Contenus numériques : droit d'auteur et licences libres - Lionel Maurel

Lionel Maurel

Titre : Contenus numériques : droit d'auteur et licences libres
Intervenant : Lionel Maurel
Lieu : Université de Technologie de Compiègne
Date : Octobre 2016
Durée : 1 h 43 min 15
Introduction
Licence de la transcription : Verbatim

Les notions de base du droit d'auteur

En quoi consiste le droit d’auteur ?

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Pour commencer, nous allons nous demander en quoi consiste le droit d’auteur. Le droit d’auteur est une des branches de ce qu’on appelle plus largement la propriété intellectuelle. Celle-ci, en France, est codifiée dans le Code de propriété intellectuelle qui comporte deux parties : une relative à la propriété littéraire et artistique, dans laquelle figure le droit d’auteur, et une relative à la propriété industrielle. Dans la propriété industrielle, nous avons des éléments comme les brevets, les marques de commerce ou les dessins et modèles, qui ont trait à la fabrication et à la commercialisation des produits, des inventions. Dans ce module, nous ne parlerons pas de cette branche-là, qui fonctionne d’une manière différente du droit d’auteur, bien qu’étant rattachée à la propriété intellectuelle.

Le droit d’auteur, lui, appartient à la famille de la propriété littéraire et artistique. On trouve donc le droit d’auteur, qui est la branche principale, mais nous trouvons aussi les droits voisins, qui interviennent dans le domaine de la musique et du cinéma, de tout ce qui concerne la vidéo, et le droit des bases de données.

Le droit d’auteur est une matière qui est encadrée, en France, dans le Code de propriété intellectuelle, mais c’est aussi un sujet qui est très encadré au niveau international. Depuis la fin du 19e siècle, nous avons une convention internationale, qui s’appelle la Convention de Berne, qui règle ces questions au niveau international et qui s’assure, notamment, que les États reconnaissent aux auteurs étrangers les mêmes droits que les auteurs nationaux.

Cette question est aussi très encadrée au niveau européen. Il y a une directive européenne de 2001 qui règle ces questions dans l’Union européenne et qui assure un certain degré d’harmonisation. Cette directive est actuellement en voie de révision et le législateur français a une marge de manœuvre qui, de ce fait, est relativement réduite pour introduire des réformes du droit d’auteur.

Et en France, c’est à partir de 1957 que les lois sur le droit d’auteur ont été codifiées dans le Code de propriété intellectuelle. Auparavant le droit d’auteur est né à la Révolution française et, depuis les années 2000, on assiste à une multiplication de lois qui interviennent, notamment, pour adapter le droit d’auteur aux évolutions de l’environnement numérique.

Si on veut savoir exactement en quoi consiste le droit d’auteur, il faut aller dans le Code de propriété intellectuelle, à l’article L-111, qui nous dit : « L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle, exclusif et opposable à tous. »

Tous les éléments de cette phrase sont importants, le plus important étant « droit de propriété incorporelle ». Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que le droit d’auteur est une forme de propriété, à l’image de celle dont nous disposons sur, par exemple, notre maison, notre voiture, ou sur un ordinateur que nous avons acheté. C’est une forme de propriété et c’est une forme de propriété très particulière, parce qu’elle est incorporelle. Elle va donc porter sur un objet immatériel qui est l’œuvre de l’esprit, qui est le produit de la création de l’auteur. Et c’est donc une forme de droit très spéciale, qui s’applique à un objet intangible, qui est l’œuvre de l’esprit qui constitue un des pivots des notions du droit d’auteur.

Pour continuer à le comprendre, le Code, par la suite, précise qu’il y a un principe d’indépendance entre la propriété intellectuelle et la propriété matérielle. Et notamment, il nous indique que l’acquéreur d’un objet matériel n’est pas investi, du fait de cette seule acquisition, des droits de propriété intellectuelle prévus par le Code. Pour comprendre exactement ce que ça veut dire, il faut prendre l’exemple d’une personne qui achète un tableau à un peintre. Cette personne rentre bien en possession du support d’une œuvre qui est le tableau, le support matériel, et cette propriété sur le support matériel va lui permettre de faire tout un ensemble d’actes. Mais elle va être aussi limitée dans ce qu’elle pourra faire de ce support, parce que les droits de propriété intellectuelle sur l’œuvre seront restés au peintre. Par exemple, cette personne ne pourra pas vendre des cartes postales représentant ce tableau, parce que le droit de reproduction lié à l’œuvre qui est sur le tableau sera resté au peintre. Elle ne pourra pas, non plus, organiser d’expositions publiques de ce tableau, parce que là, c’est ce qu’on appelle un droit de représentation sur l’œuvre, qui sera resté au bénéfice du peintre.

Ce qui vous montre qu’il y a une distinction à faire entre les droits sur les supports et les droits sur les œuvres. Si la personne qui a acheté le tableau voulait pouvoir faire ces actes, il aurait fallu qu’elle se fasse céder ces droits de la part du peintre, par le biais d’un contrat, qui serait venu s’ajouter au contrat de vente du tableau.

Ce qui est important, en fait, dans cette définition, c’est la notion de droit exclusif de l’auteur. Quand l’auteur fait une création qui est protégeable par le droit d’auteur, il bénéficie de par la loi d’un droit exclusif qui va lui permettre, en fait, d’exclure les tiers de la possibilité d’utiliser son œuvre. Et ça se traduit par un droit, en fait, à ce qu’on vienne lui demander une autorisation préalable pour pouvoir faire usage de son œuvre.

Ceci, c’est le grand principe du droit d’auteur et nous verrons par la suite qu’il y a cependant des exceptions, des cas dans lesquels on n’aura pas à demander une autorisation préalable à l’auteur pour pouvoir faire l’usage d’une œuvre.

La notion d'œuvre protégée

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Nous allons maintenant nous attarder sur l’objet qui est protégé par le droit d’auteur, notamment la notion d’œuvre et plus précisément la notion d’œuvre de l’esprit qui est la notion énoncée par le Code pour désigner l’objet de la protection du droit d’auteur.

Le Code nous dit que le droit d’auteur « protège toutes les œuvres de l’esprit quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination ». Cette énumération a une importance.

Donc le genre ou la forme d’expression n’est pas prise en compte. Tous les types de création sont protégeables, aussi bien des œuvres littéraires que des photographies, de la musique, le cinéma et toutes les formes de vidéo, mais aussi toutes les œuvres de type art contemporain, par exemple, plus originales, qui peuvent accéder elles aussi à la protection.

Le Code précise aussi qu’on ne doit pas tenir compte du mérite pour accorder la protection du droit d’auteur ou non. Ça veut dire que les juges ne se posent jamais la question de savoir si une œuvre est de bonne qualité ou pas, ils sont indifférents, et même une œuvre qu’on pourrait juger de mauvaise qualité peut avoir une protection au titre du droit d’auteur.

Et ensuite, il y a aussi un autre élément qui est sans incidence, c’est la destination. On a souvent l’impression que le droit d’auteur protège des œuvres relevant des beaux-arts, mais pas seulement, en fait. Même des créations qui peuvent nous paraître utilitaires peuvent bénéficier d’une protection au titre du droit d’auteur. Par exemple un texte qu’on trouve sur un site internet, même si ce site n’a pas une vocation artistique, sera très souvent protégé par le droit d’auteur, même s’il a seulement un but informatif.

Donc le périmètre des objets protégeables par le droit d’auteur est, en réalité, très large. Mais le Code et la jurisprudence ont rajouté, néanmoins, des critères qui fixent une sorte de plancher pour ne pas que cette protection soit absolument universelle. Il y a, en fait, deux conditions cumulatives qui doivent être respectées pour qu’un objet soit protégé par le droit d’auteur : les créations doivent être originales et elles doivent être mises en forme.

Le premier critère, l’originalité, induit une idée de choix qui doit être fait par le créateur lorsqu’il produit une œuvre. Il faut, les juges disent, « que l’œuvre porte l’empreinte de la personnalité de l’auteur ». Il faut qu’on puisse percevoir s’il a choisi son sujet, qu’il l’a traité d’une certaine manière qui lui est propre et il faut qu’il soit en mesure de l’expliquer aux juges pour pouvoir bénéficier d’une protection.

Ensuite, il faut que l’œuvre soit mise en forme. Ça tient à un point qui est très important dans le droit d’auteur qui est qu’on ne protège pas uniquement les idées. Une simple idée ne peut pas être protégée par le droit d’auteur. Elle l’est à partir du moment où elle est réalisée dans une forme perceptible par les sens. On verra tout à l’heure que ça a une incidence importante. Les idées restent de libre parcours, ce qui veut dire qu’elles sont toujours réutilisables sans condition, par contre, dès qu’elles sont mises en forme, elles peuvent devenir des œuvres qui, là, vont être protégées par le droit d’auteur.

De ces critères cumulatifs, il résulte que toutes les créations ne sont pas des œuvres nécessairement protégeables par le droit d’auteur. Ici, on voit par exemple une photographie qui a fait l’objet d’une décision de justice. C’est un photographe qui avait pris en photo les ingrédients pour réaliser la bouillabaisse, le plat la bouillabaisse. Et cette photo a été réutilisée par un éditeur, sans lui demander son autorisation. Il en est résulté un procès et les juges ont considéré que cette photographie était trop banale pour pouvoir bénéficier de la condition d’originalité, qu’elle n’exprimait pas la personnalité de son auteur et donc, du coup, cette photographie n’a pas pu bénéficier de la protection du droit d’auteur et elle est librement réutilisable par tous. Exemple d’objet non protégeable par le droit d’auteur.

Autre exemple qu’on peut donner : dans un autre contentieux, le journal Le Point s’était ému que Jean-Marc Morandini reprenait des chroniques d’actualité sur la technologie qui paraissaient régulièrement sur son site, pour alimenter son blog. Et là, encore une fois, les juges ont considéré que le texte de ces chroniques était rédigé d’une manière suffisamment neutre et concise pour ne pas exprimer la personnalité du journaliste qui les rédigeait. Et donc, du coup, ces textes-là ont été considérés comme libres de réutilisation.

Comme tous les objets ne sont pas protégeables par le droit d’auteur, on a ainsi un ensemble d’éléments qui restent toujours libres et, on a vu tout à l’heure, que les idées en elles-mêmes ne sont pas protégées. Même quand elles sont incorporées dans des œuvres, notamment par exemple dans des textes, les idées peuvent être remobilisées, elles peuvent être extraites des œuvres, librement, pour tout un ensemble d’usages qui vont rester disponibles. Par exemple, quand vous avez un texte, vous avez le droit de faire des résumés de ce texte, en extrayant les idées principales et en les reformulant. Si vous faites ça, vous ne violez pas le droit d’auteur et notamment, si vous reformulez les idées avec vos propres mots, vous ne ferez pas de violation du droit d’auteur parce que vous utilisez seulement les idées qui sont contenues dans le texte.

De la même manière, quand on a un article, on peut l’indexer, c’est-à-dire mettre des mots-clefs associés à cet article. Cette opération résulte de l’extraction des idées principales du texte et ce n’est pas une violation du droit d’auteur, c’est un acte qui reste toujours libre.

Les conditions de protection et l'appartenance du droit d'auteur

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Nous allons voir à présent comment s’acquiert la protection du droit d’auteur et à qui elle bénéficie.

Le Code nous dit que le droit exclusif appartient à l’auteur du seul fait de la création de l’œuvre. Ça c’est un point qui fait vraiment une différence très importante par rapport à la propriété industrielle, notamment les brevets ou les marques, où, pour bénéficier de la protection, il est indispensable de faire un dépôt ou un enregistrement auprès d’un organisme qui, en France, est par exemple l’INPI, l’Institut national de la propriété industrielle. Ce dépôt implique des formalités, il est payant, et l’INPI, ensuite, délivre un titre de propriété à la personne qui satisfait aux conditions pour l’obtenir, qu’elle va vérifier.

En matière de droit d’auteur, on n’a pas ce type de mécanisme de dépôt ou d’enregistrement. Le droit d’auteur naît directement au bénéfice du créateur dès qu’il a produit son œuvre. Il en résulte, par exemple, qu’une œuvre n’a pas besoin d’être publiée pour être protégée. Même une œuvre non divulguée, par exemple on peut penser au brouillon d’un roman, on peut penser, notamment, à des photographies dans l’appareil du photographe, elles sont directement protégeables, indépendamment de leur publication. Le Code précise aussi qu’une œuvre n’a pas besoin d’être achevée pour bénéficier de la protection. Le simple fait d’avoir commencé à la créer, d’avoir commencé à la mettre en forme, permet de bénéficier de la protection. Par contre, pour pouvoir opposer le droit d’auteur à un tiers, notamment en justice, il faut disposer de la preuve de la date de la création, ce qui entraîne parfois les créateurs à faire tout de même des dépôts pour pouvoir bénéficier d’une preuve qu’ils pourront ensuite opposer à quelqu’un qui aurait réutilisé leur œuvre, notamment dans les affaires de contrefaçon.

Une fois qu’on a acquis le bénéfice d’une protection, à qui profite-t-elle exactement ?

En France, le grand principe, c’est que les droits naissent au bénéfice du créateur, en tant que personne physique individuelle. C’est notamment une des grandes différences avec le système du copyright américain qui, lui, admet beaucoup plus facilement que des personnes morales, notamment des employeurs, des entreprises, puissent bénéficier directement des droits. Aux États-Unis, quand on est employé et qu’on crée des œuvres dans le cadre de son travail, c’est l’employeur qui bénéficie directement des droits.

En France, ce n’est pas le principe. Un salarié bénéficiera des droits sur ses créations, qu’il aura créées dans le cadre de son emploi, et si l’employeur veut bénéficier des droits, il faut qu’il se les fasse céder par le biais soit de clauses dans le contrat de travail ou de mentions dans les conventions collectives qui régissent la profession. Il y a tout de même des exceptions à ce principe dans la loi française, notamment, par exemple, pour les logiciels : les logiciels créés par un employé sur son temps de travail, les droits bénéficient à l’employeur. Les journalistes, aussi, ont une clause particulière et les agents publics, également, ont un régime particulier.

Pour les agents publics, lorsqu’ils créent des œuvres dans le cadre de l'exécution de leur mission de service public, ils ont la titularité du droit d’auteur, mais les droits d’exploitation de l’œuvre sont immédiatement transférés à leur employeur, c’est notamment la personne de droit public qui les emploie. La seule chose qu’ils gardent c’est un droit très limité à la paternité de l’œuvre, c’est-à-dire à être cités comme auteurs en cas d’utilisation. L’employeur exerce beaucoup des branches du droit d’auteur : il peut décider, par exemple, de divulguer ou non la création de l’agent public. Il peut aussi imposer à l’agent public de faire des modifications, ou demander à un autre agent de faire des modifications sur cette création. Ce régime des œuvres des agents publics a lui-même une exception qui bénéficie aux professeurs d’université, aux enseignants-chercheurs. C’est la seule catégorie d’agents publics qui garde un droit complet sur ses productions, même lorsqu’elles sont produites dans le cadre de leur mission de service public. Ça veut dire que les cours faits par les enseignants-chercheurs, les articles produits, les rapports de recherche, tous les droits sur ce type de production restent aux universitaires et ce sont eux qui exercent pleinement et qui font les décisions pour la diffusion et l’exploitation de ces œuvres.

C’est la même chose qui s’applique pour les étudiants et les élèves qui ne sont pas considérés comme des agents publics, même lorsqu’ils suivent ces formations, et ils restent pleinement titulaires des droits sur leurs productions, que ce soit des copies, des rapports ou des mémoires.

Le fonctionnement du droit d'auteur

Les différentes branches du droit d'auteur

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Nous allons voir à présent quelles sont les différentes composantes du droit d’auteur. Jusqu’à présent nous avons parlé du droit d’auteur comme quelque chose d’unifié, mais en fait le droit d’auteur se découpe en plusieurs prérogatives qui bénéficient aux titulaires de droits.

Les deux grandes branches principales du droit d’auteur sont le droit moral et les droits patrimoniaux.

La première branche, droit moral, consiste en un droit de faire respecter l’œuvre et la personne du créateur. C’est une des marques du droit français. Dans notre législation, c’est un aspect qui est très protégé et qui constitue, un petit peu, l’identité du droit français en matière de droit d’auteur.

Ce droit moral se découpe lui-même en quatre éléments.

Le premier est le droit à la paternité. C’est le droit à ce que la qualité d’auteur du créateur soit reconnue et à ce que son nom, notamment, soit toujours cité lorsque l’œuvre est utilisée. Si vous mettez votre nom à la place de celui créateur, vous violez le droit de paternité et, dans le langage courant, c’est ce qu’on appelle souvent un plagiat, mais précisément, du point de vue juridique, c’est une violation du droit de paternité de l’auteur et, notamment, de son droit moral.

Le deuxième droit rattachable au droit moral est celui de divulgation. Quand l’œuvre a été créée, seul son créateur peut décider de la porter à la connaissance du public et il a tout à fait le droit de ne pas vouloir qu’une de ses créations soit révélée. C’est le cas, par exemple, du brouillon d’un roman, d’un tableau que le créateur voudrait ne pas exposer. Et il peut s’opposer à ce qu’une œuvre qu’il a créée soit portée à la connaissance du public.

Le troisième élément, c’est le droit au respect de l’intégrité de l’œuvre. Lorsque le créateur a fait sa création, on dit qu’il a arrêté une forme donnée et cette forme, il a le droit de s’opposer à ce qu’on la modifie. Si on prend le cas d’une photo, par exemple, le recadrage de la photo, sa colorisation, le fait de l’inverser, toutes ces actions, en fait, peuvent être considérées comme des atteintes à l’intégrité de l’œuvre, que le créateur peut vouloir empêcher. Et pour ça, il faut qu’il montre que ces modifications ont dénaturé sa création et qu’elles ont porté atteinte à l’esprit de ce qu’il voulait faire.

La quatrième composante du droit moral, c’est le droit de retrait ou de repentir, qui est plus rarement mis en œuvre car plus complexe. C’est l’idée que lorsque le créateur a accepté la diffusion de son œuvre, il a le droit de changer d’avis et de demander à ce que son œuvre ne soit plus diffusée. Mais en fait, cette capacité est assez rarement mise en œuvre, parce que pour ça il doit indemniser tous les intermédiaires qui ont participé à la diffusion. On peut penser, par exemple, à un éditeur qui aurait commencé à diffuser un roman et, de ce fait, il y a assez peu d’auteurs qui revendiquent l’application de ce droit de retrait ou de repentir.

Ça c’était la première branche du droit moral. Il y en a une seconde qui est celle du droit patrimonial ou des droits patrimoniaux, qui ont trait à l’exploitation de l’œuvre. C’est souvent, d’ailleurs, ce qu’on a en tête quand on parle de droit d’auteur.

Dans les droits patrimoniaux, nous avons notamment le droit de reproduction. C’est-à-dire celui de faire des copies ou de fixer l’œuvre sur un support. Si on prend le cas d’un tableau, encore une fois, la possibilité d’utiliser l’image de cette œuvre dans un livre, la possibilité d’en faire des cartes postales, la possibilité de le numériser et de l’afficher sur un site internet, tout ça va résulter en des formes de reproduction qui relèvent de ce droit patrimonial.

Nous avons ensuite un droit de représentation, dit aussi droit de communication au public, qui est né, principalement d’abord dans le monde du théâtre. Quand vous jouez une pièce de théâtre, il n’y a pas de reproduction de l’œuvre, il n’y a pas de copie, mais il y a bien une forme d’exploitation de l’œuvre qui, au fil du temps, a fini par être reconnue comme un des modes d’exploitation que peut contrôler le créateur.

Ensuite, au fil de l’évolution des technologies, il y a eu tout un tas de procédés permettant de diffuser les œuvres qui ont été raccrochés à cette représentation. On pense notamment à la radio, on pense au cinéma, qui sont considérés comme des formes de communication publique des œuvres, et aujourd’hui, toutes les communications numériques sont aussi assimilées à des formes de représentation qui peuvent être soumises au droit d’auteur. Le fait de diffuser sur Internet une œuvre est une forme de communication au public.

Indépendamment de la reproduction et de la représentation, il y a aussi la possibilité d’adapter les œuvres, le droit d’adaptation, qui relève du droit patrimonial. Là on pense, notamment, à des choses comme le fait de prendre un roman et de l’adapter en pièce de théâtre ou de l’adapter au cinéma, d’en faire un jeu vidéo. Tout ça, ce sont ce sont des formes d’adaptation qui relèvent aussi du droit patrimonial. Dans le droit d’adaptation, on a aussi, par exemple, la traduction qui est aussi considérée comme relevant du droit patrimonial.

Un point d’attention à avoir, c’est que ce droit s’appelle droit patrimonial, droit d’exploitation, mais il s’applique aussi en cas d’usage non commercial. Quand vous faites une reproduction d’une œuvre, par exemple pour l’afficher sur un site internet, vous êtes quand même soumis à ce droit de reproduction, même si vous n’avez pas d’intention lucrative ou de faire un acte commercial.

Pourquoi cette distinction entre le droit moral et le droit patrimonial est importante ? Parce qu’en fait, ces deux branches du droit d’auteur ne fonctionnent pas de la même manière.

Le droit moral, par exemple, ne peut pas être cédé par contrat, par l’auteur, à un intermédiaire comme un éditeur ou un producteur. On dit qu’il est inaliénable. C’est une façon de protéger les auteurs et d’empêcher que des intermédiaires s’attribuent ces prérogatives-là. Le droit est dit inaliénable parce que l’auteur pourra toujours revenir sur sa décision et considérer que le contrat est nul si un éditeur lui a demandé de céder le droit de paternité, le droit de divulgation ou le droit au respect de l’intégrité de son œuvre.

Le droit moral est aussi perpétuel dans le temps, c’est-à-dire qu’il va durer toute la vie de l’auteur et ensuite, il va se transmettre à ses descendants qui vont pouvoir l’exercer, indéfiniment, sans limite dans le temps.

Le droit patrimonial, de son côté, a un fonctionnement différent. Par définition, il est cessible par contrat, c’est-à-dire que l’auteur peut céder tout ou partie des droits patrimoniaux à des intermédiaires comme des producteurs ou des éditeurs. Dans ces cas-là, la cession va entraîner le transfert du droit au profit de ces agents et, en général, l’auteur va exiger une rémunération en échange et c’est de cette manière-là, par cession du droit patrimonial, que les créateurs peuvent bénéficier d’une rémunération pour leurs créations.

Le droit patrimonial n’est pas perpétuel. Il est limité dans le temps. En principe il dure 70 ans après la mort de l’auteur et, à ce moment-là, les différentes branches du droit patrimonial, c’est-à-dire la reproduction, la représentation et l’adaptation deviennent libres : n’importe qui peut les effectuer sans avoir à demander d’autorisation à l’auteur, ni à le rémunérer. Par contre, le droit moral persiste et donc là, il faudra demander l’autorisation aux descendants de l’auteur qui continuent à l’exercer.

La violation du droit d'auteur et les sanctions associées

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Nous allons voir à présent la question de la violation du droit d’auteur et les sanctions qui y sont associées.

On a vu les différentes branches qui composent le droit d’auteur. Toute atteinte, tout acte commis sans autorisation de l’auteur, raccrochable à une de ces branches, constitue ce qu’on appelle une contrefaçon. C’est le terme qui désigne le délit associé à la violation du droit d’auteur. Contrairement à l’expression un peu courante, la contrefaçon, dans ce domaine-là, elle n’est pas limitée à la question de fabriquer des imitations de sacs ou de médicaments. La contrefaçon, c’est beaucoup plus large, ça concerne la violation des droits de propriété intellectuelle et, en matière de droit d’auteur, ce sera de reproduire une œuvre sans autorisation, de la représenter sans autorisation, ou même de violer une des composantes du droit moral sans l’accord de l’auteur.

La contrefaçon, en tant que délit, est punie actuellement de trois ans de prison et 300 000 euros d’amende. C’est donc quelque chose qui peut être poursuivi au pénal, comme peut l’être le vol, par exemple, et avec un niveau de sanction qui est relativement élevé : trois ans de prison et 300 000 euros d’amende, ça fait partie des délits lourdement sanctionnés. Sachant qu’à côté de ça, une personne qui subit une violation du droit d’auteur peut aussi agir au civil pour demander des dommages et intérêts, en fonction du préjudice qui lui aura été causé. Dans la pratique, d’ailleurs, on constate que les poursuites au pénal sont très rares. Elles concernent, en général, des violations très importantes du droit d’auteur, notamment avec une intention commerciale derrière, une intention lucrative. Et il est très rare que de simples internautes, par exemple, soient poursuivis au pénal. Par contre les poursuites au civil sont plus fréquentes.

Dans la pratique, ce qu’on constate quand même, c’est que, en cas de violation du droit d’auteur, ce qui se produit le plus fréquemment, c’est que le titulaire de droits va adresser une demande à celui qui a violé le droit d’auteur, de cesser ou de retirer, par exemple, un contenu qu’il aura mis en ligne. Et lorsqu’on s’exécute, en général, ça clôt le litige et on peut en rester là. Il faut savoir quand même que dans ce cas-là, le titulaire de droits a toute latitude pour demander une indemnisation, qu’il va fixer de son propre chef, et en indiquant que si on ne paye pas cette rémunération, eh bien il y aura des poursuites au tribunal qui seront effectuées. Pour donner un exemple, il est assez fréquent qu’une agence de photos comme Getty Images, repère que certaines de ses photographies ont été publiées sur Internet et, par le biais de ses avocats, envoie une demande de retrait assortie de montants qui peuvent dépasser plusieurs centaines d’euros, sous peine d’aller au tribunal.

Donc les risques associés à la violation du droit d’auteur, il faut considérer qu’ils sont réels, sans aller systématiquement à des choses comme trois ans de prison et 300 000 euros d’amende, il y a des risques, notamment pour les usages sur Internet où il y a une visibilité liée à la rediffusion.

Il y a des secteurs, aussi, qui sont plus sensibles que d’autres. C’est notamment le cas de la photographie, où beaucoup de photographes professionnels sont particulièrement sensibles au respect de leurs droits, notamment dû aux conditions de l’exercice de leur profession et peuvent être plus portés à faire valoir leurs droits en cas de réutilisation non autorisée.

À côté de ça, on le verra dans d’autres vidéos, il faut se rendre compte que lorsqu’on n’est pas sûr de pouvoir réutiliser ou non un contenu protégé, il faut chercher à contacter le titulaire de droits lorsqu’on en a la possibilité, envoyer un simple mail, par exemple. Si on indique de manière assez précise ce que l’on veut faire avec l’œuvre que l’on veut réutiliser, peut valoir, en fait, l’équivalent d’une licence. Si on indique vraiment précisément les types d’usage, ça vaudra autorisation qui sera valable d’un point de vue juridique parce qu’on a un écrit formalisé. Et donc du coup, ça vaut toujours le coup d’essayer de contacter un auteur ou un éditeur, sachant qu’en cas d’utilisation non commerciale, ce genre de titulaire de droits est, en général, porté à accorder des autorisations.

Il y a d’autres façons d’utiliser légalement des contenus sur Internet du point de vue du droit d’auteur. Notamment, on peut réutiliser des œuvres qui sont dans le domaine public et elles sont faites pour ça. Le domaine public est fait pour donner des libertés de réutilisation. On peut réutiliser des œuvres qui sont dans le domaine public, sachant qu’il faut bien s’assurer que l’œuvre en question est dans le domaine public, mais aussi que son support le soit. Ça peut, parfois, être assez complexe, notamment en ce qui concerne les musiques et les vidéos, de bien déterminer qu’on a à faire à un objet qui est dans le domaine public complètement.

Et sinon, on peut se tourner vers les œuvres placées sous licence libre. On verra dans une autre vidéo, en détail, ce que sont les licences libres. Le principe en est que le titulaire de droits, en général l’auteur, va accorder une autorisation générale à tous les utilisateurs de réutiliser sa production, par le biais d’un contrat, qui s’appelle une licence libre où, au lieu de poser des restrictions à l’usage, il va donner des libertés de réutilisation. Elles peuvent être plus ou moins ouvertes selon les options que le créateur aura choisies, mais ces licences offrent de très larges latitudes de réutilisation et on compte, aujourd’hui, des centaines de milliers, voire de millions d’œuvres disponibles sur Internet sous licence libre, qui peuvent être mobilisées pour toutes sortes d’usages.

Le mode de fonctionnement du droit d'auteur et les contrats

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Nous allons voir maintenant le fonctionnement concret du droit d’auteur et notamment la manière dont il s’exprime dans des contrats.

Si on reprend les éléments qu’on a vus jusqu’à présent, quand une œuvre est protégée, l’auteur bénéficie d’un droit exclusif. Aux États-Unis, on dit souvent : « Copyright – tous droits réservés ». Le principe s’applique aussi ici en France. Quand l’œuvre est protégée, tous les droits sont, en principe, réservés à l’auteur, ce qui signifie que vous allez devoir lui demander une autorisation préalable. C’est-à-dire, avant de faire l’usage, vous devez aller voir l’auteur ou le titulaire des droits et lui demander une autorisation pour pouvoir utiliser sa création.

Ce principe n’a pas une valeur absolue parce que la loi a listé une série d’exceptions, qui sont des cas spécifiques dans lesquels on n’aura pas à demander une autorisation à l’auteur. Un de ces cas qui est listé dans la loi, qui est peut-être le plus connu, est celui de la citation. Pour faire une citation d’un texte, on n’a pas besoin de demander l’autorisation à l’auteur, ni de payer, parce qu’il y a une exception, spécialement formulée dans le Code, qui nous dispense de cette autorisation préalable. Nous verrons tout à l’heure quelles sont ces exceptions, quelle est leur portée.

Mais pour l’instant, si on reste dans le cas où une autorisation est nécessaire à demander à l’auteur ou au titulaire de droits, il va falloir qu’elle s’exprime par un contrat, qui est un acte juridique nécessairement écrit en droit français, qui va formaliser l’accord de l’auteur et le délimiter. Le contrat, c’est la manière dont les créateurs vont autoriser des intermédiaires à exploiter leurs œuvres et le public à les réutiliser. Et en droit français, ces contrats doivent être rédigés d’une manière précise pour qu’ils soient valables. On dit que le droit a établi un formalisme particulier des contrats d’auteurs. Le Code dit, notamment, que la transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue, sa destination, le lieu et la durée. Ça, ça signifie que quand vous faites un contrat d’auteur, il va falloir que vous listiez précisément tous les usages que vous voulez faire de l’œuvre, que vous vous fixiez un lieu d’exploitation et une durée d’exploitation. Les contrats qui seraient rédigés d’une manière trop floue, trop vague, sont considérés comme non valables, et l’auteur n’est pas lié par ce type d’engagement. C’est une mesure de protection des auteurs, qui évite qu’un intermédiaire leur demande une cession des droits en bloc et les dépossède, d’une certaine manière, de leurs droits d’auteur.

Dans les contrats, en fait, il y a deux catégories bien distinctes. Un intermédiaire, par exemple comme un éditeur, peut exiger une cession à titre exclusif des droits. Ça signifie que l’auteur lui consent un usage que lui seul pourra faire ensuite du droit d’exploitation. Ces cessions-là sont puissantes, on va dire. Elles organisent un transfert du droit de l’auteur à l’éditeur et, en général, en principe, elles sont réalisées à titre onéreux, c’est-à-dire en échange d’une rémunération et le Code nous dit que cette rémunération doit être, en principe aussi, proportionnelle au chiffre d’affaires réalisé par l’agent économique. Mais toutes les autorisations ne sont pas exclusives. Si vous avez besoin d’une autorisation, par exemple simplement pour afficher une photo sur un site internet, vous n’avez pas besoin de demander une exclusivité au photographe. Dans ces cas-là, on dit que le photographe concède une licence, simplement, et ces actes-là sont plus simples à formuler, ces contrats-là sont plus simples à exprimer.

Dans le Code de propriété intellectuelle, il y a un certain nombre de contrats, plus importants, qui bénéficient d’une définition et de tout un régime qui est établi. Si on prend un exemple : le contrat d’édition fait l’objet d’une partie dans le Code et il est relativement formalisé. C’est celui qui permet, notamment, l’édition des livres par les éditeurs. Dans ces cas-là, en fait, le contrat organise un équilibre entre l’auteur et l’éditeur. L’auteur consent à une cession du droit, notamment de reproduction, contre une rémunération, pour que l’éditeur puisse fabriquer des exemplaires de l’ouvrage. L’éditeur est tenu, par le contrat, de faire cette fabrication et il est tenu ensuite de publier le livre et de l’exploiter commercialement. Si l’une des deux parties ne satisfait pas à ces conditions, eh bien le contrat tombe et, notamment par exemple, si l’éditeur n’exploite pas effectivement le droit de reproduction, eh bien ce droit retourne à l’auteur.

Et en contrepartie, l’auteur va toucher une rémunération proportionnelle qui est établie, en fait, sur le chiffre d’affaires réalisé par l’éditeur. C’est lui qui prend le risque dans l’opération d’édition et, dans le droit français, la possibilité de payer un auteur au forfait est assez encadrée. Elle est limitée à certains cas précis, notamment, par exemple, des illustrations ou des traductions, mais en principe, un auteur doit être rémunéré de manière proportionnelle. C’est là aussi une manière de protéger l’auteur et de lui assurer d’avoir une rémunération au niveau de la popularité ou de la diffusion que l’œuvre aura atteintes. Un intermédiaire économique ne peut pas, en principe, payer une somme fixe à un auteur en échange de la cession des droits.

Le cas particulier des publications scientifiques

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Nous allons voir à présent le cas particulier des productions scientifiques et notamment des articles scientifiques produits par les chercheurs.

Dans ce domaine, on a vu précédemment que les chercheurs restent titulaires des droits sur leurs productions, y compris lorsqu’ils les produisent dans le cadre de leur mission de service public. Donc toutes les productions des chercheurs et des enseignants-chercheurs, qu’il s’agisse de cours, d’articles, d’ouvrages, de parties d’ouvrages ou de ressources pédagogiques, les droits restent aux chercheurs et ce sont qui décident de la diffusion et des conditions de la réutilisation de ce qu’ils produisent.

Dans le domaine particulier de la diffusion des résultats de la recherche, les chercheurs, en général, diffusent leurs productions par le biais d’éditeurs scientifiques, qui vont conclure avec eux des contrats, qui sont en réalité des contrats d’édition, notamment pour la diffusion des articles qui paraissent dans les revues scientifiques. Au moment de la conclusion de ce contrat d’édition, les chercheurs sont amenés à céder leurs productions, les droits sur leurs productions, au profit de l’éditeur et, en fonction de l’étendue de la cession, ils pourront effectuer certains usages ou, au contraire, se voir interdire d’exercer ces droits.

Dans le cas qui est relativement fréquent, l’éditeur va demander une cession exclusive pour l’ensemble des droits de reproduction et de représentation sur l’article. Si le chercheur accepte ce type de contrat, à ce moment-là ces droits-là sont transférés au profit de l’éditeur scientifique et le chercheur ne pourra plus utiliser lui-même son article, notamment pour le publier en dehors de la revue, sur un site personnel ou sur un site institutionnel. Cette situation a conduit, en fait, à ce que les éditeurs scientifiques concentrent une grande partie des droits sur la production des résultats de la recherche et les revendent sous forme d’abonnements aux universités qui sont amenées, en fait, à devoir racheter les droits d’accès à la production des chercheurs.

Cette situation a pu être contestée. Elle est génératrice, aussi, de très lourdes dépenses pour les universités, ce qui a amené, en réaction, à un mouvement du Libre Accès aux articles scientifiques, ou de l’Open Access, qui incite les chercheurs à poster sur Internet, en accès libre et gratuit, soit sur leur site personnel, soit sur des sites d’archives institutionnelles, leurs articles. Pour faire ça juridiquement, il faut que le chercheur, au moment où il conclut le contrat d’édition avec l’éditeur, prenne la précaution de ne pas céder l’intégralité de ses droits patrimoniaux, mais conserve suffisamment de droits pour pouvoir, lui-même, faire un auto-archivage ensuite sur Internet. Et pour ça, en fait, il faut négocier des clauses ou proposer des modèles de clauses, qui réservent au minimum au chercheur une possibilité de diffusion non commerciale de son propre article.

Au fil du temps, des éditeurs ont accepté une coexistence avec cette dynamique du Libre Accès ou de l’Open Access et permettent, notamment, l’auto-archivage de la version auteur, c’est-à-dire du manuscrit qui aura été soumis par l’auteur à l’éditeur, et qui va pouvoir être mis en ligne. En général, les éditeurs n’acceptent pas, par contre, la diffusion de la version de l’article incorporant leurs propres apports, c’est-à-dire notamment la mise en page, la pagination, la maquette de la revue qui là, va rester sous droits exclusifs.

Les éditeurs peuvent aussi fixer des durées, qu’on appelle d’embargo, qui vont constituer un certain laps de temps pendant lequel le chercheur ne devra pas diffuser en archive ouverte ou sur une archive institutionnelle son article, pour réserver une période d’exploitation commerciale exclusive à l’éditeur. Ces durées peuvent varier. Elles varient beaucoup selon les disciplines et selon les éditeurs, mais la loi française va changer et va uniformiser ces durées et va toujours permettre, dorénavant à l’auteur, de faire la diffusion en accès libre de son article, six mois après la publication dans la revue pour les sciences exactes et un an pour les sciences humaines et sociales. Dans ces conditions-là, l’auteur n’aura plus à négocier les contrats, c’est la loi qui lui donnera cette possibilité, en passant par-dessus les contrats d’édition qu’il pourrait signer.

La gestion du droit d'auteur et des droits voisins

Les droits voisins

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Nous allons à présent parler de la question des droits voisins. Jusqu’à présent nous avons passé en revue les différents éléments liés au droit d’auteur. Mais il y a d’autres types de droits qui peuvent bénéficier à des personnes qui ne sont pas auteurs au sens propre, mais qui participent à la création. On dit qu’elles sont des auxiliaires de la création et, au fil du temps, le législateur a considéré qu’il fallait aussi faire bénéficier à ces agents de droits pour leur accorder une meilleure protection. Ça s’est passé dans les années 80, en 1985 exactement en France, où la loi a donné une protection spécifique, par exemple aux interprètes. Les personnes qui sont chanteurs, acteurs ou musiciens, qui ne sont pas auteurs des œuvres qu’elles interprètent mais qui bénéficient, tout de même, d’une protection au titre de ce qu’on appelle un droit voisin du droit d’auteur, qui fonctionne d’une manière très similaire au droit d’auteur, au moins dans ses branches. C’est aussi un droit qui porte sur la reproduction et la représentation de l’œuvre.

Pour les interprètes type acteurs ou musiciens, il y a aussi une dimension du droit moral qui s’applique. Par contre, ce droit-là est différent dans sa durée : au lieu de durer 70 ans après la mort de l’interprète, il va durer 70 ans à partir du moment où l’interprétation sera réalisée. Donc si je prends le cas d’un chanteur, au moment où il effectue son interprétation, il bénéficie d’une protection de 70 ans, ce qui peut amener cette protection à s’éteindre, dans le cas d’une personne qui vit longtemps, du vivant du créateur lui-même, ce qui n’arrive jamais pour le droit d’auteur.

Ces droits qui bénéficient aux interprètes, ils ont aussi été étendus à d’autres d’agents, qui sont plus des agents économiques, qui sont notamment les producteurs. Donc les producteurs ce sont ceux qui prennent l’initiative et qui investissent pour fixer l’œuvre sur un support. À la base ça a été fait pour les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes, donc ceux qui faisaient des enregistrements de vinyles, de CD, de cassettes et, aujourd’hui, qui investissent pour la production des œuvres sous forme numérique. Ils bénéficient, eux aussi, d’un droit voisin qui là va durer 50 ans après la fixation de l’œuvre sur le support.

Les entreprises de communication audiovisuelle, donc les chaînes de télévision et les radios, ont aussi un droit voisin sur les émissions qu’elles diffusent.

Si on prend le cas d’une musique, par exemple, ça va aboutir à un schéma des différents types de droits qui vont bénéficier sur cette musique. Dans une musique, vous pouvez avoir des auteurs qui sont le compositeur de la mélodie, le parolier qui aura écrit les paroles, l’arrangeur. Eux ont la qualité d’auteur et ils bénéficient des droits que nous avons passés en revue et notamment des droits de reproduction, de représentation, 70 ans après leur mort.

On a ensuite les interprètes qui jouent la musique, donc les membres d’un groupe, par exemple, qui vont jouer la musique, eux ont un droit voisin d’interprète. Une personne peut être auteur-compositeur-interprète, c’est-à-dire cumuler à la fois la qualité d’auteur et d’interprète, elle bénéficiera alors des deux droits, droit d’auteur et droit voisin, qui peuvent aussi être séparés. Le producteur, lui, donc qui prend l’initiative de produire cette musique et de la diffuser, il a un droit voisin. Et on a un autre agent qui peut intervenir dans le cas de la musique, c’est ce qu’on appelle l’éditeur qui va gérer la partition. Les éditeurs de musique, eux, agissent comme des éditeurs de livres. Ils se font céder les droits par les auteurs et ils obtiennent le droit de reproduction, notamment pour diffuser la partition de la musique.

Ensuite, si on prend maintenant le cas d’une œuvre audiovisuelle, on va dire un film, un reportage, on a un schéma qui est relativement similaire. Vous avez des auteurs et la loi liste des personnes qui peuvent avoir la qualité d’auteur d’une œuvre audiovisuelle – ça va être, par exemple, le scénariste, le dialoguiste, le réalisateur et le compositeur de la musique – eux, ils sont auteurs au sens propre et ils ont donc ce droit de reproduction, de représentation, 70 ans après leur mort. Il y a toute une catégorie d’interprètes qui sont notamment les comédiens, les acteurs, mais aussi les danseurs, chanteurs, musiciens, qui pourraient intervenir dans le film. Le producteur, c’est celui qui prend à sa charge de réaliser cette œuvre audiovisuelle et qui investit pour qu’elle soit possible, eh bien il a un droit voisin, et toute la musique du film, en fait, est gérée avec un système aussi de droits d’auteur et de droits voisins qui se superposent à l’ensemble.

Donc vous voyez qu’on peut aboutir à un schéma qui est beaucoup plus complexe que celui d’un simple auteur de roman qui va être seul pour créer son œuvre. Dans le cas de la musique et des films, on est dans le cas d’œuvres de collaboration qui font intervenir plusieurs types d’acteurs, et ça entraîne une superposition des droits à plusieurs niveaux qui, ensuite, va nécessiter des mécanismes pour pouvoir gérer ces droits et notamment gérer l’exploitation dans les différentes filières de diffusion.

La gestion collective des droits

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Nous allons à présent voir les mécanismes de gestion collective des droits.

Jusqu’à présent, on s’est surtout placés dans l’hypothèse où un créateur individuel, seul, avait créé une œuvre et où des utilisateurs allaient lui demander l’autorisation pour pouvoir l’utiliser.

En fait, très rapidement, ce mécanisme de gestion individuelle des droits a montré ses limites. Parce qu’un auteur qui acquiert une certaine notoriété, s’il devait entièrement gérer ses droits à titre individuel, serait sans cesse, en fait, sollicité et cette gestion, à son niveau, deviendrait bien trop complexe et bien trop chronophage. Ce qui fait que les auteurs ont rapidement éprouvé le besoin de se regrouper en sociétés pour développer ce qu’on appelle la gestion collective des droits. Cette gestion collective est ancienne : la première société qui s’est créée l’a été dans le courant du 19e siècle, s’appelle la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, qui s’est rassemblée autour de Beaumarchais pour gérer les droits des auteurs, notamment dans le théâtre. Par la suite d’autres sociétés sont nées, comme la SACEM, Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique, qui gère les droits des auteurs dans le secteur de la musique.

En France, actuellement, on a un ensemble de 27 sociétés de gestion collective qui interviennent pour faciliter, en fait, la gestion des droits dans les différentes branches. Le principe, dans ces cas-là, c’est que les auteurs conservent leur droit moral, on a vu qu’il était inaliénable, donc ils gardent l’exercice du droit moral, mais ils vont adhérer à ces sociétés et leur donner un mandat pour qu’elles puissent exercer, à leur place, les droits d’exploitation. Et ces sociétés mettent en place des tarifs et des barèmes qui leur permettent d’accorder des autorisations, de percevoir des redevances et, ensuite, de les repartir selon leurs différents membres, pour leur assurer une rémunération. Ces sociétés sont établies par la loi, ce sont des sociétés privées, mais elles reçoivent un agrément ministériel pour devenir sociétés de perception et de répartition des droits, et elles sont soumises à un certain nombre de contrôles sur leur gestion pour vérifier leur bon fonctionnement.

Le schéma est relativement complexe. Néanmoins, en France, on a vu qu’il y avait 27 sociétés de gestion. Les auteurs ne sont pas les seuls à s’être rassemblés en sociétés de gestion collective. On a aussi, par exemple, les interprètes qui le sont ; les producteurs aussi, dans une certaine mesure, se sont rassemblés en sociétés et, selon les domaines, la gestion collective est plus ou moins développée. Elle l’est beaucoup dans le domaine de la musique. Elle peut l’être aussi beaucoup dans le domaine de l’audiovisuel ; par contre, elle l’est beaucoup moins dans le domaine, notamment des œuvres écrites, où la gestion individuelle reste la plus développée.

Articulée à ce système de gestion collective, la loi est parfois intervenue pour simplifier les usages et, notamment, mettre en place ce qu’on appelle des mécanismes de licences légales ou de gestion collective obligatoire.

Première à être instaurée, c’est une licence légale pour la diffusion publique de musique enregistrée. C’est un mécanisme qui est né avec les évolutions technologiques, notamment la radio. Si les chaînes de radio étaient obligées de demander une autorisation ponctuelle chaque fois qu’elles veulent diffuser un morceau, le système serait beaucoup trop complexe. Donc le législateur est intervenu pour donner une autorisation générale de diffusion publique de la musique enregistrée, notamment au titre des droits voisins des producteurs et des interprètes. Et elle a institué une société de gestion collective, qui est la SACEM, qui s’assure de percevoir toutes les redevances versées par les chaînes de radio et les reverse aux différents acteurs : les auteurs, les producteurs et les interprètes. Du coup, les radios n’ont plus à demander d’autorisations ponctuelles. Elles tiennent simplement une liste de ce qui est diffusé et les droits sont ensuite répartis en fonction des diffusions.

C’est aussi cette licence légale qui permet de sonoriser les espaces : quand vous voulez diffuser de la musique dans un magasin ou dans un espace public, comme une bibliothèque par exemple, vous pouvez obtenir des licences auprès de la SACEM qui, ensuite, répartit les droits.

Ce mécanisme a aussi été appliqué pour certains actes de reproduction. C’est notamment ce qui permet de faire fonctionner ce qu’on appelle la reprographie, les photocopieurs. Là aussi, la loi a considéré que c’était trop complexe de maintenir l’autorisation préalable chaque fois qu’on réalisait une photocopie. Donc elle a mis en place un système dit de gestion collective obligatoire, et on a un organisme qui est le Centre français d’exploitation du droit de copie, CFC, qui exerce le droit sur la reprographie. Toute personne qui veut mettre à disposition des photocopieurs va devoir conclure une licence, un contrat, avec le CFC, qui va percevoir des sommes en fonction de son volume d’activité ou de la population desservie, et qui va reverser aux auteurs et aux éditeurs.

Il y a une dernière licence légale qui est importante et qui a été votée dans les années 2000, c’est celle qui permet d’organiser le prêt en bibliothèque. Là aussi, il paraîtrait complexe qu’on demande l’autorisation à chaque auteur et à chaque éditeur pour que les bibliothèques puissent prêter des livres. C’est la loi qui s’est substituée dans ce cas-là. Les auteurs et les éditeurs ont perdu le droit d’autoriser ou d’interdire le prêt en bibliothèque, c’est la loi qui donne l’autorisation et, en contrepartie, il y a un droit de prêt qui est versé par l’État et par les collectivités locales, qui est collecté par une société qui s’appelle la SOFIA, qui reverse aux auteurs et aux éditeurs.

Ces mécanismes-là sont importants. Ils aboutissent, parfois, à faire perdre aux auteurs l’exercice de leurs droits, la faculté d’autoriser/interdire, mais ils leur assurent aussi des rémunérations complémentaires.

Limitations et exceptions au droit d'auteur

La durée du droit d'auteur et le domaine public

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Nous allons voir à présent la question de la durée du droit d’auteur et ce qu’est le domaine public.

Le droit d’auteur, on l’a dit tout à l’heure, est une forme de propriété, mais c’est une propriété particulière, à la différence de la propriété que l’on peut avoir sur des objets physiques, parce qu’elle est limitée dans le temps. En principe, en France, le droit d’auteur dure 70 ans après la mort du créateur. Si on prend un exemple : un auteur qui crée une œuvre et qui meurt en 1950, son œuvre va rentrer dans le domaine public au 1er janvier 2021 ; il faut prendre en compte l’intégralité de la dernière année de protection et au 1er janvier 2021, les droits patrimoniaux sur l’œuvre vont s’éteindre et tout un chacun sera libre de reproduire, de diffuser, d’adapter cette œuvre, sans autorisation à demander et sans rémunération à verser. On dit que l’œuvre, donc, est dans le domaine public. Le domaine public est constitué par deux éléments. Comme on l’a vu tout à l’heure, les éléments qui ne sont jamais protégés par le droit d’auteur comme les idées, les faits bruts, sont dans le domaine public, ils sont toujours réutilisables. Et les œuvres, à l’issue de la durée du droit d’auteur, entrent dans le domaine public et deviennent librement réutilisables.

C’est un mécanisme d’équilibre qui a été mis en place par la loi, qui crée un cycle de la création. Les auteurs reçoivent le bénéfice d’une protection pour avoir créé des œuvres et pour leur assurer une rémunération et, au terme de la durée de protection, les œuvres retournent dans le domaine public. Elles deviennent librement réutilisables pour permettre d’alimenter de nouvelles créations et de boucler le cycle.

Le droit d’auteur a, à la base, duré, quand il a été créé à la Révolution française, 10 ans après la mort de créateur et cette durée de protection a été progressivement rallongée au fil du temps. À la fin du 19e siècle, elle a été portée à 50 ans après la mort du créateur et dans les années 90, du fait d’une évolution au niveau de l’Union européenne, une nouvelle directive a allongé les droits de 50 à 70 ans après la mort du créateur. Cette durée peut varier dans le monde : il y a des pays qui ont des durées de protection moins longues, par exemple le Canada ou le Japon protègent les œuvres seulement 50 ans après la mort du créateur. Et elle peut être aussi plus longue : le Mexique a une durée de protection de 100 ans après la mort du créateur.

Il faut faire attention, lorsqu’on calcule la durée des droits, et rester vigilant car dans la loi française il y a un certain nombre d’exceptions qui peuvent être assez complexes à manier. Une, par exemple, bénéfice aux « Morts pour la France ». Des auteurs qui auraient été tués lors de conflits et qui auraient été déclarés « Morts pour la France », bénéficient d’une durée de protection supplémentaire de 30 ans. C’est le cas, par exemple, d’Antoine de Saint-Exupéry, mort en 1944, mais les droits surLe Petit Prince ont été allongés de 30 ans, du fait de sa disparition en mission lors de la Seconde guerre mondiale. On a aussi des régimes particuliers, dits de prorogation de guerre, qui restent applicables uniquement dans le domaine de la musique et qui rallongent la durée de protection des œuvres de la durée des conflits mondiaux [Prorogations établies par la loi, NdT]. On peut penser, par exemple, au Boléro de Ravel qui est entré dans le domaine public au 1er mai 2016, alors que Ravel était mort en 1937, et qui a bénéficié d’une extension de droits de 8 ans et 120 jours, qui est la durée de la Seconde guerre mondiale [Prorogations accordée à la suite de la Seconde Guerre mondiale - Article L 123-9 : temps égal à celui qui s'est écoulé entre le 3 septembre 1939 et le 1er janvier 1948, NdT].

Quand l’œuvre est dans le domaine public, le droit donne une capacité de réutilisation qui est importante. L’œuvre peut être traduite, elle peut être adaptée, elle peut faire l’objet de films, elle peut faire l’objet d’un jeu vidéo. Il y a tout un ensemble d’usages qui restent ouverts mais, avec la limite toutefois, que le droit moral, en droit français, reste applicable et ne s’éteint pas. Les juges ont néanmoins tendance à considérer qu’il faut réellement qu’il y a ait une dénaturation de l’œuvre pour qu’on puisse opposer le droit moral à une réutilisation d’une œuvre du domaine public. Le cas qu’on cite fréquemment, c’est une affaire qui a opposé les descendants de Victor Hugo à un romancier qui a voulu faire la suite des Misérables. Les descendants considéraient que Victor Hugo n’aurait pas souhaité qu’il y ait une suite à cette œuvre, mais les juges les ont finalement déboutés, parce qu’il n’y avait pas de volonté exprimée par Victor Hugo, réellement trouvable, qui permettait de s’en assurer. Donc du coup, la possibilité de réutilisation que donne le domaine public est relativement large.

Les exceptions au droit d'auteur

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Nous allons voir à présent la question des exceptions au droit d’auteur.

Nous avons vu que le droit d’auteur était un droit exclusif qui bénéficie à l’auteur ou à son titulaire, qui nécessite, normalement, que l’on demande une autorisation préalable chaque fois que l’on veut faire un usage de l’œuvre. C’est le principe général, mais la loi a listé un certain nombre de cas où, au nom de l’intérêt général ou pour protéger d’autres droits, eh bien l’autorisation préalable ne sera plus requise. Ces cas sont spécialement délimités dans la loi française et ils couvrent des actes qui peuvent être relativement importants. On a, dans cette liste, par exemple les analyses et les courtes citations, les copies privées, les représentations privées et gratuites effectuées dans le cadre du cercle de famille, les parodies, pastiches et caricatures ou les revues de presse. Tout ça, ce sont les exceptions, je dirais classiques, qui existent dans le Code depuis les années 50 et qui sont, aujourd’hui, toujours applicables. Il y en a d’autres qui figurent dans le Code de propriété intellectuelle et, depuis les années 2000, des exceptions sont ajoutées, notamment pour les usages dans l’environnement numérique.

Si on s’attarde sur les principales exceptions qui figurent dans cette liste, on trouve, en premier lieu, la représentation privée et gratuite effectuée exclusivement dans un cercle de famille. C’est une exception qui va permettre de diffuser une œuvre dans le cadre de son domicile, que l’on aura achetée au préalable. C’est ce qui nous permet d’écouter de la musique chez nous ou d’inviter des amis à regarder un film qui passerait à la télévision ou qu’on aurait acheté en DVD. C’est parce qu’il y a une exception que l’on peut effectuer ce type d’acte qui, sinon, serait couvert par le droit de représentation qui figure dans le Code. Sachant que les juges ont une conception relativement limitée de ce qu’est le cercle de famille : ce ne sont pas seulement les proches ; ça peut comporter des amis, mais il faut qu’il y ait un lien d’intimité réelle entre les personnes pour qu’on puisse bénéficier de la représentation privée. Et notamment, dès qu’on passe dans un cadre associatif ou dans un cadre public, comme celui d’une université par exemple, on n’est plus dans la représentation privée, on est dans une représentation publique, une communication au public, et là, ces formes de diffusion vont être soumises au droit d’auteur et à l’autorisation préalable.

La deuxième exception qu’on trouve dans le Code, c’est celle de copie privée. Il est admis qu’on peut faire des copies ou des reproductions d’une œuvre lorsqu’elles sont strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective. C’est cette disposition qui nous permet de faire des copies de sauvegarde, par exemple d’un support type DVD ou CD que l’on aurait acheté. C’est pour cela qu’il faut bien respecter un certain nombre de conditions. C’est bien un usage privé pour le copiste, celui qui a réalisé la reproduction : on ne peut pas transmettre la copie à un tiers, y compris si c’est dans un cadre purement non commercial et il faut, en plus de cela, utiliser son propre matériel de copie pour faire la reproduction. Lorsque vous utilisez, par exemple, une photocopieuse, même si vous conservez les photocopies uniquement à votre usage personnel, vous n’êtes plus, déjà, dans la copie privée, parce que le photocopieur vous aura été mis à disposition par une entreprise, par une administration, et donc il faudra, dans ce cas-là, que ces agents aient réglé les questions de droits d’auteur. Il y a un régime spécial qui s’applique à ce type de reproduction.

Dans les exceptions, on trouve aussi un mécanisme important qui est celui des courtes citations. Le Code permet que l’on fasse des analyses et des courtes citations, mais il rajoute des conditions : il faut qu’elles soient justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées. La courte citation va vous permettre de réutiliser des petites portions d’une œuvre, sachant que la loi ne nous dit pas exactement ce qui est court. C’est une question de proportion qui se mesure avec deux critères : il faut qu’elle soit courte par rapport à l’œuvre à laquelle vous empruntez — quelques lignes d’un roman sera considéré comme court ; quelques lignes d’un poème, par exemple, pourrait, déjà, ne plus être court. Et il faut aussi que vous réutilisiez la citation dans votre propre création et que dans cette création-là, la proportion de citation ne soit pas trop importante. Un livre qui serait constitué à 80 % de citations, par exemple, ne satisferait plus les critères de la courte citation.

Une chose importante également, c’est que la courte citation a surtout été mise en place, à l’époque, pour les emprunts de textes et elle est assez mal adaptée, en droit français, aux autres types de médias. Par exemple, la Cour de cassation n’admet pas la citation graphique : on ne peut pas citer des images en droit français. Donc chaque fois que vous réutilisez une image, même en petit format, même seulement une partie d’image, vous ne pouvez pas bénéficier, en France, de la courte citation, de l’exception de citation et donc, du coup, vous êtes soumis à l’autorisation préalable.

C’est pareil pour la musique : les juges n’admettent pas la citation de musique ou, plus exactement, dès qu’on peut reconnaître le morceau original, ils considèrent que même un court extrait n’est pas une citation. Et donc du coup, pour tous les usages type affichage d’extraits, mais également les samples qu’on trouve dans certains types de musique, ça ne peut pas être légal du point de vue de la courte citation. Et on a la même chose du point de vue des œuvres audiovisuelles : réutiliser des extraits de séquences de films ou de documentaires, ce n’est pas couvert par la courte citation, qui reste très largement applicable uniquement aux textes.

La dernière exception sur laquelle on peut s’attarder ce sont les parodies. Il y a une exception dans le Code pour les parodies, pastiches et caricatures, compte tenu des lois du genre. C’est un mécanisme important pour la liberté d’expression : si, pour critiquer une œuvre ou s’en moquer, il fallait demander l’autorisation préalable à l’auteur, cela limiterait fortement la liberté d’expression. Donc le Code, là, a permis que l’on puisse parodier une œuvre sans avoir à demander d’autorisation. Il y a des limites : il faut rester dans une intention humoristique. On doit être dans cette logique-là pour pouvoir bénéficier de la parodie et il ne faut pas qu’il y ait de risque de confusion avec l’œuvre originale.

Un point important, c’est que les exceptions permettent de se dispenser de la demande d’autorisation, mais elles ne sont pas toutes gratuites. Par exemple la copie privée fait l’objet d’une rémunération pour compenser le manque à gagner pour les auteurs et les titulaires de droits. On s’acquitte de cette rémunération par une redevance qui est perçue sur la vente de supports vierges : quand on achète un CD vierge, par exemple, eh bien il y a une partie du prix de vente qui sert à la rémunération de la copie privée.

Il y a des exceptions, par contre, qui sont gratuites. Par exemple la courte citation est gratuite, y compris d’ailleurs si vous faites un usage commercial. Si vous faites une citation que vous incorporez dans un livre que vous allez ensuite vendre, vous pouvez le faire sans avoir à payer. Et la parodie, par exemple aussi, peut s’exercer dans un cadre commercial : si vous faites une parodie d’une œuvre connue et qu’ensuite vous voulez la commercialiser, vous pouvez le faire sans avoir à verser de rémunération à l’auteur.

L'exception pédagogique et de recherche

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Nous allons à présent voir l’exception pédagogique et de recherche, telle qu’elle a été introduite dans la loi à partir de 2006. Plus exactement c’est une exception, une nouvelle exception, qui permet d’utiliser des extraits d’œuvres à des fins d’illustration de la recherche et de l’enseignement. Il existe déjà une exception pour la courte citation, mais ici le législateur a considéré qu’il était important de permettre d’utiliser des portions d’œuvres plus larges que de simples citations, notamment dans un contexte pédagogique, et de pouvoir le faire sous forme numérique. Donc la loi a mis en place sept nouvelles exceptions, ce qui va permettre ces usages sans demander d’autorisation aux titulaires de droits, notamment aux auteurs et aux éditeurs. Néanmoins, ce n’est pas une exception gratuite, elle fait l’objet d’une compensation financière et les ministères concernés, notamment le ministère de l’enseignement et le ministère de la recherche, versent des rémunérations à des sociétés de gestion collective qui les répartissent, ensuite, à leurs membres.

Pour savoir exactement ce qu’il est possible de faire dans le cadre de l’exception pédagogique, des accords, aussi, ont été passés, des accords sectoriels dans les différents domaines, dans la musique, dans l’écrit, dans l’image, entre les ministères et les titulaires de droits, les sociétés de gestion collective, qui détaillent les usages possibles au titre de l’exception.

Alors qu’est-ce qu’on peut faire exactement ? On va pouvoir utiliser des œuvres en classe, dans le cadre du cours. Ça peut être des textes, de la musique, des films, et les proportions vont varier selon les types d’œuvres. Pour ce qui est du texte, de l’image ou de la musique, les œuvres peuvent être diffusées en intégralité. Pour ce qui est des vidéos, on ne va pouvoir utiliser que 6 minutes d’un film, par exemple. La diffusion intégrale ne sera possible que si on aura fait des captations d’émissions de télévision diffusées sur des chaînes non payantes. Dans ce cas-là, pour un reportage, par exemple, qui aura été enregistré après une diffusion à la télévision, eh bien on pourra utiliser l’œuvre en entier.

On peut ensuite effectuer des numérisations d’œuvres, pour incorporer ces extraits dans des supports pédagogiques ou des travaux d’élèves et d’étudiants. Ça, ça va permettre de, par exemple, donner à faire à des élèves ou à des étudiants des travaux dans le cadre de l’enseignement ou de la recherche et, de leur côté, ils pourront numériser des œuvres et les incorporer. Sachant que, là aussi, il y a des proportions à respecter : on ne peut pas utiliser les œuvres en intégralité, en principe, il faut rester dans la logique de l’extrait et, selon les types d’œuvres les proportions admises varient. Pour de la musique, on va être dans des extraits de 30 secondes. Pour des œuvres audiovisuelles, on sera dans des extraits de 6 minutes, et pour le texte, les accords parlent de l’usage de proportions raisonnables en fonction du but visé. Donc on déduit que ce n’est pas l’œuvre en entier, et qu’il faut rester dans certaines limites pouvant être admises.

Une fois qu’on aura numérisé ces œuvres et qu’on les aura intégrées à des supports, on pourra les diffuser dans le cadre de la classe. On pourra les diffuser dans un ENT [Espace numérique de travail, NdT] ou un intranet, mais on ne peut pas les mettre en ligne. C’est la limite de l’exception pédagogique en France actuellement : elle ne permet pas, normalement, la diffusion de ces extraits sur Internet.

L’exception permet aussi d’utiliser des extraits dans des colloques, séminaires et conférences. L’intervenant peut utiliser un support, notamment, qui incorporera des images. Il pourra le faire sur la base de l’exception. Il peut aussi diffuser de la musique ou de la vidéo et, si jamais il fait l’objet d’une captation, la captation pourra, elle aussi, être diffusée et là, pour le coup, elle peut être diffusée sur Internet, les acteurs sectoriels le précisent.

On peut aussi utiliser des extraits d’œuvres pour réaliser des sujets d’examens et, là aussi, des accords sectoriels précisent que les sujets peuvent ensuite être mis en ligne, par exception à la restriction qui est posée par ailleurs.

En ce qui concerne les images, normalement l’exception est limitée à l’utilisation d’extraits, mais, là aussi, les sociétés de gestion collective ont fini par admettre qu’on puise utiliser des images en entier, parce la notion d’extrait n’a pas tellement de sens lié à l’image et il est admis qu’on puisse utiliser des images dans un cadre pédagogique. Par contre, il y a aussi une proportion à respecter : pour les travaux pédagogiques et les supports, c’est 20 par support et cette restriction s’applique aussi pour les thèses. Quand on réalise une thèse, on a le droit d’utiliser 20 images dans le cadre de la thèse sans avoir à demander l’autorisation et il est admis aussi que la thèse puisse ensuite être mise en ligne, en comportant ces images.

Environnement numérique et droit d'auteur

L'adaptation du droit d'auteur à l'environnement numérique

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Nous allons, à présent, voir la question de l’adaptation du droit d’auteur à l’environnement numérique.

Quand les questions numériques sont apparues, il y a eu un moment de flottement où les juristes se sont demandé dans quelle mesure les grandes notions du droit d’auteur étaient applicables à l’environnement numérique. Notamment, on pouvait se demander si la diffusion des copies numériques constituait bien une forme de reproduction, dans la mesure où la copie, la reproduction, est définie par la loi comme la fixation de l’œuvre sur un support et où les copies numériques constituent plutôt une dématérialisation. Donc il y avait une question qui se posait pour savoir si la copie numérique était bien une forme de reproduction au sens juridique.

De la même manière, est-ce que la diffusion d’une œuvre sur Internet était vraiment assimilable à une représentation au sens classique, c’est-à-dire à une communication au public, dans la mesure où, par exemple, quand nous sommes derrière notre ordinateur, nous sommes seuls ? Est-ce que ça constitue véritablement un public comme l’est la diffusion dans un théâtre ?

Donc il y a eu un moment de flottement, mais rapidement, dans les années 90, les juges ont eu à connaître des premières affaires, notamment soit de diffusion d’œuvres sur des sites internet, sans autorisation par l’auteur, soit de téléchargements d’œuvres. Et, au fil de la jurisprudence, ils ont établi que télécharger une œuvre, par exemple, correspond bien à une forme de reproduction, et que la diffusion sur Internet est bien une forme de représentation. À partir du moment où ils ont, je dirais, transposé ces notions dans l’environnement numérique, on s’est retrouvé, en fait, avec une application très large du droit d’auteur sur Internet et en fait, le Code de propriété intellectuelle, contrairement à une opinion souvent assez répandue, est tout à fait valable sur Internet. Ce n’est pas parce qu’un auteur choisit de diffuser son œuvre sur un site internet qu’il abandonne, ipso facto, ses droits. Les droits sont maintenus et les usages numériques sont, en général, compris par le droit d’auteur et obéissent à la règle de l’usage exclusif.

Cependant, une des particularités d’Internet, c’est de permettre la reproduction et la diffusion à une échelle extrêmement large, à un coût nul, ce qui fait que le droit d’auteur sur Internet, en général, est beaucoup moins effectif, est beaucoup plus difficile à contrôler que ne le sont les usages dans l’environnement analogique. Du coup le droit a essayé de réagir à cette situation en modifiant ses règles et notamment pour répondre à la problématique de ce qu’on appelle le piratage, c’est-à-dire la diffusion non autorisée des œuvres sur Internet, qui a fait l’objet de beaucoup de tentatives d’adaptations législatives, pour essayer de juguler un problème qui est souvent considéré par les titulaires de droits comme une source de pertes pour eux et de difficultés pour le maintien de leurs activités.

En réalité, cette problématique existe depuis le milieu des années 90. En 1996, il y a un premier traité international qui a été pris dans le cadre de l’OMPI, qui est l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, qui, pour la première fois, a essayé d’adapter les règles du droit d’auteur à l’environnement numérique. Ça s’est traduit ensuite, en 2001, par une directive européenne qui s’appelle DADVSI – droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information – que la France a transposée en 2006, cinq ans plus tard.

La logique de ces textes, elle est à deux versants. Il y a un volet, on va dire, de protection du droit d’auteur et un volet sur les nouveaux usages numériques.

Du côté de la protection, la loi DADVSI, en 2006, a introduit une notion très importante qui est celle de DRM ou mesures techniques de protection. C’est l’idée que, pour contrôler les copies non autorisées, on allait permettre aux titulaires de droits d’implanter dans les fichiers des mécanismes de verrous ou de contrôle, automatisés, qui soit allaient interdire la copie, soit allaient la conditionner en la limitant par exemple au fait de taper un code ou un mot de passe ou de limiter le nombre de copies d’un fichier possibles. Ces mécanismes-là, maintenant, sont reconnus dans la loi, ils sont consacrés et il y a un nouveau délit qui est apparu qui est celui de contourner les mesures techniques de protection, de les faire sauter. Si vous faites ça, en plus de faire un acte de contrefaçon qui déjà est le premier délit pour la réutilisation de l’œuvre, vous en ferez un second qui sera celui de contourner les mesures techniques de protection. C’est une des premières tentatives de la loi de s’adapter à l’environnement numérique.

En plus de ça, on a vu apparaître d’autres solutions, plus tard, notamment à partir de 2008/2009, avec la loi dite HADOPI et son mécanisme de riposte graduée qui là, en fait, instaure une nouvelle autorité administrative indépendante, la HADOPI, qui dispose d’un mandat pour, en fait, soumettre les échanges sur Internet à un contrôle et notamment intervenir en cas de téléchargement illégal de l’œuvre, en envoyant des avertissements aux utilisateurs, avec une logique en trois étapes. À l’origine, dans le texte de loi, il était prévu que la HADOPI puisse couper l’accès à Internet des utilisateurs et, au fil de l’évolution, cette disposition a été supprimée et elle s’est transformée en la possibilité d’infliger une amende à celui qui télécharge illégalement, et cette amende doit être prononcée par un juge. Donc ça c’est sur le volet, on va dire, répressif.

Sur le volet des usages, la loi a essayé de s’adapter aussi, en consacrant de nouveaux types d’usages, notamment par le biais de nouvelles exceptions au droit d’auteur. Et, à partir de 2006, la loi a introduit plusieurs nouvelles exceptions notamment, par exemple, une exception pour les usages pédagogiques sous forme numérique. Une exception aussi, pour permettre aux établissements comme les bibliothèques, musées, archives, de numériser leurs collections pour des raisons de conservation et pour leur permettre de les diffuser, non pas sur Internet, mais dans leurs emprises. La loi aussi a introduit une exception en faveur des handicapés pour leur permettre, notamment les handicapés visuels, d’obtenir des œuvres adaptées sous forme numérique, en passant par des établissements agréés et notamment la Bibliothèque nationale de France.

L'application du droit d'auteur sur Internet

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Nous allons voir à présent comment le droit d’auteur s’applique sur Internet, en passant plusieurs cas de figure en revue.

Le droit d’auteur, comme on l’a vu, s’applique sur Internet où on a des actes de reproduction et de représentation qui sont très fréquents. En fait, on peut dire que tout acte d’affichage d’un contenu par le biais d’un écran implique nécessairement une reproduction et une représentation, ce qui fait dire qu’Internet est la plus grande machine à copier de l’histoire. Et comme le droit d’auteur se déclenche lorsqu’un acte de reproduction est effectué, ça a énormément étendu son champ d’application. Pour prendre une analogie, quand vous donniez auparavant un livre à un ami, vous pouviez faire cette transmission du support sans que le droit d’auteur n’intervienne à aucun moment, cet acte est complètement libre. Si vous faites la même chose par le biais numérique, si vous transmettez le fichier, cela va impliquer nécessairement une copie sur la machine de l’ami auquel vous allez transmettre l’œuvre et donc, du coup, l’application du droit d’auteur va se déclencher. Et on a une différence, là nette, entre l’environnement analogique et ce qui se passe dans l’environnement numérique.

Quand vous êtes face à des objets en ligne, le droit d’auteur doit souvent être pris en compte. Sur un site internet, la plupart des pages seront considérées comme des œuvres protégées. Les images qui circulent sur Internet, y compris d’ailleurs sur des moteurs de recherche type Google Images, par défaut, sont protégées. C’est la même chose pour les articles de presse en ligne. Tous ces contenus bénéficient de la protection du droit d’auteur, ce qui signifie que, même si leur copie est extrêmement simple à partir des outils techniques dont nous disposons, le principe de l’autorisation préalable demeure. Sachant aussi que, comme on l’a vu également, il n’y a pas de formalités de dépôt à effectuer pour pouvoir bénéficier de la protection du droit d’auteur, et tous les contenus que nous produisons et que nous diffusons en ligne sont automatiquement protégés, même lorsqu’ils ne comportent pas de mention associée.

Un autre environnement dans lequel les droits d’auteur s’appliquent, c’est celui des réseaux sociaux. Contrairement à une idée assez répandue, une photo qu’on trouverait sur Twitter ou Facebook continue à être protégée par le droit d’auteur et notamment la réutilisation à l’extérieur de la plate-forme de ces contenus, reste soumise, à priori, au droit d’auteur.

Un aspect important pour les réseaux sociaux, il faut savoir aussi que lorsqu’on poste nous-mêmes des contenus personnels que nous aurions produits sur ces plates-formes, à l’inscription, on accepte des conditions d’utilisation, on appelle ça des CGU – conditions générales d’utilisation – qui comportent, en fait, des clauses d’autorisation ou de cession des droits au bénéfice de la plate-forme – Twitter ou Facebook – qui leur permet un ensemble d’usages qui peuvent être très étendus, notamment dans une plate-forme comme Facebook. Ces CGU comportent des droits d’usage, y compris à des fins commerciales, ce qui fait que les utilisateurs, d’une certaine manière, consentent des droits d’exploitation aux plates-formes qu’ils utilisent, simplement en acceptant les conditions d’utilisation à l’inscription.

Un élément aussi à saisir pour les plates-formes en ligne, notamment les plates-formes qui accueillent du contenu produit par les utilisateurs — on peut penser à des sites comme Flickr, comme YouTube, ou tous les types de réseaux sociaux — ces plates-formes bénéficient d’une responsabilité aménagée pour leur permettre d’avoir leurs activités. Sur Internet, la loi fait une distinction entre deux types d’acteurs : ceux qui vont avoir la qualité d’éditeurs de contenus et ceux qui seront seulement hébergeurs de contenus.

Vous êtes éditeur de contenus quand vous publiez sciemment un contenu sur Internet en l’ayant produit ou en ayant accepté cette publication, en ayant fait une démarche volontaire pour que le contenu aille en ligne. Si vous êtes dans ce cas de figure, vous êtes directement responsable de ce que vous publiez et, à ce moment-là, si vous violez le droit d’auteur, vous allez pouvoir être directement attaqué pour contrefaçon, c’est-à-dire violation du droit d’auteur.

Mais on a tout un ensemble d’acteurs qui ne sont pas dans ce cas de figure et qui reçoivent un contenu qui est produit par leurs utilisateurs, sans que la mise en ligne implique une validation, une publication par la plate-forme. C’est le cas, par exemple, quand vous êtes sur YouTube : une personne poste la vidéo à partir de son compte. YouTube n’exerce pas de validation et laisse simplement venir le contenu, qui est déposé dans son espace. Dans ce cas-là, la loi considère que cet intermédiaire-là est seulement hébergeur et il n’est pas frontalement responsable. Il ne le devient que si un titulaire de droits lui signale la présence d’un contenu illégal en ligne et, à ce moment-là, l’hébergeur, c’est-à-dire l’intermédiaire, doit faire preuve de diligence, c’est-à-dire qu’il doit agir rapidement pour retirer le contenu et, à ce moment-là, s’il fait ça, sa responsabilité ne pourra pas être engagée.

C’est cette distinction entre les éditeurs et les hébergeurs, qui est importante à connaître, qui a permis, en fait, à ces grandes plates-formes de pouvoir se constituer et exister. Et si elles étaient frontalement responsables, elles ne pourraient tout simplement pas gérer les contenus. Cette distinction est souvent aussi remise en cause par les titulaires de droits, qui estiment qu’elle est devenue actuellement dépassée, ou qu’elle favorise trop largement la circulation illégale de contenus et il se pourrait qu’elle fasse l’objet d’une réforme dans les années à venir.

Un autre élément important du fonctionnement du Web, c’est celui des liens hypertextes. Pendant un moment, le statut du lien hypertexte est resté relativement flou vis-à-vis du droit d’auteur. Notamment, la question qui se posait, était de savoir si faire un lien hypertexte dans un contenu c’était une forme de communication au public ou de mise à disposition de l’œuvre. Ce qui, si on avait répondu par l’affirmative, aurait entraîné l’application du principe de l’autorisation préalable et donc la nécessité de demander au titulaire de droits une autorisation pour faire des liens hypertextes. La jurisprudence a flotté pendant plusieurs années sur ces questions jusqu’à ce que, au niveau européen, la Cour de justice de l’Union européenne établisse qu’un lien hypertexte n’est pas une communication au public, du moins quand l’œuvre a déjà été mise en ligne en un point du Web, par ailleurs. Donc du coup, actuellement, faire un lien vers un contenu en ligne ne nécessite pas de demander d’autorisation et ne peut pas être soumis au contrôle des titulaires de droits. Cette règle est en discussion dans certains pays, notamment en Allemagne ou en Espagne : on a vu apparaître des formes de droits sur les liens hypertextes, notamment pour l’indexation des contenus de presse par les moteurs de recherche, qui font l’objet d’un droit spécifique. Mais pour l’instant, en France, nous n’avons pas ce type de mécanisme et l’établissement de liens hypertextes reste libre, que ce soit, d’ailleurs, au niveau de la page d’accueil des sites internet ou dans l’arborescence des sites, ce qu’on appelle un lien profond, qui reste autorisé sans avoir à demander d’autorisation.

Il y a une autre forme de réutilisation des contenus, proche du lien hypertexte, qui est possible, c’est celle par ce qu’on appelle la transclusion ou les embed. Si on prend l’exemple de YouTube, ça consiste à récupérer une partie, un bout de code HTML, pour l’intégrer dans un site internet et faire en sorte que la vidéo YouTube soit accessible directement depuis le site. Ça aussi c’est possible et c’est légal, dans la mesure où l’utilisateur, quand il accepte les conditions d’utilisation de YouTube, accepte une clause lui disant qu’il permet les fonctionnalités du site et notamment, ces fonctionnalités-là de diffusion.

La difficulté c’est que, sur les plates-formes, vous pouvez trouver des contenus qui sont là de manière illégale, par exemple un utilisateur qui va mettre en ligne un clip vidéo sans avoir l’autorisation des titulaires de droit. Si vous, vous réutilisez ce type de contenu par transclusion dans votre site, vous allez faire un acte illicite. Il est très rarement poursuivi en tant que tel, mais il faut rester conscient que c’est illégal et si jamais le contenu est retiré de la plate-forme, il sera aussi retiré sur votre site.

Contenus numériques et licences libres

Principes et historique des licences libres

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Nous allons parler à présent des licences libres, en commençant par les principes de fonctionnement de ces licences.

On a vu précédemment que le mode de fonctionnement traditionnel du droit d’auteur c’est un droit exclusif, qui pose un principe d’autorisation préalable systématique, pour tous les usages, sauf dans des cas précis où le législateur aura introduit des exceptions législatives et où, là, on pourra se dispenser d’aller demander une autorisation préalable. Donc le principe c’est l’autorisation préalable et des exceptions, où des usages vont pouvoir être libres du fait d’une exception.

Le principe des licences libres c’est, en fait, de renverser ce système. Par la licence libre, un auteur va, par le biais d’un contrat, indiquer qu’en principe l’usage de son œuvre est possible et c’est uniquement dans des cas bien particuliers, des cas d’exceptions, où il va maintenir des conditions de réutilisation, où il va passer des interdictions et où il faudra alors, à ce moment-là, revenir vers lui pour lui demander une autorisation préalable. On passe donc d’une logique où on a tous droits réservés où, avec la licence libre, on aura certains droits réservés. Et là où avec le droit d’auteur traditionnel, tout ce qui n’est pas permis est interdit, eh bien avec la licence libre on a le système inverse, où tout ce qui n’est pas interdit sera permis.

Pour comprendre comment ces licences sont nées, il faut revenir un peu en arrière. Le domaine où les licences libres ont émergé c’est celui des logiciels où, à la fin des années 80 et dans les années 90, certains développeurs ont souhaité que les logiciels qu’ils produisent soient largement réutilisés, notamment pas des communautés très larges de développeurs, pour permettre ces développements en mode de crowdsourcing. Et pour ça, en fait, ils ont développé des instruments juridiques qui, au lieu de poser des restrictions, garantissent aux ré-utilisateurs des libertés. Ça a été formalisé, notamment par une personne qui s’appelle Richard Stallman, autour de la première licence de logiciel libre, la GNU GPL, la General Public License, qui a formalisé quatre libertés fondamentales : la liberté d’utiliser le logiciel, la liberté d’étudier le logiciel et d’avoir accès au code source, la liberté de redistribuer le logiciel, notamment des copies du logiciel, et la liberté d’améliorer le logiciel, d’en faire des versions dérivées. Donc les licences, comme la licence GNU GPL, garantissent à tous que ces usages seront possibles sans avoir à demander d’autorisation et sans avoir à verser de rémunération.

Dans les licences de logiciels, dans certaines des licences de logiciels, il y a un mécanisme qui est important, qu’on appelle le copyleft, jeu de mot sur copyright, c’est une sorte de gauche d’auteur au lieu d’être le droit d’auteur, qui est aussi appelé mécanisme de partage à l’identique ou Share alike en anglais, qui est un mécanisme important dans la philosophie du logiciel libre au sens propre du terme. Ce mécanisme, c’est une clause qui figure dans certaines licences, comme par exemple la GPU GPL, qui va obliger, lorsqu’on produit une version dérivée de l’œuvre sous laquelle cette licence est placée, à utiliser la même licence en cas de redistribution. Donc si je prends un exemple : j’utilise un logiciel pour produire une version dérivée ; si le logiciel initial est placé sous une licence copyleft, je serai obligé de redistribuer ma propre version sous la même licence d’origine, en l’occurrence, par exemple, la GNU GPL. L’intérêt de ce mécanisme, c’est d’empêcher la réappropriation à titre exclusif de ce qui a été ouvert une fois sous licence libre. Et ça permet de garantir que la liberté qui a été donnée par le premier à offrir la licence, ne soit pas supprimée par un ré-utilisateur ultérieur qui choisirait de remettre un régime de droit d’auteur exclusif sur sa propre version. Donc ça c’est souvent considéré comme un mécanisme important, qui ne figure pas dans toutes les licences de logiciels libres et notamment, qui ne figure pas dans les licences raccrochables à ce qu’on appelle l’esprit de l’open source. En général, ces licences-là ne comportent pas ce type de clause et sont plus permissives.

Cet exemple vous permet de voir que, quand on est dans le domaine du Libre en général et des licences libres, on n’est pas dans ce qu’on appelle le libre de droits. C’est-à-dire quand on utilise une licence libre, on n’est pas dans l’idée d’abandonner complètement son droit d’auteur. On accorde des libertés qui peuvent être très larges, mais on peut maintenir des conditions, le copyleft en est une ou, par exemple, la condition de citer le créateur en cas de réutilisation, la paternité, et ça, ça reste toujours, je dirais, un exercice du droit d’auteur comme un autre. Ça n’est pas un abandon du droit d’auteur.

On a vu que ces licences-là sont nées dans le domaine du logiciel. Ce qui est intéressant, c’est qu’au fil du temps cette logique des licences libres s’est étendue et notamment, elle est applicable, en fait, à tout objet protégeable par le droit d’auteur. Les logiciels sont considérés comme des œuvres de l’esprit protégeables par le droit d’auteur, aussi bien aux États-Unis qu’en Europe. C’est pour ça, en fait, qu’on peut y associer une licence libre. Au fil du temps, certains se sont intéressés à la possibilité d’étendre cette logique à tous les types d’œuvres, pas seulement le logiciel, que ce soit des textes, des images, de la vidéo ou de la musique, et pour ça, il a fallu faire une adaptation des premières licences de logiciels libres, notamment de la GNU GPL, qui ne sont pas particulièrement adaptées aux autres types d’œuvres.

Donc du coup ça nous a donné, au début des années 2000, un mouvement qui a produit d’autres types de licences, notamment les licences Creative Commons, qui sont nées, là aussi, aux États-Unis, autour d’un professeur de droit qui s’appelle Lawrence Lessig et qui a produit de nouvelles licences qui, là, sont toujours ancrées dans le copyright, mais qui sont simplifiées par rapport à la GNU GPL, plus facilement utilisables par une personne non spécialiste et qui, en plus de ça, sont applicables à tous les objets protégeables par le droit d’auteur, en dehors du logiciel. Et elles ont la particularité de couvrir aussi bien le droit d’auteur que les droits voisins, ce qui leur permet d’être applicables à la musique et à toutes les œuvres audiovisuelles.

Les licences Creative Commons

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Nous allons maintenant nous attarder sur les licences Creative Commons qui constituent les licences les plus largement employées pour ouvrir les droits sur une création et accorder des libertés d’usage.

Les licences Creative Commons sont produites par une fondation américaine, qui est une organisation à but non lucratif, qui développe ces licences sous la forme de contrats et qui les propose à partir de son site internet. Une personne qui souhaite utiliser les licences Creative Commons peut visiter ce site et on lui propose un ensemble de licences qui comportent des conditions différentes. Le système marche à partir d’un ensemble d’options que le créateur va pouvoir choisir de retenir ou non, pour ouvrir plus ou moins les droits sur sa création. Par défaut, toutes les licences Creative Commons permettent de produire des copies, de les distribuer et de communiquer l’œuvre au public, y compris sur Internet. Toutes les licences comportent cette base. À partir de là, le créateur peut choisir de rajouter des conditions. Il y a en a une qui est obligatoire qui est celle de « paternité ». Donc c’est une option qui figure dans toutes les licences et qui indique qu’en cas de réutilisation, il faudra citer le nom de l’auteur. C’est le plancher, on va dire, des licences Creative Commons.

Ensuite, le créateur peut choisir de rajouter une autre condition qui est « pas de modification ». S’il choisit cette option, on devra réutiliser l’œuvre en l’état, sans la modifier. Ça veut dire, par exemple pour une photo, sans la recadrer, sans la coloriser. Pour un texte ça voudra dire sans le couper, sans le traduire. Pour une vidéo, en la reprenant en intégralité, sans la mélanger avec d’autres vidéos ou en faisant des montages.

La troisième option, c’est celle d’« usage commercial ». Si le créateur choisit cette option-là, il interdit les usages commerciaux, ce qui veut dire qu’il les interdit à priori ou qu’il continue à les soumettre à autorisation préalable. Ça ne veut pas dire que l’usage est impossible, ça veut dire qu’il faudra revenir vers l’auteur pour lui demander une autorisation d’usage commercial. Si on prend l’exemple d’un texte, imaginons que j’ai un blog, je diffuse mes textes sous cette licence non commerciale, eh bien ça veut dire que si un éditeur veut publier un recueil de mes articles dans un livre, il faudra qu’il revienne vers moi et qu’il me demande une autorisation. Et là, on repasse dans le système classique du droit d’auteur, avec autorisation préalable et éventuellement d’ailleurs, une rémunération associée, si le créateur le désire.

Et la dernière option c’est le Share alike, dont on a parlé précédemment, c’est le partage à l’identique ou le copyleft. C’est un mécanisme qui est hérité des licences de logiciel libre et qui va imposer de repartager dans les mêmes conditions les créations dérivées qu’on voudra faire de cette œuvre. Si je prends un exemple : j’ai à nouveau un texte que j’ai mis sous cette clause de partage à l’identique, eh bien dans ce cas-là, si jamais une traduction est effectuée, cette traduction devra figurer, elle aussi, sous la même licence libre et il ne pourra pas y avoir de restriction supplémentaire ajoutée.

Donc à partir de cet ensemble relativement modulable, on obtient 6 licences, en combinant ces 4 critères, qui vont de la licence la plus ouverte, celle qui demande simplement à citer le créateur original, à des licences qui imposent des restrictions. Celle qui est la plus fermée vous permettra de copier et de redistribuer l’œuvre, mais vous ne pourrez pas la modifier et vous ne pourrez pas faire d’usage commercial.

Il faut voir, à présent, que ces licences ce sont des contrats de droit d’auteur. Creative Commons les propose en 3 versions. Vous avez une version simplifiée qui est un résumé, qui permet à un utilisateur non juriste de comprendre les conditions qui ont été posées par l’auteur et qui s’accompagne, notamment, de logos, qui expriment, en fait, les options qui ont été retenues par le créateur et qui peuvent être appliqués sur un site internet, imprimés sur la page d’un document et qui forment une sorte de signalétique des droits, aisément compréhensibles, et qui sont de plus en plus connus et reconnus sur Internet.

La deuxième version de la licence c’est un véritable contrat juridique, un contrat de droit d’auteur, formalisé, qui a une valeur juridique et qui a été traduit, en général, dans plusieurs langues, de manière à ce qu'il soit accessible dans un maximum de pays dans le monde. Ce contrat a une valeur juridique en tant que tel, ça veut dire qu’il est opposable en justice. Si jamais un ré-utilisateur ne respecte pas une des conditions posées par celui qui a choisi la licence Creative Commons, par exemple réutilise l’œuvre sans citer le nom de l’auteur original, eh bien le créateur est tout à fait fondé à pouvoir lui opposer la licence et, éventuellement, à en demander le respect en justice. Il y a plusieurs procès qui ont déjà eu lieu à partir de licences Creative Commons, que ce soit en Espagne, aux États-Unis, au Canada, en Allemagne et, à chaque fois, les juges ont considéré que les licences étaient bien valables et opposables en justice.

La troisième version de la licence, c’est un bout de code HTML qu’on va pouvoir récupérer. C’est une version qui est lisible par les machines, et vous pouvez l’intégrer dans un site internet. Ça vous permet d’embarquer automatiquement les conditions de la licence et de les afficher sous la forme d’un logo qui est cliquable, qui va vous permettre d’afficher d’abord le résumé puis, ensuite, le contrat en tant que tel. L’intérêt aussi d’utiliser cette version lisible par les machines, c’est que les moteurs de recherche sont capables automatiquement de détecter qu’un contenu est sous licence Creative Commons. Et ça permet soit d’alimenter des moteurs dédiés, qui permettent de trouver des œuvres réutilisables où, par exemple, Google Images est capable de repérer les images qui sont sous Creative Commons et vous avez dans Google Images un filtre qui vous permet de cibler, de faire des requêtes, uniquement sur des images réutilisables et ça facilite d’autant plus l’exposition et la réutilisation de ces œuvres.

Placer ses créations sous licence Creative Commons

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Nous allons voir maintenant comment mettre ses créations sous licence libre et, en particulier, sous licence Creative Commons.

La première chose à avoir en tête c’est que, pour pouvoir utiliser ces licences, il faut être réellement titulaire des droits sur ses créations. Il n’y a que l’auteur, en fait, qui puisse vraiment décider de placer son œuvre sous licence Creative Commons. Ça, ça a plusieurs incidences. Si jamais une création est faite à plusieurs, on sera dans un cas où l’œuvre va être dite, généralement, de collaboration et toutes les personnes qui ont concouru à la création de l’œuvre vont avoir la qualité de coauteur. Si on prend un exemple, un article écrit par deux personnes ; on peut prend l’exemple aussi d’une musique où quelqu’un aura composé la musique, quelqu’un d’autre aura écrit les paroles et des musiciens l’auront interprétée, là chaque personne a une partie des droits. L’accord de tous ces acteurs-là est nécessaire pour pouvoir mettre l’œuvre sous Creative Commons. Si un seul des titulaires de droits choisit de le faire sans demander aux autres, en fait il viole les droits de ses collaborateurs. Donc ça, c’est une chose importante.

Ensuite, il faut bien s’assurer que dans l’œuvre pour laquelle on veut utiliser la licence, il n’y ait pas d’autre œuvre qui soit incorporée. Je prends un exemple : imaginez que vous êtes dans la rue et que vous voyez un tag sur un mur, un graff fait par un graffeur, et que vous le prenez en photo ; dans ce cas-là vous n’allez pas pouvoir mettre votre propre photo sous licence Creative Commons. En effet, le graffeur a un droit d’auteur sur sa production. Si on prend un graff de Miss.Tic, par exemple, graffeuse relativement connue, elle a des droits sur les productions qu’elle fait sur les murs, et si vous faites une photo, vous allez faire une œuvre qui incorpore sa propre création et, pour la mettre sous licence libre, eh bien il faudrait demander l’autorisation de Miss.Tic. Donc si vous le faites, eh bien vous allez vous mettre vous-même dans une position où vous aurez violé les droits de Miss.Tic. Mais, en plus de ça, la licence n’aura pas de validité parce que vous ne pourrez pas garantir aux ré-utilisateurs que vous leur donnez bien des droits valables de réutilisation. Donc c’est typiquement un cas où, en fait, on ne peut pas réutiliser les licences Creative Commons.

L’autre cas, aussi, qui peut être complexe pour l’auteur, c’est le cas où il a bien les droits sur sa création, mais il les a cédés. Prenons le cas d’un auteur de romans. Il confie son manuscrit à un éditeur et il conclut avec lui un contrat d’édition par lequel il cède ses droits, notamment de reproduction, sur l’œuvre. Dans ce cas-là, l’auteur a cédé ses droits, ça veut dire qu’il s’en est dépossédé, il les a transférés, il en a transféré l’exercice, au moins, à l’éditeur et c’est lui, à présent, qui les exerce en lieu et place de l’auteur, contre une rémunération. Dans ce cas-là, l’auteur ne peut plus décider de son propre chef de mettre son manuscrit original sous licence Creative Commons et de le diffuser.

Ensuite de ça, quand vous décidez d’utiliser les licences Creative Commons, le principe, si vous pouvez le faire valablement, est de le porter le plus largement possible à la connaissance des utilisateurs et de faire connaître, en fait, votre intention. Pour ça, en fait, le plus simple est d’aller sur le site de Creative Commons qui vous propose un générateur de licence qui va vous poser des questions. Notamment il va vous demander : « Voulez-vous, ou non, que votre œuvre soit modifiée ? Voulez-vous, ou non, que votre œuvre puisse faire l’objet d’un usage commercial ? Et voulez-vous, ou non, qu’elle ait un effet de partage à l’identique des conditions ? » En fonction de vos réponses, il génère automatiquement la licence, vous propose un logo et un code HTLM à intégrer dans votre site. Dans ces cas-là, vous allez pouvoir, aussi, renseigner des métadonnées, c’est-à-dire des informations. Notamment indiquer le nom sous lequel vous voulez être crédité et, éventuellement, une adresse URL où sera disponible votre œuvre ou un site internet vers lequel vous voulez que les ré-utilisateurs pointent, en cas de réutilisation.

Une fois que vous avez renseigné tous ces éléments-là, ils sont automatiquement embarqués dans le bout de code HTML que vous allez intégrer dans votre site et ils figureront dans les mentions attachées, en fait, au logo que vous allez pouvoir intégrer.

Les ré-utilisateurs, une fois qu’un auteur a choisi d’utiliser des licences Creative Commons, leur outil principal d’information c’est justement ce logo qui indique les conditions que le créateur aura voulu imposer et c’est ça qui fera foi pour les usages.

En cas de réutilisation sur Internet, on a la possibilité de rendre ce logo cliquable pour pouvoir accéder au contrat, mais les licences Creative Commons peuvent aussi être apposées sur des supports physiques. On peut très bien imaginer qu’un livre, par exemple papier, soit lui-même mis sous licence Creative Commons. Ce sont des choses qui se pratiquent. La version numérique pourra circuler sur Internet, mais les ré-utilisateurs pourront aussi, par exemple, scanner le livre et produire des copies à partir de la version physique, sur la base, en fait, de cette mention de licence qui sera indiquée dans les crédits, dans les mentions légales de l’ouvrage.

Réutiliser des créations sous licence Creative Commons

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À présent nous allons voir comment réutiliser une œuvre qui a été placée par son créateur sous une licence Creative Commons.

Le principe est donc de respecter les conditions qui ont été posées par le créateur et qui sont indiquées par la licence. Chacune des conditions implique de savoir exactement quelle est la portée, en fait, que peuvent avoir ces clauses et comment ça se traduit pour le ré-utilisateur.

La première c’est celle de « paternité ». Quand on réutilise une œuvre sous Creative Commons, toutes les licences obligent à créditer l’auteur original. Pour ça, en fait, la manière de respecter la condition de paternité, ça va être d’indiquer le nom de l’auteur, le titre de l’œuvre lorsqu’il y en a un et, si c’est indiqué également, de faire un lien hypertexte en retour vers le site où a été diffusée l’œuvre. Une fois qu’on a fait ça, on a respecté la condition de paternité. Il est important de voir que quand un créateur choisit d’ouvrir ses droits, souvent il reste très sensible, néanmoins, au fait d’être crédité comme auteur, qu’on le cite comme auteur et donc c’est important de respecter cette condition lorsqu’elle figure. C’est la condition la plus simple, mais elle a une importance symbolique forte et c’est aussi un moyen, pour les créateurs, de s’assurer que leur notoriété se diffuse à mesure que leur œuvre circule.

La deuxième condition qui peut figurer, c’est celle d’usage « non commercial ». Il y a souvent des difficultés à comprendre ce qu’est un usage commercial, ou non, et il est vrai que sur Internet la distinction entre ce qui est à caractère commercial et ce qui ne l’est pas peut être complexe à maîtriser. Dans les licences Creative Commons, la définition du caractère commercial est très large. C’est le fait d’obtenir un avantage monétaire ou commercial, de manière directe ou indirecte. Donc par exemple, ça va au-delà du simple fait de vendre l’œuvre. Si vous avez un roman, par exemple, placé sous Creative Commons et une licence qui interdit l’usage commercial, si vous imprimez des copies de ce roman et que vous les vendez, vous êtes en infraction vis-à-vis de la licence. Mais ça peut aller plus loin. Ça veut dire que si jamais vous diffusez simplement ce roman sur un site qui comporte de la publicité, eh bien vous allez, là aussi, violer la licence Creative Commons, parce que vous avez bien un avantage indirect, induit par la diffusion, du fait de la publicité et donc, vous vous mettez en porte-à-faux. Donc en fait, quand une licence comporte la clause NC, on peut considérer que la portée est large et qu’il vaut mieux être prudent et revenir vers l’auteur dès qu’on est dans un contexte qui peut, directement ou indirectement, paraître commercial.

La clause de « non modification ». Pour la respecter, il faut laisser l’œuvre à l’identique et ça vaut pour tous les usages dérivés, notamment, par exemple, pour les traductions. La traduction est considérée comme un usage dérivé. Donc un texte qui est placé sous une licence « pas de modification » ne peut pas être traduit sans demander l’accord de l’auteur original.

La dernière condition c’est celle de « partage à l’identique » et c’est souvent celle qui peut générer le plus de questions à l’usage. On va prendre un exemple pour illustrer. Le site Wikipédia est placé sous la licence Creative Commons BY, paternité, et Share alike, partage à l’identique. Ça veut dire que vous allez pouvoir réutiliser les textes ou les images figurant sur l’encyclopédie, mais la clause de partage à l’identique peut avoir des effets sur les œuvres que vous allez réaliser à partir de ces contenus. Je prends un exemple : si vous prenez un texte, un article de Wikipédia, que vous le modifiez, que, par exemple, vous supprimez certains paragraphes, que vous réécrivez certaines parties et que vous les incorporez dans un ouvrage, vous allez, en fait, déclencher la clause de partage à l’identique, et votre propre production devra nécessairement être placée, elle aussi, sous la licence CC BY SA, qui est celle de Wikipédia. On dit que cette licence a un effet contaminant qui transfère, en fait, cette condition à votre propre création.

Par contre, il faut voir que cette clause de partage à l’identique ne se déclenche que quand vous produisez une nouvelle version de l’œuvre, pas quand vous la réutilisez en tant que telle, même pour l’incorporer dans une autre création. Et là je prends un autre exemple : vous prenez maintenant une photo qui est sur le site Wikipédia et qui va être, elle aussi, sous la licence CC BY SA ; il y en a beaucoup sur Wikipédia. Vous avez besoin de cette photo pour illustrer un livre. Si vous prenez cette photo et que vous l’utilisez à l’identique et que vous l’incorporez dans votre ouvrage, eh bien du coup, sans modification, vous ne déclenchez pas la clause de partage à l’identique. Et donc là, vous êtes libre de diffuser votre ouvrage sous les conditions de votre choix. Vous pouvez choisir une autre licence que celle de Wikipédia ou vous pouvez même choisir de diffuser ce livre sous les conditions de droit d’auteur classique, sans licence associée. Par contre, vous ne pouvez pas interdire la réutilisation de l’image qui, elle, va rester sous la licence CC BY SA. Et il faudra le mentionner explicitement. Vous devrez mentionner le nom de l’auteur, le fait qu’elle est sous licence libre et son titre, pour respecter les conditions de la licence.

Ces clauses de partage à l’identique peuvent aussi se déclencher lorsqu’on utilise de la musique pour illustrer une vidéo, par exemple. Là vous faites bien une œuvre dérivée à partir de cette musique. C’est une chose qui déclenche la clause de partage à l’identique et donc l’ensemble de la vidéo devra être mis sous la même licence que celle d’origine. Vous ne pouvez pas faire ça si la musique d’origine est placée sous licence « pas de modification », parce que là, du coup, vous produiriez une version dérivée.

Et c’est la même chose pour un film, par exemple, ou un reportage placé sous licence Creative Commons. Si vous prenez des extraits pour les incorporer dans une autre vidéo pour faire un montage, vous produisez une création dérivée et vous déclenchez l’effet de la licence. Et vous n’avez pas le droit de faire ça si la licence d’origine indique qu’il y a « pas de modification ».

Où trouver des œuvres réutilisables sous licence libre ?

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Où trouver des œuvres sous licence libre réutilisables ?

Récemment Creative Commons a fait un pointage sur l’emploi des licences et on a pu constater qu’il y avait plus d’un milliard d’œuvres sur Internet disponibles sous ces licences, réutilisables à des degrés divers. Donc c’est un nombre assez considérable. La question reste de savoir comment les trouver et comment identifier qu’on a à faire à des œuvres qui vont pouvoir être réutilisées.

Il faut voir que beaucoup de plates-formes, sur Internet, permettent à leurs utilisateurs de charger des contenus en utilisant des licences Creative Commons et ce sont souvent des réservoirs très intéressants à explorer lorsqu’on cherche un contenu réutilisable.

Selon les types de médias, on a différents sites internet. Dans le domaine de l’image, par exemple, le site qui contient le plus d’images réutilisables, de photographies réutilisables, c’est Flicker qui, depuis plusieurs années, propose aux utilisateurs qui chargent des photos de choisir les conditions de réutilisation. On peut les laisser sous copyright classique, tous droits réservés, ou choisir une licence Creative Commons. Et il y a plus de 300 millions de photographies sur Flicker qui sont réutilisables. On peut interroger le moteur de recherche de Flicker pour cibler uniquement des photographies sous licence Creative Commons et on peut même l’interroger en ciblant un type de licence, par exemple une image qui permettra la réutilisation commerciale, si c’est ce qu’on veut faire.

Une autre source importante, en termes d’images, c’est Wikimedia Commons qui est, en fait, la bibliothèque ou la médiathèque qui alimente Wikipédia en contenus. Elle contient, aujourd’hui, plus de 20 millions d’images sous licence Creative Commons. Pour les trouver de manière dérivée, on peut utiliser aussi un moteur de recherche qui est proposé par Creative Commons, qui s’appelle CC Search, ou un moteur comme Google Images qui est capable, en cochant une option qui figure dans un des onglets de l’interface, de cibler uniquement des images réutilisables. Quand on utilise ce type d’outil, il est toujours bon de vérifier quand même, sur le site d’origine, si la photographie a bien été placée sous licence Creative Commons, car le repérage se fait de manière automatique et il arrive parfois qu’il puisse y avoir des petites approximations, donc il est toujours bon de s’assurer, sur le site d’origine, qu’on a la bonne licence.

Dans le domaine du texte, les grandes sources qui sont mobilisables, ça va être Wikipédia qui, depuis l’origine, est placé sous licence libre, sous licence CC BY SA. On a associé à Wikipédia un site qui s’appelle Wikisource où des utilisateurs transcrivent des œuvres qui appartiennent au domaine public. On en a aussi dans un projet qui s’appelle le projet Gutenberg, qui fait la même chose pour des œuvres classiques, et on a un site américain qui s’appelle Internet Archive qui, là aussi, contient plusieurs millions de textes sous licence Creative Commons.

Dans le domaine de la vidéo, on a des plates-formes qui offrent ce type de possibilité. YouTube le permet depuis maintenant plusieurs années et, là aussi, il y plusieurs millions de vidéos, souvent d’ailleurs des vidéos relativement simples qui forment, en fait, des contenus de base pour pouvoir produire soi-même ses propres vidéos et qui sont proposées dans l’interface de YouTube à partir d’un onglet spécifique. Il y a plus de 10 millions, maintenant, de vidéos de ce type sur YouTube. On a des plates-formes comme Vimeo, aussi, qui permettent l’usage des licences Creative Commons.

Et dans le domaine de la musique, on a aussi des plates-formes de diffusion sous licence libre. On peut penser à des sites comme Jamendo par exemple, comme Dogmazic en France, ou un site comme Bandcamp qui permet à des artistes d’avoir leur propre page et de diffuser leur musique sous licence libre ou sous licence Creative Commons.

Ces licences se diffusent, aujourd’hui, dans d’autres domaines. On en trouve notamment utilisées dans le domaine des ressources pédagogiques. On a beaucoup d’institutions publiques, des universités, qui produisent des contenus sous licence Creative Commons. On a des professeurs qui peuvent produire, de manière collaborative, des manuels sous licence libre. C’est le cas, par exemple dans les mathématiques, en France, pour Sésamaths, ou un site comme lelivrescolaire.fr. Et on commence à voir les licences appliquées à d’autres domaines plus surprenants. C’est le cas, notamment, pour tout ce qui concerne la fabrication d’objets. On trouve des sites, comme Thingiverse par exemple, qui produisent des plans d’objets sous licence Creative Commons, qui permettent notamment de réaliser des impressions 3D, librement, ce qui constitue des formes de reproduction là aussi et, en ayant les plans sous licence libre, on peut produire des exemplaires des objets représentés, librement.