Pourquoi on en parle cette semaine ? C’est parce qu’il y a eu un petit événement dans l’actualité qui nous a fait penser à ça et qui vient du côté de Mozilla.
Nico : Petit, petit, Ouais ! On va dire ça comme ça ! Pour ceux qui n’ont pas suivi, Firefox a sorti une nouvelle version, donc la version 57, avec plein de nouvelles fonctionnalités dedans.
Luc : Qui marchent plutôt bien !
Nico : Qui marchaient plutôt bien et, le problème, c’est qu’ils se sont rendu compte que Mozilla avait activé des extensions par défaut, qu’ils ont installées sans demander l’avis de l’utilisateur et qui modifiaient tout le comportement des pages web avec des mots-clés qui venaient de la série Mr. Robot, qui étaient modifiées à la volée. Et donc ça a fait un peu un scandale parce ça soulève plein de questions autour de ça.
Luc : L’idée, c’était de changer l’apparence des pages web pour faire de la pub et faire une sorte d’événement autour de cette série.
Mag : Du coup c’est rigolo. Pourquoi est-ce que c’est tragique ?
Nico : C’est tragique pour beaucoup de choses. Parce que, déjà, Mozilla n’a pas demandé l’autorisation avant d’installer ses extensions ; ça a été fait en douce. Derrière, on suppose aussi qu’il y a peut-être des partenariats commerciaux avec la société éditrice.
Luc : C’est le cas, on le sait.
Nico : On le sait, parce qu’ils n’ont pas fait ça gracieusement. Et puis d’être intrusifs à ce point-là sur les pages internet sans demander l’avis, on ne s’attendait pas à ça de la part de Micro, de Mozilla.
Luc : Microsoft ! Voilà, tu l’as dit.
Nico : Ouais !
Luc : Même Microsoft ne fait pas ce genre de choses, remarquons-le. C’est quand même assez choquant de te dire que l’apparence de ton Web va être modifiée et donc, du coup, tu ne sais pas si c’est le site qui veut ça ou si un petit malin a piraté ta machine. Ce petit malin a l’air d’être la Fondation Mozilla.
Manu : C’est Mr. Robot !
Luc : C’est Mr. Robot.
Mag : Mr. Robot travaille pour Mozilla ?
Manu : Mr. Robot a trafiqué les pages web qui étaient fournies par Mozilla, en gros Firefox, on rappelle.
Luc : Est-ce que ça rentre, d’ailleurs, dans la définition stricte du piratage ?
Nico : Stricto sensu, non, je ne pense pas. Il n’y avait pas forcément de volonté malveillante.
Manu : Sachant que c’était dans le cadre, quand même, de ceux qui avaient activé une fonction d’expérimentation sur Firefox.
Nico : Activée ou active par défaut, je ne sais plus très bien, mais voilà ! Ils ont un peu merdé sur plein de choses avec des options par défaut qui n’auraient pas forcément dû être là.
Manu : Et vraisemblablement ça devait être une première tentative, peut-être pour chercher un business model, c’est-à-dire pour chercher comment faire de l’argent avec leur navigateur, parce que Mozilla, il va falloir qu’on en parle, ce n’est pas une entreprise, pas stricto sensu ; à la base c’est une fondation1 de droit américain.
Nico : Non seulement c’est une fondation, mais surtout ils ne vendent rien. Vous ne payez pas pour Mozilla, vous le téléchargez gratuitement.
Manu : Pour Firefox, parce qu’aujourd’hui on utilise Firefox2 en grande partie.
Nico : Pour Firefox. Vous ne le payez pas, donc Mozilla n’a pas de moyens de subsistance avec les logiciels qu’ils développent. Donc il faut absolument qu’ils trouvent des fonds ailleurs. Ils les ont trouvés des fois en passant des partenariats avec Google ou Yahoo, par exemple pour le moteur de recherche par défaut.
Manu : C’est-à-dire que quand on recherche par défaut dans Firefox, on utilise par défaut le moteur. Ils avaient fait des deals géographiques.
Luc : Tout à fait. Oui. Ce qui est particulièrement choquant dans cette affaire c’est que Mozilla, finalement, vend ses utilisateurs en disant « on va leur faire une bonne grosse farce et puis on va mettre en avant cette série et on va toucher du pognon pour le privilège de pouvoir aller toucher directement ce public qui s’intéresse à ces sujets », puisque c’était sur des mots-clés. Et donc, on a quand même ce sentiment que Mozilla va pourrir notre Internet ; Mozilla qui vient faire caca dans le salon parce qu’on le paye pour ça. Ils viennent dans notre intimité, dans notre relation au Web. Nous, on veut avoir des logiciels, des systèmes où se sent chez soi, où on soit à l’aise, on ne soit pas une proie d’un système commercial et où on ne joue avec notre environnement et avec ce genre de choses. On n’est pas un produit !
Mag : N’empêche qu’avec le choix de Mr Robot, eh bien toute la communauté aurait dû être morte de rire face à ce clin d’œil-là, parce que ce n’est pas n’importe quelle série dont ils ont fait la pub !
Luc : Pour moi, c’est comme une mauvaise farce qu’on te ferait, c’est comme la pièce de théâtre et le film Le prénom. Ça commence comme une grosse blague et ça pète tout parce que c’est une blague de super mauvais goût et qui va, en fait, toucher à des choses qui sont beaucoup plus profondes. Et pour moi, c’est un peu ce genre de choses, c’est-à-dire que c’est la sale blague qu’il ne faut pas faire. Il faut savoir être dans les bonnes limites.
Manu : Si c’est une blague !
Luc : Si c’est une blague !
Nico : Si c’est une blague. Parce que c’est vrai que le terme commercial est assez problématique dans le monde du Libre. Il y a même des licences qui l’utilisent, justement en disant « vous avez le droit de vous en servir pour un usage commercial ou non commercial. » En fait, ça n’a jamais bien été bien défini.
Manu : Mais c’est très difficile à définir !
Nico : C’est très difficile à définir. Il y a des entreprises qui font vraiment du commerce mais, par contre, qui font du commerce éthique et intéressant et donc on a peut-être envie, quand même, de les laisser, d'autoriser l’usage du logiciel. A contrario, il y a des projets qui sont non payants mais qui sont des vraies saloperies et qu’on n’a pas envie de financer non plus ou d’aider non plus.
Mag : Pour qu’ils en viennent à faire ça, c’est peut-être parce qu’ils ne reçoivent pas de dons. Quand on voit le nombre de gens qui utilisent Mozilla sans rien donner derrière, peut-être que c’est là qu’il faut chercher.
Luc : Oui, oui. Peut-être qu’il faudrait qu’ils appellent un peu plus au don. Pour moi tu vois, ce que tu disais Nicolas, c’est que tu fais commerce avec du logiciel libre, tu fais du commerce autour du code. Là, ils vendent leurs utilisateurs et c’est très différent. Et il y a cette formule qu’on entend souvent dans le milieu et notamment pour dénoncer les GAFAM, etc., qui est ?
Nico : Si c’est gratuit, c’est vous le produit!
Luc : Voilà ! Et là, la fondation Mozilla a mis les deux pieds dedans. Après ça, ça pose toute une série de questions parce qu’il y a plein de logiciels libres qui sont gratuits. Souvent on dit : « Attention le libre n’est pas nécessairement gratuit », il faudrait qu’on l’explique.
Manu : C’est-à-dire que l’on peut vendre du logiciel libre, il n’y a absolument aucun souci là-dessus, et il y a plein de manières de le faire, mais n’importe qui, qui reçoit un logiciel libre peut lui-même le rediffuser à son envi et peut le redistribuer gratuitement. C’est souvent ce qui se passe. Souvent le logiciel libre devient gratuit de fait ; il est distribué de manière gratuite, mais d’autres peuvent fournir des services autour. Même Red Hat, par exemple, ça fait partie de son business model, la distribution du logiciel qui passe par les serveurs de Red Hat, eh bien elle est payante. Pour accéder aux serveurs de Red Hat on paye ; on paye les droits d’accès.
Luc : Il faut savoir que pour Red Hat il y a une boîte qui prend Red Hat, enfin leur distribution, leur système d’exploitation pour les professionnels, et qui le renomme CentOS3, puisque souvent les marques sont protégées, et elle le file gratos. Mais il n’y a pas tout le support et il n’y a pas tous ces machins et Red Hat n’a pas coulé.
Nico : Non, au contraire, ils s’en sont très bien portés et ça ne leur fait pas concurrence. Parce que, clairement, vers Red Hat s’orientent tous les professionnels et autres qui veulent du support, ils veulent vraiment être aidés en cas de problème ; alors que les gens qui vont utiliser CentOS, eh bien ce sont des gens lambda qui n’ont pas de grands besoins.
Luc : Il y a pas mal d’entreprises qui l’utilisent.
Nico : Il y a aussi des entreprises qui s’en servent, mais qui ont, du coup, moins de criticité et moins de besoins d’assurance ou autres à ce niveau-là. Mais c’est vrai que les modèles économiques en termes de Libre sont compliqués puisque n’importe qui peut le rediffuser après gratuitement. C’est vrai que c’est compliqué de trouver quelque chose de viable et de pérenne dans ces modèles-là.
Manu : Il y a des business model qui ne sont pas toujours simples à dégoter, notamment, on met toujours ça en avant, c’est le service. C’est d’avoir du service autour du logiciel, d’être capable de le faire évoluer, de le maintenir, de faire les formations qui sont autour, de faire de la documentation qui est parfois nécessaire.
Mag : D’ajouter des fonctionnalités.
Manu : Exactement ! Et toutes ces choses-là ça a un coût et ce n’est pas forcément simple à faire faire. Donc là, on peut vraiment gagner sa vie autour de cela. On en connaît quelques-uns qui font cela.
Luc : Ça c’est particulièrement valable sur le monde professionnel et je pense que c’est au contact du grand public où c’est beaucoup plus compliqué. C’est-à-dire que si on regarde les logiciels libres qui sont utilisés par le grand public, c’est beaucoup de logiciels avec des développements bénévoles. Je vais parler de GIMP4 que je connais un petit peu ; le développeur principal de GIMP, c’est un libraire allemand qui fait ça sur son temps libre. [Cri de joie de Mag]. Et puis il y a Jehan, qu’on avait déjà interviewé ici pour le projet qu’il mène avec Aryeom sur ZeMarmot, il contribue à GIMP également en mode bénévole.
Mag : En mode bénévole, mais il le fait aussi parce qu’il en a besoin pour faire ZeMarmot ; avec son association LILA5, ils ont besoin d’améliorer GIMP.
Manu : C’est une bonne chose, d’ailleurs, de le mettre en avant. C’est-à-dire qu’il y a beaucoup de gens qui développent du logiciel libre pas pour des raisons externes, qui seraient des raisons monétaires – on me paye pour faire quelque chose. Non ! Ça peut être pour des raisons propres : je veux faire plaisir à quelqu’un, ça me fait plaisir de faire plaisir à quelqu’un. Je gratte un de mes problèmes en résolvant ce problème-là avec un logiciel ou avec des logiciels.
Luc : D'accord. Oui.
Manu : J’en ai besoin, là, tout de suite, eh bien je le développe tout de suite et ensuite je le diffuse parce que j’ai envie de faire partager ma solution. Il y a beaucoup de logiciels qui sont développés au départ comme ça.
Nico : Après, c’est aussi problématique puisque, du coup, il n’y a pas de pérennité dans les contributions.
Manu : Parfois, il n’y a pas de pérennité !
Nico : Souvent ! Il y a une étude qui a été sortie, d’ailleurs aujourd’hui ou hier, et qui montre que dans les gros logiciels libres, en fait, il y a très peu de contributeurs récurrents, avec des gros nombres de contributeurs ; généralement une ou deux têtes seulement qui dépassent. Derrière, la plupart des projets ne sont pas financés, il n’y a pas de développeurs à long terme dessus.
Manu : On avait quelques cas : OpenSSH, notamment.
Nico : OpenSSH, GPG, OpenSSL6.
Manu : Ce sont des outils de sécurité et effectivement, on s’était rendu compte, suite à un scandale7, qu’il n’y avait qu’un gars qui bossait vraiment derrière.
Nico : Et dans l’étude ça citait aussi LibreOffice et Framasoft. En particulier Framasoft, à part les développeurs payés par le projet ou rémunérés via des appels à dons, eh bien il n’y a pas tant que ça de contributions sur ce genre d’outils.
Mag : Au Capitole du Libre, il y a eu une table ronde qui s’est faite avec Pierre-Yves Gosset de Framasoft, Jean-Baptiste Kempf de VideoLAN et deux chefs d’entreprises d’open source. Pierre-Yves disait que le logiciel libre avait perdu, mais pas l’open source. En gros, il manquait de développeurs énormément sur des logiciels on va dire grand public, que personne n’utilise, alors que sur les logiciels qui sont tenus par des entreprises, là il n’y avait aucun problème.
Manu : On pourrait faire remarquer que le logiciel libre vient de facultés, d’universités ; à la base, c’étaient des labos de recherche et donc leurs financements n’étaient pas faits en vendant des choses. Non, ce n’était pas ça leur business model au départ.
Luc : Il y a une chose dont on n’a pas parlé par rapport à cette question de partager le code, parce qu’on dit : « Mais pourquoi donner ce qu’on a développé à la sueur de son front ? », c’est qu’il y a cette idée que, d’une part, ça va permettre de se diffuser et d’être repris. À partir du moment où les gens ont le droit de faire du commerce avec, alors ça va les motiver à diffuser à droite, à gauche.
Manu : D’autant plus qu’ils font du commerce avec !
Luc : Et ensuite, deuxième chose, c’est que ça peut, on l’espère, mais pas tant que ça, tu le disais Nicolas, apporter de nouvelles contributions et enrichir le logiciel et les fonctionnalités.
Mag : Moi je poserais une autre question : pourquoi on ne donnerait pas ?
Luc : Après tu peux dire « j’ai travaillé, je ne veux pas que ce soit diffusé gratuitement, je voudrais être payé pour ce que je fais. »
Mag : Oui, mais c’est super égoïste !
Nico : C’est égoïste, mais justement, il y a le problème de l’argent qui se ramène à chaque fois et les gens disent : « Oui, mais si je le donne comment je fais pour me rémunérer ? »
Mag : Là vous faites rentrer l’argent. Mais si vous avez développé une fonctionnalité, c’est parce que vous en aviez besoin !
Luc : Dans le monde grand public, aujourd’hui, il n’y a pas cette culture de se dire on va se payer nos propres outils. C’est-à-dire qu’on va tomber dans des systèmes commerciaux avec des boutiques, avec les « Play Store », les machins comme ça ; les systèmes où on va vendre nos données sans en avoir conscience.
Mag : Il n’y a plus ! Tu dis : « Il n’y a pas ! » Je ne suis pas d’accord. Il n’y a plus. Il y avait ça avant.
Luc : Eh bien je ne sais pas. Pour moi, il y a un saut quand même pas évident à faire de se dire « je donne de l’argent et sans avoir une rétribution directe », c’est-à-dire que je ne suis pas en train d’acheter un objet, je suis en train de financer un machin qui va profiter à tout le monde. Et je ne sais pas si cette mentalité a jamais existé ou alors c’était à tellement de générations qu’on ne sait pas. Cette idée de bien commun dont on a parlé souvent dans le podcast, aujourd’hui elle n’est pas du tout dans les esprits. Et c’est souvent mon grand regret avec cette idée que le grand public, aujourd’hui, c’est le dernier dans toute la chaîne de l’informatique et, au final, c’est lui qui se fait rincer, qui se fait ratisser.
Manu : Et puis on a aussi le problème dans l’autre sens : c’est que les développeurs qui veulent contribuer à du Libre n’ont pas tous la chance, comme moi, d’être informaticiens et de pouvoir développer parce que c’est leur plaisir et qu’ils ont le temps, etc. Ils ont des fois une vie à côté – on parle de libraires ou autres – et quand ils développent du code, eh bien ils ont aussi envie de se faire rémunérer, de se faire payer ; et ils voient bien que ce n’est pas via la communauté du Libre qu’ils arriveront à faire quelque chose parce qu’il n’y a pas d’argent, clairement ; et il y en a beaucoup qui coincent là-dessus en disant « j’ai déjà mon boulot, je vais devoir repasser peut-être deux-trois jours par semaine » parce que ça prend du temps, mine de rien, de développer ça.
Luc : Et puis il y a des gens qui font des trucs comme des enfants, des choses comme ça. Ça prend du temps !
Nico : En plus ! Du coup ils ont envie d’avoir une espèce de rétribution de leur travail. Et ce n’est pas juste la gloire d’avoir commité dans le noyau Linux qui va les nourrir et, du coup, il y en a beaucoup qui vont hésiter aussi à publier leur code et qui préfèrent faire du privateur.
Manu : Moi je suis plus optimiste, mais je suis un classique optimiste, il faut toujours l’être !
Luc : Salaud !
Manu : C’est qu’au contraire, je pense qu’il y a de plus en plus de gens qui veulent contribuer au bien commun, qui se rendent compte de ce que c’est que le bien commun et qu’on est en train de sortir de plus en plus, alors sous la pression de plein choses, notamment l’écologie. L’écologie où on se rend compte qu’il faut contribuer, tous ensemble, à quelque chose qui ne va pas dépendre d’un individu, mais de tous. Et le logiciel libre, Internet, toute cette mise en commun-là, eh bien c’est important et ces outils-là on se les accapare petit à petit et c’est tout ça qui va nous permettre d’évoluer dans le bon sens et d’améliorer les choses.
Mag : Venez sur les stands de Framasoft8 ! Vous verrez que les gens, dès qu’ils savent qu’il y a une alternative à tous ces logiciels privateurs, commerciaux, eh bien ils la prennent !
Nico : Et puis faites un petit tour sur vos ordinateurs, regardez quels logiciels libres vous utilisez et faites un petit don ; même un euro ça fera toujours ça pour le projet. Si tout le monde mettait un euro, on aurait des gros projets à pouvoir faire !
Luc : Merci à vous. On va finir sur cette note positive. C’est Noël bientôt et on se retrouve dans quinze jours.
Nico : L’année prochaine !
Manu : À l’année prochaine.
Mag : Salut !
Luc : Salut tout le monde.