Après l'adoption de la loi de finances, se mobiliser pour la sauvegarde des logiciels libres de caisse

Les 5 et 6 février 2025, l'Assemblée nationale, puis le Sénat, ont définitivement adopté le projet de loi de finances pour 2025. Son article 43 supprime la faculté pour les éditeurs et intégrateurs de logiciels de caisse d'attester eux-mêmes de la conformité de leur solution à la loi. Il s'agira à présent de se mobiliser pour que les textes d'application prennent au mieux en compte les spécificités des logiciels de caisse sous licence libre qui dépendaient jusqu'à présent de ce dispositif d'attestation.

La réglementation prévoyait jusqu'à présent que les éditeurs et intégrateurs de logiciels de caisse pouvaient, pour prouver la conformité de leur solution, soit la faire certifier, soit en attester eux-mêmes en engageant leur propre responsabilité. Dans le cadre de la loi de finances pour 2025, dans l'objectif affiché de lutter contre la fraude à la TVA, des parlementaires ont porté des amendements visant à supprimer la seconde option. Au seul profit donc de la certification, une procédure lourde et onéreuse, très mal adaptée à la réalité des marchés informatiques, en particulier pour les logiciels libres.

Dans un communiqué du 5 novembre 2024, puis dans une lettre ouverte du 27 novembre, l'April avait alerté sur les risques importants d'une telle réforme.

La procédure d'adoption du projet de loi de finances pour 2025 a été particulièrement mouvementée, jusqu'à la censure du gouvernement Barnier le 4 décembre 2024, qui avait mis un coup d'arrêt aux travaux parlementaires, juste après que l'amendement de suppression des « attestations individuelles » soit adopté au Sénat. Les travaux ont finalement repris en janvier 2025 sous le nouveau gouvernement, la commission mixte paritaire a maintenu l'amendement et la loi a été définitivement adoptée le 6 février 20251.

Notons que lors des débats au Sénat, le ministre des Comptes publics alors en exercice, Laurent Saint-Martin, avait exprimé l'avis défavorable du gouvernement2. Il avait notamment interrogé les chiffres de la fraude mis en avant, évoqué la lourdeur du processus pour les petites entreprises et rappelé que la certification n'était pas une garantie contre la fraude. Il avait enfin souligné qu'il s'agissait « d'un des chantiers les plus pertinents à creuser » et qu'il souhaitait y travailler avec les parlementaires et les « parties prenantes ». Espérons qu'Amélie de Montchalin, nouvelle ministre chargée des Comptes publics, et son cabinet, se montrera sensible à ces questions et ouverte à la discussion. En 2021, alors ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, elle avait porté le plan d'action logiciels libres et communs numériques du gouvernement Castex.

Et maintenant ?

Idéalement, une loi pouvant défaire ce qu'une autre loi a fait, nous pourrons porter, dès la prochaine loi de finances, une proposition d'amendement pour réinstituer le dispositif d'« attestation individuelle ». Car, redisons-le : l'« attestation individuelle » n'est pas synonyme de fraude.

En attendant, et en tout état de cause, il va s'agir de contribuer, autant que faire se peut, à ce que les textes d'application prennent au mieux en compte les spécificités des logiciels de caisse sous licence libre. En effet, un décret d'application, qui doit préciser les modalités d'application de la loi, doit être publié pour que la nouvelle norme soit mise en œuvre. A minima, il faudrait que ce décret prévoie un délai suffisant de mise en application pour permettre aux entreprises concernées de s'adapter aux nouvelles exigences de certification.

Il semble également probable, étant donné l'importance de l'impact de la réforme, que l'administration fiscale conduise une instruction afin de mettre à jour le BOFiP (Bulletin Officiel des Finances Publiques - Impôts). Il s'agit de la doctrine fiscale par laquelle l'administration précise son interprétation de la loi. Celle-ci étant opposable à l'administration, c'est un document particulièrement important pour permettre d'essayer de trouver des conditions de mise en œuvre adaptées aux réalités des marchés logiciels libres.

L'April se mobilisera donc, avec les acteurs de l'écosystème des logiciels de caisse sous licence libre qui le souhaitent, pour agir auprès des pouvoirs publics — et en premier lieu auprès des services concernés de l'administration fiscale – afin d'assurer un cadre réglementaire aussi favorable que possible aux logiciels libres.

Pour finir, rappelons qu'en 2016 l'April avait déjà travaillé, avec succès, avec l'administration fiscale dans le cadre de la mise à jour du BOFiP, afin de s'assurer que la réglementation n'interdise pas, de fait, les logiciels libres de caisse.3