Bilski : les États-Unis commencent le déminage des brevets logiciels

Paris le 28 juin 2010. Communiqué de presse.

La Cour suprême des États-Unis a rendu ce lundi un avis très attendu dans l’affaire dite « Bilski »1, concernant un brevet sur une méthode d’affaires. Ce jugement, s’il n’exclut pas clairement de la brevetabilité tous les brevets logiciels, en invalide une grande majorité, notamment ceux portant sur des méthodes intellectuelles informatisées. Il est temps désormais pour le législateur européen d’interdire la prolifération de brevets logiciels en Europe.

Aux États-Unis, depuis les années 1980 et la création d’une cour d’appel spécialisée dans les brevets (CAFC), cette dernière a validé des brevets sur quasiment tout ce que l’homme fabrique sous le soleil2. Cette prolifération a conduit à une explosion des litiges liés aux brevets et, en ce qui concerne les logiciels, a rendu tout développement informatique semblable à la traversée d’un champ de mines, pouvant exploser à la moindre ligne de code.

La Cour suprême a aujourd’hui décidé de sérieusement limiter la propension de l’office des brevets des États-Unis à accorder des brevets logiciels. Si elle n’a pas exclu que des méthodes d’affaires puissent être brevetées, elle a confirmé que les algorithmes étaient des idées abstraites et, par conséquent, non brevetables. Et si l’on peut regretter que la Cour suprême n'ait pas voulu proposer de test clair pour délimiter ce qui est ou n’est pas brevetable, elle a clairement rejeté la pratique initiée par la CAFC3 d’accorder des brevets sur quasiment tout procédé intellectuel.

En Europe, il est temps pour le législateur de reprendre la main

Un tel mécanisme correctif ne peut être mis en œuvre en Europe : le système de brevets y est régi hors de toute instance démocratique, par une organisation multilatérale ; aucune autorité judiciaire, telle qu’une cour suprême, n’a par conséquent le pouvoir de contrôler l’Office européen des brevets et de corriger ses dérives.

Qui plus est, le microcosme des brevets s’est avéré incapable de se corriger lui-même. Le mois dernier en Europe, la plus haute juridiction interne à l’Office européen des brevets a refusé de statuer sur la brevetabilité des logiciels et en a appelé à une prise de responsabilité du législateur : « Lorsque l’élaboration juridique conduite par la jurisprudence atteint ses limites, il est temps pour le législateur de reprendre la main ».

Cette requête rejoint la position de l’April. « La Cour suprême des États-Unis vient de démontrer que sans l’intervention d’un contre pouvoir effectif, le système des brevets, livré à lui-même, se laisse aller à la dérive, engendrant un véritable champ de mines où l’innovation devient impraticable. Il est temps que l’Europe s’attaque elle aussi à la réforme de son système de brevets. La tâche incombe au législateur européen, c’est-à-dire au Parlement européen et aux parlements nationaux, de réaffirmer clairement la non-brevetabilité des logiciels » commente Gérald Sédrati-Dinet, conseiller bénévole sur les brevets logiciels pour l’April.

Liens

À propos de l’April

Pionnière du logiciel libre en France, l’April est depuis 1996 un acteur majeur de la démocratisation et de la diffusion du Logiciel Libre et des standards ouverts auprès du grand public, des professionnels et des institutions dans l’espace francophone. Elle veille aussi, dans l’ère numérique, à sensibiliser l’opinion sur les dangers d’une appropriation exclusive de l’information et du savoir par des intérêts privés.

L’association est constituée de plus de 5 500 membres utilisateurs et producteurs de logiciels libres.

Pour plus d’informations, vous pouvez vous rendre sur le site Web à l’adresse suivante : http://www.april.org/, nous contacter par téléphone au +33 1 78 76 92 80 ou par notre formulaire de contact.

Contacts presse :

Frédéric Couchet, délégué général, fcouchet@april.org +33 6 60 68 89 31
Gérald Sédrati-Dinet, conseiller bénévole sur les brevets logiciels, gibus@april.org +33 6 60 56 36 45

  • 1. Cette affaire concerne un brevet déposé aux États-Unis par Bernard Bilski et Rand Warsaw sur une méthode optimisant les gains espérés par chaque partie dans une transaction de produit énergétique. Ce brevet a été refusé par l’office des brevets des États-Unis ainsi que par la Cour d’appel sur les brevets (CAFC) au motif qu’il ne repose que sur un algorithme mathématique, et n’est donc pas mis en œuvre avec une machine particulière, ni ne transforme un article particulier en un état ou une chose différent. Voir le film Patent Absurdity pour plus de détails sur cette affaire.
  • 2. Il s’agit de l’excuse avancée lorsqu’aux États-Unis, la Cour d‘appel sur les brevet a validé la brevetabilité des méthodes d’affaires informatisées, lors de l’affaire State Street Bank.
  • 3. Dans l’affaire State Street Bank.