Livre Blanc des Modèles Économiques du Logiciel Libre
Livre blanc
Les modèles économiques du Logiciel Libre
- Livre blanc Les modèles économiques du Logiciel Libre
- License du document
- Historique
- Préface
- Avant-propos
- Remerciements
- Chapitre 1 Préambule : les grands mythes du Logiciel Libre à combattre
- Chapitre 2 Les logiciels libres, un écosystème diversifié en osmose avec
Internet
- 2.1 Les mécanismes de création des logiciels libres
- 2.2 Des logiciels système aux applications métier
- 2.3 Les communautés
- 2.4 Les projets s’organisent en communautés
- 2.5 L’efficacité des communautés : un avantage économique et juridique
- 2.6 Une grande diversité d’acteurs professionnels
- 2.7 Un continuum allant des métiers d’éditeur au service
- 2.8 Vers une nouvelle chaîne de valeurs...
- Chapitre 3 Le Logiciel Libre, vecteur de création de valeur
- Chapitre 4 Cartographie des modèles économiques
- Chapitre 5 Les enjeux technologiques, économiques et stratégiques
- 5.1 L’enjeu du Logiciel Libre dans l’économie de l’immatériel
- 5.2 L’enjeu économique de l’innovation
- 5.3 L’enjeu de la transparence et de l’interopérabilité
- 5.4 Les enjeux d’indépendance
- 5.5 Les enjeux français et européens
- 5.6 Les enjeux pour la recherche
- 5.7 Le brevet logiciel : un obstacle à surmonter
- 5.8 La protection face à la menace des brevets logiciels
- Liste des acronymes
- À propos de l’April
- Annexe A Typologie des licences libres
- Annexe B Les enjeux stratégiques du Logiciel Libre
- Annexe C Un cas d’école : AdaCore, éditeur de logiciels libres
- Annexe D Point de vue juridique : licence GNU GPL, contractualisation et utilisateur secondaire
- Entreprises membres de l’April au 1er dec 2007
- Webliographie
- Appendix E GNU Free Documentation Licence
License du document
Vous avez la permission de copier, distribuer et/ou modifier ce document selon les termes de la Licence GNU Free Documentation Licence (FDL), version 1.2 ou ultérieure publiée par la Free Software Foundation (FSF) ; sans section inaltérable ; sans texte de première page de couverture ; avec le texte de dernière page de couverture suivant : « La version originale de ce document a été rédigée par l’April — association de promotion et défense du Logiciel Libre — et est disponible sur http://www.april.org ». Une copie de cette Licence est incluse dans la section appelée GNU Free Documentation Licence de ce document.
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2, place Sainte-Opportune
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Historique
La version originale de ce Livre Blanc a été publiée par l’association April http://www.april.org en décembre 2007. Elle est disponible selon les termes de la GNU FDL version 1.2 ou ultérieure publiée par la FSF. Les version PDF ou Open Document Format (ODF) sont disponibles sur le site de l’April.
- version 1.0 : décembre 2007.
Préface
Le Logiciel Libre n’est pas une nouvelle technologie. C’est un mode de production et de distribution du logiciel, c’est-à-dire un ensemble de pratiques concernant le management des projets, la gestion du code source, les canaux de mise à disposition des produits, les conditions légales d’utilisation, l’assistance technique, et même le marketing et les forces de vente.
Ce mode de production n’est pas en soi une innovation. La notion de Logiciel Libre a été formalisée dès les années 1980, et les pratiques correspondantes sont sans doute encore plus anciennes. On peut même dire que le Logiciel Libre est né dès que la notion de « produit logiciel » indépendante du matériel a été perçue par les développeurs et les utilisateurs. Son apparition a silencieusement précédé celle de l’édition commerciale de logiciels non libres telle que nous la connaissons aujourd’hui. L’innovation réside dans l’ampleur et les usages du phénomène Logiciel Libre qui se manifeste sur plusieurs plans :
- La plate-forme de conception et de réalisation du Logiciel Libre a toujours été le « réseau ». Naguère réservé à des initiés, il est devenu avec la généralisation de l’Internet l’infrastructure d’un « village global » propice aux modes de développement collaboratifs et décentralisés. La visibilité des projets libres en a été immédiatement amplifiée.
- Le Logiciel Libre n’est plus aujourd’hui confiné au marché de l’infrastructure. Initialement « système et réseau », les logiciels libres s’invitent dans tous les segments de l’édition logicielle, y compris les applicatifs « métier » (progiciels de gestion intégrés, gestion de la relation client, business intelligence) et la bureautique. Ils touchent ainsi les utilisateurs et les décideurs.
- Un écosystème complet est à présent en place et, de la production à la mise en œuvre chez l’utilisateur, chacun peut y trouver ce qui correspond à son métier et à ses objectifs. Le Logiciel Libre n’est plus seulement une matière première pour informaticiens et, sur un modèle où l’accès aux sources est ouvert par définition, on y trouve des produits finis et des intégrateurs qui s’engagent sur des résultats.
Les raisons de l’extraordinaire expansion du modèle libre dans la présente décennie sont diverses. L’accès souvent gratuit au droit d’usage, sans être la caractéristique essentielle du Logiciel Libre, exerce un pouvoir d’attraction à court terme. Son influence sur le bilan économique global des projets est cependant limitée et ne saurait être le fondement d’une réussite durable qui commence à se dessiner.
Les limites de l’édition logicielle traditionnellement attachée au « secret de fabrique » dont la qualité n’a jamais été comparable à celle des industries manufacturières sont maintenant perçues par un public de plus en plus averti. La seule « assurance-sérénité » pour l’utilisateur réside-t-elle désormais dans le service associé au logiciel, lui-même développé sur le principe de la « source ouverte » ?
Peut-on dire qu’il s’agit d’une mode entretenue par les sociétés de services et les cabinets de conseil pour tirer la couverture à eux au détriment de l’édition commerciale ?
L’émergence des modèles basés sur le Logiciel Libre ou plus récemment le « logiciel en tant que service » (Software As A Service) remettent en cause le modèle de rémunération à la copie. Assiste-t-on à une nouvelle étape de l’histoire du logiciel ?
Enfin, les coûts structurels de distribution et de protection des logiciels fermés rendent beaucoup plus chères la production et la diffusion de logiciels. La capitalisation de code en est de plus amenuisée puisque réduite à une seule entreprise. Pour beaucoup d’observateurs avertis, le logiciel fait figure de lanterne rouge de la high-tech en matière de productivité. N’est-on pas en train d’assister à un recadrage attendu du marché ?
L’objet de ce Livre Blanc est de présenter une synthèse des pratiques, des enjeux et des opportunités du Logiciel Libre, dont la réussite indiscutable soulève encore des interrogations économiques. Tout porte à croire qu’aujourd’hui l’environnement est favorable et l’essentiel des savoir-faire est en place.
Jean-Marie Gouarné
Avant-propos
Au sein de l’April, nous avons constaté que les entreprises du Libre font face à des besoins récurrents :
- l’identification des modèles économiques du Libre ;
- l’origine et les vecteurs de la création de valeur ;
- la nécessité de mieux communiquer ;
- une plus grande clarté vis-à-vis du marché ;
- le rappel des fondamentaux de nos métiers et la diversité de nos entreprises ;
- le rôle des associations et le rôle des professionnels...
Ces besoins nous ont conduits à constituer au sein de l’April un groupe de travail entreprises.
Nos premiers travaux nous amènent à rédiger ce Livre Blanc pour présenter les fondamentaux de notre métier, faire un inventaire de nos modèles économiques, analyser où se crée la valeur et enfin repérer les enjeux des logiciels libres. Ouvrage collectif, il repose sur l’expérience cumulée de l’ensemble des entreprises membres de l’April, soit le panel le plus représentatif des entreprises du Libre en France.
Notre Livre Blanc s’adresse aux décideurs des entreprises des secteurs public et privé, aux dirigeants politiques qui souhaitent mieux comprendre l’économie et les enjeux qui résident derrière le Logiciel Libre, aux investisseurs qui s’intéressent aux acteurs du Libre, aux journalistes en quête perpétuelle d’informations et d’exemples pour illustrer les secteurs les plus dynamiques de l’innovation logicielle.
Ce livre est plus largement destiné à toutes les personnes qui s’intéressent aux nouvelles technologies de l’information ainsi qu’à l’émergence des logiciels libres dans le monde entier.
Librement vôtre :
Les membres contributeurs du groupe de travail entreprises :
Kathryn Fairlamb | (AdaCore), |
Véronique Torner & Philippe Montargès | (Alter Way), |
Jérôme Dumonteil & Yvon Rastetter | (Ars Aperta), |
Luis Belmar Letelier | (Itaapy), |
Nicolas Chauvat | (Logilab). |
Sous la coordination de Jean-Noël de Galzain (Wallix).
Remerciements
L’association April tient à remercier tous les membres de l’association ayant aidé à la relecture de ce Livre Blanc : Jean-Christophe Becquet, Frédéric Couchet, Pierre Cros, Nicolas Dumoulin, Gilles Gravier, Benjamin Jean, Yann Kerbiriou, Arnaud Laprévote, Christophe Le Bars, Agnès Le Béon, Véronique Gouilly-Frossard, Eric Mahé, Eva Mathieu, Charles-Henri Schulz, Gérald Sedrati-Dinet, Benoît Sibaud.
L’April remercie également toutes les entreprises ayant répondu à l’enquête qui a permis d’établir les cartographies.
Chapitre 1
Préambule : les grands mythes du Logiciel Libre à combattre
Le Logiciel Libre est-il gratuit ?
Le coût des logiciels libres est essentiellement lié à leur mise en œuvre. La gratuité de la plupart des logiciels mis en œuvre n’est qu’un aspect mineur, c’est la partie émergée de l’iceberg. Les modèles économiques des entreprises de l’écosystème du Logiciel Libre sont fondés sur l’innovation, l’interopérabilité, la réactivité et le temps de mise sur le marché. Certains logiciels libres sont également disponibles en versions commerciales. La confusion entre libre et gratuit vient historiquement du fait que les deux concepts s’appuient sur le même terme anglais : « free ».
Le Logiciel Libre pose-t-il un problème de droit d’auteur ?
Les licences du Logiciel Libre protègent depuis maintenant vingt ans l’innovation en définissant précisément les droits et les devoirs des différents acteurs. Pour une analyse plus détaillée des types de licences, voir notamment les sites Internet [22], [10], et [25].
Le Logiciel Libre répond-il aux besoins critiques des entreprises ?
Dans des domaines économiques, sociaux ou sécuritaires, le Logiciel Libre apporte des réponses techniques fiables et appréciées. Il est également un moyen de réduire le risque de la criticité d’une application par la standardisation des composants du système. Depuis plus d’une décennie, de grands groupes déploient et basent leur stratégie informatique sur du Logiciel Libre.
Que se passe-t-il en cas de défaillance ?
La pluralité des acteurs impliqués dans les logiciels libres autorise une sortie de crise plus rapide et à moindre coût. Autour de chaque logiciel se trouvent des utilisateurs, des prestataires spécialisés, des associations qui apportent différents niveaux de garantie adaptés au mode de consommation des logiciels. La description des mécanismes et des partenaires est détaillée plus loin dans ce Livre Blanc.
Comment mettre en production des logiciels en constante évolution ?
Les logiciels libres matures proposent des versions stables utilisables dans un contexte de production. De plus, des éditeurs et des sociétés de services proposent des offres de produits et d’accompagnement autour de ces logiciels et réalisent des produits adaptés à des contraintes particulières de production des entreprises.
Comment s’y retrouver et que choisir ?
Il existe des grands projets de logiciels libres organisés en communautés où cohabitent des utilisateurs, des industriels et des informaticiens. Des éditeurs et des sociétés de services proposent une offre abondante autour des questions de choix et de déploiement. Une partie représentative est regroupée au sein de l’April.
En quoi les modèles économiques du Logiciel Libre se différencient des modèles traditionnels de l’industrie du logiciel ?
Il existe bien sûr des différences fondamentales entre logiciels libres et logiciels propriétaires, cependant, leurs modèles économiques se rejoignent parfois. Le logiciel agit aussi comme une évolution en accentuant le principe de concurrence. Les utilisateurs et les clients sont les principaux bénéficiaires de cette concurrence renouvelée.
Note de terminologie :
« Logiciel Libre » et « Open Source » sont employés pour caractériser les logiciels couverts par une licence offrant les libertés de les exécuter, de les étudier, de les redistribuer, de les modifier, et de les améliorer (voir en annexe l'explication plus détaillée de ces éléments). Le terme « Logiciel Libre » fait référence à la définition de la FSF, tandis que le terme « Open Source » fait référence à celle de l’Open Source Initiative (OSI). En pratique, ces deux définitions sont proches. Elles présentent toutefois des vues sensiblement différentes. Le mouvement du Logiciel Libre est avant tout éthique et philosophique, basé sur le partage de la connaissance et l’entraide, là où le mouvement Open Source met en avant les logiciels libres pour leurs avantages pratiques. En outre, le terme « Open Source » a souvent été utilisé dans un sens erroné pour qualifier des produits ne répondant pas aux critères de l’OSI. Le terme Logiciel Libre étant plus précis et renforçant l’importance des libertés, il est utilisé prioritairement par l’April et donc dans ce Livre Blanc.
Chapitre 2
Les logiciels libres, un écosystème diversifié en osmose avec
Internet
2.1 Les mécanismes de création des logiciels libres
Le modèle de création du Logiciel Libre s’appuie sur un fort investissement humain et sur le partage de valeurs au sein d’un même projet. Les projets comportent des utilisateurs et des développeurs aux savoir-faire complémentaires organisés en communautés interagissant autour de systèmes de production de code, de documentation et de mises à jour. Ces organisations regroupent des utilisateurs du monde entier et des équipes pluridisciplinaires, comprenant aussi bien des industriels à travers la publication de recherches et d’outils expérimentaux que des éditeurs ou sociétés de services qui consacrent une part significative de leur chiffre d’affaires en R&D ou encore des contributeurs individuels.
Ce modèle de création communautaire favorise la démocratisation et la diffusion de l’innovation en constituant un patrimoine universel de connaissances, de méthodes et d’outils logiciels accessibles à tous.
L’efficacité de ce modèle réside dans une rupture technologique par rapport aux modèles antérieurs. L’accélération des flux de développement repose sur une standardisation partagée entre les participants de ces communautés au niveau administratif, juridique et technique. Ces facteurs combinés sont catalyseurs de la création de projets mondialisés. La réduction des frottements dûs aux rigidités de l’informatique traditionnelle permet de mutualiser la R&D à l’échelle de l’Internet, de faire évoluer les projets de manière continue, quotidiennement, dans un contexte international. La liberté de participer, de contribuer et d’utiliser localement les retombées d’un projet sans contrainte artificielle crée un catalyseur de valeur.
Il en résulte une accélération de l’innovation qui fait le succès professionnel et grand public des logiciels libres. Le Logiciel Libre est issu d’un « laboratoire planétaire » volontaire et spontané.
2.2 Des logiciels système aux applications métier
Le Logiciel Libre couvre tous les types de logiciels :
- outils système (système d’exploitation, pilotes de matériel) ;
- programmation (C, Java, Ada, Python...) ;
- logiciels d’infrastructure (serveurs web, serveurs de messagerie, bases de données) ;
- logiciels de sécurité (sécurité réseau, système et applicative) ;
- « middleware » ou intergiciels (Jonas, JBoss, Glassfish...) ;
- environnement de travail (KDE, Gnome...) ;
- outils bureautiques (OpenOffice.org, Firefox...) ;
- clients riches métier (TinyERP, Eclipse, Netbeans...).
Pour trouver des catalogues approfondis énumérant l’offre disponible en logiciels libres, il est possible de consulter sur Internet des sites tels que Framasoft [7], l’annuaire FSF/UNESCO [23], Sourceforge [13], etc.
2.3 Les communautés
Les acteurs contribuant aux logiciels libres sont des professionnels de l’informatique, des utilisateurs, des chercheurs, etc. Ils peuvent intervenir dans les projets au titre de leur activité professionnelle ou en dehors, par exemple en signalant bénévolement des défauts logiciels.
Ces acteurs réunis au moyen d’outils de communication issus d’Internet forment des communautés, c’est-à-dire un maillage relationnel et technologique qui permet à chacun de participer à l’évolution d’un projet en conservant son identité propre. Ces communautés forment des structures agiles permettant à tout un chacun de contribuer et de bénéficier des retombées du projet.
2.4 Les projets s’organisent en communautés
Des projets d’envergure locale ou nationale se constituent autour d’outils de collaboration simples de type forge logicielle ou listes de diffusion...
Au-delà d’une certaine taille et lorsque le cadre devient international, les grands projets utilisent leur propre infrastructure et s’organisent selon des statuts permettant la collaboration effective d’acteurs majeurs de l’informatique aux côtés de primo-utilisateurs : des associations ou des fondations, par exemple. C’est le cas pour des grands projets connus tels Linux, GNU, OpenSSH, Apache, Debian, PHP, Mozilla, Perl, OpenOffice.org, Eclipse, Java, Python, Ruby, devenus des standards de l’informatique.
La protection juridique est garantie par des licences logicielles qui forment un socle assurant une bonne stabilité des réalisations, la simplification des processus juridiques et contractuels ainsi qu’une protection des œuvres créées. Le Logiciel Libre apporte un cadre juridique accepté par tous et assure une pérennité de l’investissement commun.
On constate que les logiciels libres n’ont généré qu’un très petit nombre de conflits juridiques. Ceci est dû à la clarté et à la consensualité des termes des licences libres. Dans les zones géographiques où l’existence de brevets logiciels (principalement les États-Unis) entraîne un risque pour le Logiciel Libre, des fonds de garantie importants, assortis d’accords entre les grands sponsors du Libre, assurent un bouclier juridique. Par exemple c’est le cas de l’Open Invention Network (OIN).
2.5 L’efficacité des communautés : un avantage économique et juridique
Les propriétés de dynamisme et de sûreté des développements réalisés par les communautés se traduisent en avantages concurrentiels et économiques pour les entreprises dont l’activité repose sur le Logiciel Libre. Notamment, l’usage du Logiciel Libre permet de réduire le time to market (temps de mise sur le marché) d’une solution, et d’améliorer la productivité de l’économie numérique en s’insérant dans un marché mondialisé à forte réactivité pour un coût organisationnel minimal.
Les acteurs du secteur ont en commun de s’appuyer sur les qualités fondamentales du Logiciel Libre, selon des modèles économiques différents par type d’activité.
2.6 Une grande diversité d’acteurs professionnels
Le secteur professionnel dont l’activité est basée sur le Logiciel Libre ne cesse de s’agrandir : éditeurs, sociétés de services généralistes ou spécialisées, fournisseurs de services en ligne, commerçants en ligne, grands comptes, laboratoires de recherche, instituts de formation, industriels et constructeurs informatiques. Le Logiciel Libre permet également aux acteurs qui n’y contribuent pas directement de participer à son essor, en diffusant largement son usage. On peut par exemple noter le succès croissant des applications Firefox et OpenOffice.org aussi bien en entreprise que chez les particuliers ou dans les services publics.
La diversité des acteurs professionnels qui interviennent dans le monde du Logiciel Libre favorise son adéquation aux besoins du monde de l’entreprise.
2.7 Un continuum allant des métiers d’éditeur au service
L’expérience cumulée des adhérents de l’April permet de répartir les modèles économiques du Logiciel Libre sur un plan selon 2 axes principaux :
- Un axe va du service à la recherche et développement, en passant par le développement d’applications et de composants réutilisables, l’adaptation, l’installation, le support et la formation. Les métiers d’expertise se situeront à mi-distance.
- Un axe représentant la spécialisation et la valorisation des applications logicielles en jeu, du niveau commodité jusqu’aux applications métier.
Cette modélisation offre une cartographie des acteurs du Libre du marché en 3 cartes représentatives de 3 catégories d’acteurs :
- les entreprises ayant un CA compris entre 0 et 200 000 € ;
- les entreprises ayant un CA compris entre 200 000 et 1 000 000 € ;
- les entreprises dont le CA est supérieur à 1 million d’euros.
2.7.1 Définition du panel
Le panel initial utilisé pour réaliser la cartographie des acteurs du Logiciel Libre est constitué de 45 entreprises réparties selon les caractéristiques suivantes :
Chiffre d’affaire | <200 k€ | 200 k€ à 1000 k€ | >1000 € |
Nombre d’entreprises | 23 | 12 | 10 |
La répartition des entreprises suivant la typologie de chiffre d’affaires est la suivante :
Divers | 4 | Anaska, Ikoula, O’Reilly, Logilab |
Utilisateurs | 1 | Neuf Cegetel |
SSII | 2 | Steria, On-X |
SSLL | 15 | Apitux, Librenberry, Free Electrons, Silecs, Cliss XXI, Pragmatic Source, Ars Aperta, Merethis, LDD, Nereides, Siloh, Bearstech, Netaktiv, Easter Eggs, Alcôve |
Intégrateurs | 14 | Libreboot, Alca Torda, SFWan, Open Via, Pi-Lyon, Zefyris, Exemole, Eitics, Alter Way, Code Lutin, Ambika, Infoclip, Itaapy, Atreal |
Éditeurs | 9 | AdaCore, Wallix, Linbox, Mandriva, Emencia, Sun Microsystems, Zend, Entr’Ouvert, Kelis |
Total | 45 |
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La classification a été établie à partir des informations communiquées par les dirigeants des entreprises. Ces informations proviennent d’une enquête réalisée auprès de l’ensemble des entreprises de l’April pour déterminer leur chiffre d’affaires, leur effectif, leur part de chiffre d’affaires liée aux logiciels libres, la part de chiffres d’affaires « métier » par rapport au chiffre d’affaires « commodités », enfin, la définition de l’activité, la typologie des clients, et d’autres informations pertinentes.
2.7.2 Cartographie des acteurs de l’écosystème du Libre
Définition des métriques :
- axe horizontal :
- services : conseil, prestations d’accompagnement au sens large,
- logiciel : revenus liés à un développement applicatif dans un contexte de logiciels libres, à la vente de logiciels et de maintenances ;
- axe vertical :
- commodités : spécialisation fonctionnelle ou technique,
- métiers : spécialisation métier.
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2.8 Vers une nouvelle chaîne de valeurs...
La création de valeur dans le Logiciel Libre est liée à la rapidité de mise à disposition des solutions, de leurs évolutions, ainsi qu’à la prise en compte des possibilités offertes par les nouvelles méthodes de travail collaboratif. Les acteurs professionnels du marché se situent sur un continuum allant du métier d’éditeur au service.
Des entreprises industrielles dont l’activité principale s’écarte de ces modèles (constructeurs, fournisseurs de services en ligne, utilisateurs) emploient du Logiciel Libre pour des usages banalisés à un coût faible (commodité) et pour des situations spécialisées ou complexes (applications métier).
Tous ces acteurs s’organisent en une chaîne de valeur qui constitue un écosystème diversifié pour produire une activité économique en plein essor : celle du Logiciel Libre dont le moteur principal est la dimension communautaire autour de la valeur ajoutée.
Chapitre 3
Le Logiciel Libre, vecteur de création de valeur
Cette partie vise d’une part à définir l’ensemble des apports des logiciels libres du point de vue technologique, économique, de l’innovation, de leur diffusion, leur appropriation et leur notoriété.
D’autre part, à présenter la valeur ajoutée pour le consommateur de l’informatique, l’utilisateur final, pour les industriels de l’informatique et pour l’ensemble de l’industrie.
3.1 Les apports généraux des logiciels libres
L’idée motrice de la création de logiciels libres est la liberté. Ils sont accessibles à tous, tout le monde peut y contribuer, les utiliser en tout ou partie, créer une économie ou un marché. Cette liberté conduit à des éléments différenciateurs par rapport au modèle traditionnel :
- Le ticket d’entrée est faible, les licences sont souples, ce qui rend le marché plus accessible pour de nouveaux entrants, sans limite à la volonté ou l’imagination de chacun.
- L’adaptabilité aux modèles de chacun confère aux logiciels libres une capacité à coller aux besoins des utilisateurs en toute indépendance technologique, aux besoins des développeurs sans les limites imposées par un calendrier unique d’éditeur.
- Plus de transparence dans le choix de son partenaire et de sa plate-forme. Ce modèle oblige en outre les partenaires choisis à rester compétitifs et performants puisqu’ils sont jugés en fonction de la valeur ajoutée qu’ils produisent (adhérence stricte aux standards de l’industrie — protocoles, formats de documents).
Une saine compétition entre les technologies, les projets ou les acteurs du Logiciel Libre tirent vers le haut le nombre et la qualité des solutions offertes. Les logiciels libres permettent à l’industrie informatique de sortir de la relation classique « client/fournisseur » pour ouvrir d’autres possibilités de collaboration entre acteurs, en particulier autour du principe de communauté de développement, au service de la productivité et de l’innovation. Cette transparence contribue à élever le niveau général en réétalonnant le marché vers le haut.
3.2 Les extensions de la technologie
La publication dans les communautés-projets sur l’Internet permet un accès généralisé à la technologie, une meilleure diffusion du savoir. Globalement, l’adoption des technologies subit un double phénomène d’accélération : la baisse du coût d’accès au savoir et le levier de la distribution à travers le réseau mondial. La valeur apportée aux utilisateurs bénéficie ainsi également d’une diffusion plus rapide des technologies et des dernières évolutions.
Prenons l’exemple de la contribution de Sun Microsystems à la communauté OpenOffice.org avec le développement d’une boîte à outils ODF visant à séparer les outils de bureautique de la gestion des documents. Avec le développement et la promotion de ce nouvel outil, l’éditeur prouve sa capacité à répondre aux besoins de ses clients tout en permettant à la communauté des logiciels libres de créer de nouvelles fonctionnalités ou utilisations. Et les opportunités offertes par ce cercle vertueux de collaborations croisées sont pour l’ensemble des parties prenantes (Sun Microsystems, communautés, utilisateurs) aussi nombreuses que les volontés respectives de chacun.
Les standards ouverts apportent souvent une contribution essentielle à l’adoption des logiciels libres. Réciproquement, les logiciels libres sont dans bien des cas choisis comme implémentation de référence de ces mêmes standards et la transparence d’accès (gratuité, code source fourni) favorise leur très large diffusion (exemple de la standardisation du protocole DNS avec Bind, ou du courriel avec Sendmail).
Le mode de développement Logiciel Libre conduit ainsi à financer le développement de composants logiciels ou la participation de journées d’experts qui sont remis en commun pour partager les résultats. Il n’y a plus d’investissement dans la refonte de commodités mais exclusivement dans les évolutions de la technologie : composants, bibliothèques, nouveaux modules fonctionnels...
La valeur ne se situe plus dans la culture du secret de la maîtrise d’un code, mais dans la capacité à communiquer, à construire et à fédérer une communauté, à recruter de nouveaux talents, puis à générer des besoins en services additionnels. Un utilisateur n’achète plus des logiciels de base, il achète des modules spécifiques, de l’expertise métier ou de la mise en œuvre couvrant exactement ses propres besoins. Le modèle repose sur la création de valeur ajoutée et non plus sur une économie de rente.
L’ouverture du code source offre à la fois une garantie d’intégrité des solutions de développement autour de standards communs, un gage d’interopérabilité pour les systèmes complexes, ainsi qu’un gage de pérennité des solutions choisies. Le Logiciel Libre apporte en ce sens une réponse fiable aux industriels dans les secteurs sensibles où l’indépendance technologique est indispensable (défense, administration, énergie). On peut notamment citer l’architecture Copernic de l’administration fiscale française — qui fournit entre autres le service de déclaration en ligne pour les impôts sur le revenu —, bâtie sur des composants logiciels libres.
Dans ce marché mondialisé, la généralisation du Logiciel Libre ouvre de nouveaux marchés et fait émerger de nouveaux talents. L’échelle de valeur est basée sur la méritocratie et l’émulation autour de technologies innovantes.
3.3 L’accélération de l’innovation
Le partage d’efforts de recherche autour des standards ouverts contribue à en améliorer l’interopérabilité et l’adoption à l’échelle mondiale. Les logiciels libres fournissent aujourd’hui les briques essentielles à la fabrication des systèmes et des applications. Une fois libérées du poids de la réécriture des fonctionnalités de base de leur système d’information, les entreprises peuvent ainsi se concentrer sur leur métier et libérer des ressources soit pour la recherche, soit dans de nouveaux développements, soit pour l’amélioration des performances. D’une manière générale, la compétition qu’installe le code ouvert pousse les acteurs du marché à se différencier par une innovation constante sur des cycles courts.
Par exemple, la libération des sources et spécifications du processeur SPARC a abouti à des versions de masque à 65 nanomètres par l’université de Santa Cruz (États-Unis). La publication de ces travaux permet à l’ensemble de la communauté (et donc à l’industriel Sun Microsystems) de partager un savoir-faire unique au monde et à en améliorer les performances.
Au niveau des commodités, l’excellence technique et l’innovation technologique dans le Logiciel Libre ont conduit à concevoir les systèmes les plus fiables (GNU/Linux, BSD, OpenSSH) vers lesquels converge le monde Unix, ainsi que les principales couches middleware (Python, Java, JBoss, ObjectWeb). Les projets complexes sont aujourd’hui basés sur du Libre : les produits à fort besoin de rendement et de fiabilité (virtualisation, terminaux ADSL, portails et moteurs Internet, Voice over IP (VoIP), etc.), la téléphonie et l’embarqué massivement développés sur des noyaux libres, ou le monde de l’Application Service Provider (ASP).
Les logiciels libres sont énormément utilisés dans des domaines de recherche de pointe comme le Calcul Hautes Performances (HPC) (le CERN déploie des grilles de calcul basées sur des architectures en Logiciel Libre), l’industrie aérospatiale (la NASA utilise Java pour piloter des sondes spatiales sur Mars), la recherche génétique, ou la couche sémantique du web. Ils bénéficient ainsi des dernières avancées sur le plan algorithmique ou mathématique qui sont un gage de performance et de fiabilité.
Les méthodes de collaboration du Logiciel Libre sont elles-mêmes retenues dans les laboratoires du monde entier comme modèle de partage : forums, wikis, P2P, forges logicielles, gouvernance des communautés, etc.
De nombreuses actions de recherche fondamentale dans des domaines comme la parallélisation des codes, la gestion de la mémoire des machines virtuelles, la prise en compte du « temps réel » applicatif ou les méthodes de refactoring de code de grande dimension sont réalisées en mode « Libre ». Ces travaux initiés par les industriels en collaboration avec le monde universitaire et les communautés sont au cœur d’une synergie aussi unique que prometteuse dans l’histoire de l’informatique.
Chapitre 4
Cartographie des modèles économiques
Il s’agit dans cette partie de présenter le continuum allant du métier d’éditeur au service à la base de la création de nouveaux modèles économiques : les modèles économiques du Logiciel Libre.
4.1 Marché
4.1.1 L’émergence du marché du Libre et de ses acteurs
L’année 1991 voit émerger le noyau Linux et son modèle collaboratif. Son évolution a conduit à valider des technologies désormais utilisées dans le monde entier. Étroitement associées à l’explosion des réseaux, DNS Bind, Sendmail, Apache, Linux, BSD, GNU, Perl, PHP sont devenus les standards « non marchands » de l’Internet.
Ce déploiement a été émaillé de success stories telles que celles de Cobalt, Star Division, SleepyCat (pour BerkeleyDB), AdaCore (pour le compilateur ADA GNAT) ou SuSE Linux. Plus récemment, JBoss racheté par Red Hat la valeur de 331 millions de dollars, SourceFire introduite avec succès sur le Nasdaq et Red Hat valorisée 6 milliards de dollars sur ce même marché, soit plus de 12 fois son chiffre d’affaires annuel.
Les premiers acteurs de la diffusion du Libre ont été les éditeurs de distributions GNU/Linux : Red Hat sur le marché américain (1995), SuSE en Allemagne (1996), Mandrakesoft en France (1998 — maintenant devenue Mandriva), et Debian en tête des distributeurs communautaires à partir des années 1990.
Ces sociétés proposent de distribuer le système GNU/Linux associé à un ensemble de logiciels libres pour installer un serveur ou un poste de travail. Leur modèle économique est centré sur la vente d’offres additionnelles, de formation et de support. En parallèle, entre 1996 et 1999, ils ont favorisé l’essor des sociétés de services spécialisées qui sont apparues pour proposer des prestations de mise en œuvre de logiciels libres : développement, intégration et support.
Les pionniers du service en France sont Alcôve (1996) et Easter Eggs (1997). Elles ont créé le modèle de la société de services spécialisée en logiciels libres. Ce concept sera plus tard repris par d’autres entreprises telles que Aurora (1999), Idealx (1999), ou encore Open Wide, Nuxeo et Linagora. Désormais, ce modèle est repris par les entités spécialisées créées dans les principales sociétés de services généralistes du marché.
4.1.2 GNU/Linux, valeur émergente du marché informatique
Fin 2000, IBM annonce 1 milliard de dollars d’investissement « autour de Linux » et sonne le ralliement des grands comptes. L’ensemble des éditeurs et constructeurs informatiques rejoignent le mouvement et investiront au fur et à mesure sur la plate-forme GNU/Linux : elle émerge en tant que valeur du marché de l’informatique.
Depuis, le modèle Libre a largement prospéré et permis d’accélérer la diffusion d’innovations notables dans les moteurs de recherche (Google, Voila), la sécurité informatique, la programmation objet (Java, Python, Perl, PHP), la téléphonie (Java), etc.
De grandes administrations sont aujourd’hui clientes du Logiciel Libre aux États-Unis, en Europe, dans les pays émergents, et pour la France, les principaux ministères (Intérieur, Minefi, Agriculture, Éducation nationale notamment), le secteur public (gendarmerie, CEA, CNRS) ainsi qu’un nombre important de grandes entreprises. Récemment, le Groupe PSA a annoncé basculer 20 000 postes de travail vers des postes utilisant le système GNU/Linux.
En 2006, le marché français du Logiciel Libre pèserait près de 500 millions d’euros de chiffre d’affaires, essentiellement en services. Il devrait, d’ici 2010, être multiplié par 10 selon les principales études disponibles sur le marché (sources IDC, PAC). De 1,4% du marché des services informatiques en France en 2006, le Libre pourrait atteindre 5% de part de marché en 2010.
4.2 Modèles économiques
4.2.1 Définition du continuum
L’émergence du Logiciel Libre est liée à l’accélération du marché des technologies de l’information et au besoin de compétitivité des entreprises.
Les facteurs clés sont :
- le développement fort de l’Internet qui joue le rôle de catalyseur ;
- l’externalisation croissante des systèmes informatiques ;
- le besoin de productivité ;
- le développement des logiciels libres.
Le modèle Libre a permis l’émergence dans le monde professionnel de nouvelles entreprises aux modèles hybrides. Ces modèles modifient en profondeur les relations entre éditeurs, distributeurs et sociétés de services.
Les « éditeurs » tirent leurs revenus des besoins de standardisation recherchés par les clients, tant dans les logiciels que dans les besoins d’évolutions.
Les distributeurs fournissent des suites complètes de logiciels en boîte blister ou en « appliance ». Ils vivent de la formation et du support.
Les « Société de Services en Ingénierie Informatique (SSII) » développent des logiques d’offres associant logiciels et services orientés métiers liées à leur savoir-faire. Elles vivent du déploiement et de l’intégration.
Le Logiciel Libre a redonné à l’ingénierie une nouvelle vigueur en mettant à disposition tout un ensemble de technologies fortement paramétrables et de composants réutilisables, personnalisables, qui sont autant de commodités en libre accès sur l’Internet. Ceci amène une montée inéluctable de la valeur ajoutée associée au service. Une tendance soutenue par l’amélioration des outils (gestion de projets, pilotage...).
À côté de cela, un rééquilibrage du contrôle de la technologie se produit en faveur des clients finaux qui réclament davantage de « progicialisation » ainsi que des modes de consommation à la demande (Service Oriented Architecture, Software As A Service) pour industrialiser les déploiements et la maintenance.
Cela conduit à concilier innovation, standardisation, distribution, personnalisation (spécifique), et retour sur investissement. D’où la spécialisation progressive des sociétés du secteur en faveur de modèles hybrides d’édition de logiciels, de distribution et d’intégration spécifique très orientés sur une économie de services. Face à cela, les acteurs de l’informatique propriétaire (éditeurs, intégrateurs...) doivent ouvrir leurs offres et adapter leurs modèles économiques en recréant de la valeur sur l’innovation et non plus sur la « rente ».
La professionnalisation du marché du Libre s’inscrit dans une logique de continuum dans laquelle les modèles « éditeurs » et « services » se rejoignent pour tendre vers des modèles hybrides adaptés aux modes de consommation des clients et des enjeux marché du moment.
4.2.2 Y a-t-il des modèles spécifiques au Libre ?
On peut considérer qu’il existe des modèles spécifiques au Logiciel Libre en ce sens qu’ils intègrent la réalité liée au changement de relation entre les éditeurs et les « SSII ».
Au départ éditeurs de distribution (Red Hat, Mandriva, SuSE Novell) et sociétés de services spécialisées dans la mise en œuvre de logiciels libres (les SSLL), ces modèles de type hybride constituaient la chaîne de valeur de l’industrie du Libre. Désormais, plusieurs facteurs viennent modifier cette chaîne de valeurs :
- La taille des projets rend les besoins en services plus importants.
- L’étendue des projets dans le système d’information étend les besoins en compétences diversifiées.
- Le choix de logiciels libres dans des projets critiques induit de forts besoins en maintenance et en garantie.
- Les commodités ayant fortement évolué, les besoins en progiciels métiers et offres à fort contenu technique entraînent des besoins d’évolution et d’innovation technologique constants.
Ainsi, les professionnels du monde Libre participent en tout ou partie à cette nouvelle chaîne de valeurs du modèle Libre, autour de plusieurs métiers :
- La conception et le développement de composants et d’outils libres : métier d’éditeurs technologiques.
- Et/ou la distribution et la commercialisation de ces composants/outils : distributeurs et éditeurs commerciaux.
- Et/ou les prestations des SSII : conseil, AMOA, AMOE, Ingénierie (régie, forfait), Formation, Maintenance (TMA).
- Et/ou les services additionnels éditeurs : support, Mises à jour (certification, documentation, évolutions, formation...).
- Et/ou les apports de l’écosystème du Libre : contribution aux communautés, diffusion des innovations.
Leur modèle reste fortement orienté sur différents types de prestations de services, cependant leur activité est davantage orientée côté utilisateur ou côté technique.
Le partage de valeurs et de pratiques communes permet de définir les entreprises du Libre :
- La veille technologique couplée avec une interaction avec les communautés du Libre.
- Le respect du modèle de développement Open Source et des standards de professionnalisme et d’éthique du Logiciel Libre.
- La compréhension, l’utilisation et la diffusion des licences libres.
4.2.3 Typologie des modèles économiques du Libre
En fonction de leur positionnement par rapport à la chaîne de création de valeur du Libre, les professionnels se différencient entre eux par les modes de commercialisation de leurs offres auprès de leurs clients. Nous avons ainsi recensé plusieurs modèles économiques qui reprennent dans leur modèle de vente tout ou partie des spécificités métiers de la chaîne de valeurs du Libre :
- le modèle d’éditeur (licence double ou licence décalée) ;
- le modèle distributeur à valeur ajoutée ;
- le modèle Application Service Provider (ASP) ;
- le modèle de services à valeur ajoutée ;
- le modèle d’intégrateur hybride.
Modèle d’éditeur de double licence ou licence décalée (AdaCore, Wallix)
Ce modèle concerne tout autant des éditeurs qui révolutionnent leurs modèles économiques (Ingres, Sun) que de nouveaux éditeurs 100% Libre (Mysql, AdaCore, Wallix) qui développent de nouveaux composants et/ou outils (frameworks). Ils proposent de publier dans la Communauté une version standardisée et mature de leur offre, afin de prendre position sur leur marché. Ils continuent d’investir sur de nouvelles versions vendues sous forme d’offres additionnelles ou de maintenance autour de leur noyau de base.
En parallèle, certains proposent une offre supérieure en fonctionnalités aux clients qui le demandent sur la base d’une tarification traditionnelle, et d’un autre modèle de licence.
Imposer un standard par l’ouverture du code constitue l’originalité de ce modèle créateur de valeur dans la mesure où l’accessibilité est offerte au client ainsi que le prototypage potentiel.
Nous sommes bien là dans un nouveau modèle issu de la révolution Logiciel Libre, à travers l’ouverture du code source et le fait d’appliquer des idées innovantes non pas pour protéger un fond de commerce, mais pour développer de nouveaux marchés.
Une variante (le modèle à licence décalée) consiste pour un éditeur, sur un principe équivalent, à ne facturer que les versions récentes de ses logiciels (6 à 12 mois) et ensuite à les publier dès commercialisation d’une nouvelle version majeure. Le client ne paye que pour l’innovation et éventuellement le support.
Les éditeurs vivent des services produits (maintenance logicielle, support revendeur, assistance utilisateur), et de la vente de modules additionnels.
Modèle de distribution à valeur ajoutée (Mandriva, Red Hat)
Ce modèle recense les acteurs dont le métier consiste à assurer la distribution physique de logiciels libres au sein d’un système d’exploitation complet rassemblant des versions sélectionnées disponibles sur le marché, et autour d’outils de mise en œuvre et d’utilisation adaptés aux besoins de leurs clients. Ils proposent une partie des services additionnels attendus par les clients autour du support et de la formation aux logiciels.
Lors de l’achat de logiciels propriétaires, l’utilisateur acquitte un droit d’utilisation personnel sous forme d’une licence payante ainsi qu’une redevance correspondant à la maintenance pour une durée d’un an. Lors de l’acquisition de logiciels libres auprès d’un distributeur, l’utilisateur a le choix entre télécharger son produit ou acheter une boîte classique incluant un cédérom et une documentation. Un abonnement à la maintenance permet d’accéder au système automatique de mises à jour, ainsi qu’aux services variés tels que l’assistance technique ou la formation nécessaires. L’utilisateur est libre de consommer selon ses besoins.
Les distributeurs génèrent des revenus de la vente des supports physiques de leur système d’exploitation en grande quantité, de la vente de services à valeur ajoutée : formation et support technique, ainsi que de la revente de leurs produits à travers des réseaux de revendeurs ou des accords Original Equipment Manufacturer (OEM).
Modèle ASP
Le fournisseur de service d’application (Application Service Provider) est une entreprise qui fournit des services informatiques à ses clients au travers du réseau Internet. Le point fort de ces entreprises est de fournir un accès à des applications particulières (comme un programme de facturation médicale) en utilisant un protocole standard comme HTTP.
En français, le terme FAH est aussi utilisé, il signifie Fournisseur d’Applications Hébergées.
Ce modèle répond à une forte demande du marché de disposer en ligne d’applications complètes et opérationnelles répondant à un besoin spécifique précis sous forme de location ou d’abonnement. Sa valeur ajoutée réside essentiellement dans le « on ne dépense que ce que l’on consomme », et dans son accessibilité.
Les ASP tirent avantageusement parti du Libre pour réduire leurs coûts d’infrastructure, tout en maîtrisant la distribution et la technologie qu’ils proposent à leurs clients.
Modèle de service à valeur ajoutée (Ingeniweb, Itaapy, Linagora...)
Dans ce modèle, nous retrouvons les sociétés qui offrent l’ensemble des prestations de services d’une SSII (conseil, ingénierie, formation, Tierce Maintenance Applicative (TMA)...) en s’appuyant sur une palette d’outils et de composants spécifiques du Libre. Souvent, ces entreprises ont une spécialisation fonctionnelle (CMS, CRM, mobilité) ou métier (ERP, informatique industrielle, sécurité).
Leur valeur ajoutée repose à la fois sur le savoir-faire de leurs experts impliqués dans les communautés du Libre, sur leur forte spécialisation technologique et sur leur connaissance fonctionnelle métier.
Ce modèle repose sur la vente de prestations intellectuelles sous toutes ses formes : conseil, expertise, développement au forfait, en régie, TMA. Ce modèle est recensé sous le concept marketing de Société de Services en Logiciels Libres (SSLL).
Modèle d’intégrateur hybride (Alter Way, Logilab...)
Ce modèle doit favoriser la nécessaire synergie inhérente au Logiciel Libre entre les métiers d’éditeur et ceux du service pour le seul profit du client, notamment dans les grands comptes et administrations.
On entend par « hybride » le fait de fédérer des offres « produits » et des offres « services » au sein d’un prestataire unique positionné soit sur un axe métier (par exemple la sécurité), soit sur l’axe du système d’information global de l’entreprise (par exemple le système d’information d’une collectivité locale, d’une filiale ou division d’une entreprise du CAC 40) en garantissant au client la cohérence et la pérennité de l’ensemble.
Ce modèle implique la recherche d’une taille critique minimale adaptée aux marchés des grands projets, sans « encapsulation » dans les offres des intégrateurs et opérateurs traditionnels (Cap Gemini, Atos Origin, Steria...)
Par là même, ce modèle facilite le choix pour un DSI de mettre en œuvre des alternatives en Logiciel Libre reconnues et matures sur le marché.
Les revenus de l’intégrateur proviennent de la revente des technologies et des prestations de mise en œuvre chez les clients.
4.3 Comment va évoluer le marché d’ici à 2010 ?
Jusqu’à présent, les principales caractéristiques du marché du Logiciel Libre étaient celles d’un marché émergent dans le secteur des technologies de l’information, à savoir :
- une forte croissance de + 30% en moyenne jusqu’en 2010 (source PAC, PacVision, Mai 2005.), en passant de 0,5% à 5% du marché global des technologies de l’information ;
- une multiplicité d’acteurs de petite taille ;
- des acteurs avec des stratégies de niches et des modèles économiques de type « tout en un » adaptés à des tailles de petits projets (SSLL) ;
- des investisseurs financiers dans des logiques de « capital risque » ;
- le rôle important et nécessaire sur le plan médiatique des pionniers faiseurs du marché, et un positionnement marketing comme seul facteur différenciateur ;
- une communication très idéologique, et donc fortement liée aux pouvoirs politiques et/ou aux sponsors industriels qui investissent dans le secteur soit pour des motivations d’indépendance, de sécurité, soit par mesure d’acquisition ou de protection de parts de marché ;
- le recours à la sous-traitance comme modèle économique ou aux stratégies de subventions directes ou indirectes auprès des pouvoirs publics ;
- peu de croissance de chiffre d’affaires, forte notoriété.
D’un marché confidentiel et émergent, le Libre est en train de pénétrer toutes les couches du système d’information et entre dans une phase de maturité, de structuration et de consolidation.
D’un modèle « tout en un » (SSLL), capable de proposer l’intégralité de la chaîne de valeurs sur des projets de faible envergure, ou de distributeur de commodités systèmes de type GNU/Linux accessibles en téléchargement, les acteurs du Libre doivent s’adapter à une demande plus globale, à des tailles de projets plus importantes ainsi qu’à la professionnalisation du marché.
Cette phase de structuration et de consolidation passera d’ici à 2010 par :
- Un remodelage des métiers et des modèles économiques des acteurs du Libre, capable de générer des modèles intermédiaires en phase avec les différents cycles de vie des acteurs concernés. Par exemple, un modèle de type distributeur à valeur ajoutée peut temporairement s’inscrire dans un schéma de type service à valeur ajoutée pour assurer son développement autour d’une première offre, en attendant la mise à disposition de nouvelles offres technologiques...
- Une phase de consolidation qui peut être opérée :
- Sur un axe vertical/métier (sécurité, commodités...) et donc, potentiellement, par un acteur de type distributeur à valeur ajoutée ou un éditeur de logiciel, interne ou externe au Libre.
- Sur un axe de type intégrateur hybride, spécialisé dans le Libre et à même de traiter des projets de grande taille et à plus forte criticité pour les clients.
- Sur un modèle industriel plus classique sous forme d’un prolongement d’activité dans une offre de SSII qui se positionne sur le marché avec une offre complète où cohabitent technologies libres et non libres.
- La nécessité pour ce marché du Libre de se doter de champions industriels 100% libre, d’une taille critique et d’un niveau de rentabilité qui pérennisent le modèle économique du Libre. Acteurs qui seront concurrentiels par rapport aux acteurs informatiques traditionnels (constructeurs, éditeurs, et intégrateurs...).
4.4 Illustration à travers sept entreprises membres de l’April
Illustrations pratiques des principaux modèles représentés par des acteurs économiques de l’April. Les textes suivants ont été écrits par les membres entreprises en question.
Sun : développement de composants pour la distribution
Le partage et l’Open Source ont joué un rôle décisif dans la fondation de Sun et forment le cœur de sa stratégie actuelle. Sun a fourni plus de lignes de code en Open Source que n’importe quelle autre organisation. Le président et CEO de Sun, Jonathan Schwartz, a lancé à son entreprise le défi de diffuser le code source de tous les logiciels qu’elle produit. Avec les dizaines de communautés Open Source parrainées par Sun, telles que OpenSPARC, OpenSolaris, GlassFish et désormais la technologie Java Open Source, Sun est sur le point d’atteindre son objectif. Sun est aussi l’un des contributeurs majeurs à des projets tels que X.org, Gnome, Apache, Mozilla.
Mandriva : éditeur de distribution
Mandriva développe et diffuse une distribution Linux incluant jusqu’à 3 000 applications. Mandriva cible d’une part le marché consommateur avec les produits Discovery (débutant), PowerPack (confirmé), PowerPack+ (serveur et poste de travail) et Flash (une solution Clé USB), et d’autre part le marché grands comptes avec Corporate Desktop, Corporate Server et les outils de déploiement et d’administration Pulse, LRS et LDS.
Le marché consommateur est servi dans le monde entier via la grande distribution, le commerce électronique et les accords OEM avec des constructeurs. Le marché grands comptes est servi en vente directe, essentiellement en France, au Brésil et aux États-Unis. Mandriva met à disposition de ses utilisateurs Mandriva Free (pure GPL) et Mandriva One, deux distributions gratuites, maintenues gratuitement. Ces versions sont téléchargées à des millions d’exemplaires.
AdaCore : éditeur 100% libre
AdaCore développe et commercialise GNAT Pro, l’environnement de développement de référence pour le langage Ada (Ada 83, Ada 95, et Ada 2005). AdaCore est une entreprise 100% Logiciel Libre dont le modèle commercial repose sur un abonnement annuel comprenant la mise à disposition d’outils de développement sous une licence adaptée aux usages industriels, ainsi que l’accès à un service en ligne fourni par les développeurs des outils GNAT Pro comptant parmi les meilleurs experts d’Ada.
Les clients d’AdaCore sont les grands acteurs de l’avionique, du contrôle aérien, de la défense, du spatial, du transport ferroviaire, des services financiers, et de l’imagerie médicale.
Wallix : éditeur licence double et intégrateur
Wallix est éditeur et intégrateur de logiciels libres pour la sécurité, la supervision et la gestion de l’infrastructure des systèmes d’information. L’offre logicielle de Wallix s’articule autour de 4 lignes produits que sont TotalSecure, Wallix LogBox, Wallix WatchServer et Wallix AdminBastion qui s’adressent aux entreprises qui souhaitent déployer des solutions reconnues, performantes et évolutives en bénéficiant de l’apport des logiciels libres.
L’offre Wallix est accompagnée de services d’expertise et d’un support professionnel accessible par email et par téléphone. Le centre de support de sécurité (SOC) de Wallix est accessible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Il assure aujourd’hui la gestion à distance de plus de 500 serveurs de sécurité répartis sur 4 continents. Wallix est aussi le principal contributeur du projet sshproxy.
Itaapy : Société de Services en Logiciels Libres (SSLL)
Itaapy est spécialisée dans les nouvelles technologies de l’information : dématérialisation de procédures, gestion électronique de documents, planification de ressources, e-Gouvernement, e-Learning.
Itaapy intervient en services sur l’ensemble des domaines logiciels en conseil technique et fonctionnel, en assistance à maîtrise d’ouvrage, en développement et en formation. L’environnement technologique d’Itaapy est le Logiciel Libre en général, et le langage Python en particulier dont l’entreprise est un expert du marché en France.
Alter Way : intégrateur Open Source hybride, services et édition
Alter Way fédère des sociétés emblématiques et spécialisées qui ensemble couvrent les principaux besoins du système d’information : gestion de contenu, groupware et bases de données, infogérance système et réseau et hébergement...
Ses dirigeants fondateurs, Philippe Montargès et Véronique Torner, veulent apporter aux grands comptes, administrations, collectivités locales et PME/PMI, une réponse industrielle globale assurée par un interlocuteur unique pour la mise en œuvre de solutions Open Source.
Ils construisent un groupe qui fait valoir sa compétence distinctive du Libre ainsi qu’une capacité d’accompagnement et une pérennité comparables à celles des intégrateurs traditionnels.
Libre-entreprise : réseau d’entreprises sur un modèle coopératif
Libre-entreprise, créé en 2002, est historiquement le premier réseau de sociétés de services en Logiciel Libre. Les sociétés du groupe Libre-entreprise sont implantées sur toute la France et en Belgique. Elles mettent en œuvre dans leur mode de fonctionnement les principes qui prévalent dans la communauté du Logiciel Libre : mutualisation des compétences, transparence, démocratie (1 homme = 1 voix). L’organisation en réseau permet à toutes les sociétés membres de proposer une offre commerciale étendue et de disposer d’un ensemble de ressources spécialisées et diversifiées. Chaque entreprise du réseau fonctionne comme une unité de gestion indépendante. Ces principes sont rassemblés dans une charte, voir [24].
Logilab : éditeur, intégrateur et centre de formation
La particularité de Logilab est de s’être donné un cadre assez strict en faisant le choix de techniques, d’outils et de domaines d’applications. Dans ce cadre défini par Linux, Debian, C, Fortran, Python, les méthodes agiles, l’informatique scientifique et la gestion de connaissance, Logilab a des activités très diversifiées. Elle intervient auprès de PME comme de grands comptes, publics comme privés, industrie comme recherche, pour du conseil, de la formation, du développement, etc. C’est avant tout l’expertise technique dans les domaines concernés et la maîtrise des outils sélectionnés qui sont recherchées par ses clients, ce qui la différencie du modèle de la SSLL qui favorise la polyvalence et offrira ses compétences pour la plupart des langages et des outils du marché.
Logilab a par ailleurs une organisation interne qui reprend certains traits des communautés Libres : l’autonomie et la responsabilité personnelle, le débat permanent, la distribution géographique, la coordination par la messagerie instantanée, l’utilisation de systèmes de gestion de source pour partager logiciels et documents. Ces caractéristiques sont souvent remarquées, car peu répandues au sein des organisations qui font usage de Logiciel Libre.
Remarques :
Chapitre 5
Les enjeux technologiques, économiques et stratégiques
Deux facteurs ont facilité l’essor du Logiciel Libre : la baisse du coût des ordinateurs et le déploiement d’Internet. D’autres phénomènes actuels accélèrent l’usage de Logiciel Libre : l’évolution des technologies entraîne un accroissement des équipements grand public contenant une informatique embarquée de plus en plus puissante et communicante.
Les enjeux de l’économie numérique dans la vie courante favorisent ainsi une capillarité de plus en plus importante des logiciels sous forme de commodités.
5.1 L’enjeu du Logiciel Libre dans l’économie de l’immatériel
L’arrivée massive du numérique dans tous les secteurs économiques met en évidence les propriétés particulières des « biens immatériels ». Leur importance croissante et les évolutions qu’ils entraînent ont fait apparaître de nouveaux enjeux économiques autour d’une économie de l’immatériel. Les objets informationnels ont une propriété clé : le coût marginal d’une copie est presque nul. Jusqu’à l’apparition du numérique, l’économie a fonctionné principalement sur l’échange de biens matériels, dont la possession est exclusive. Cela suppose que lorsqu’un bien matériel est vendu, sa possession passe à l’acquéreur.
Pour un bien immatériel, lorsque le bien est vendu, le vendeur le possède encore (on parle de non-rivalité). L’acte de vente constitue en général une duplication du bien, ce qui ne demande pas d’opération de production lourde.
Le paradigme de la rareté des biens facilite le fonctionnement de l’économie traditionnelle. L’arrivée de l’Internet au contraire et de la diffusion de masse bouscule les modes de commercialisation préexistants tout en générant de nouvelles possibilités de développement économique. Les récents débats autour du téléchargement des œuvres musicales sur Internet et le vote houleux de la loi DADVSI en sont bien sûr une autre illustration. La question du modèle de rémunération de la production des biens informationnels, notamment des logiciels informatiques, est dans ce contexte un enjeu majeur. Faut-il s’opposer aux évolutions offertes par l’Internet en finançant des barrières à la diffusion ?
Le Logiciel Libre suit la voie de la diffusion sans limitation, en proposant ainsi de nouveaux modèles économiques pour l’économie de l’immatériel.
5.2 L’enjeu économique de l’innovation
Face au désavantage de ne pouvoir baser son modèle économique sur un revenu tiré de la vente de chaque copie, le Logiciel Libre bénéficie d’atouts qui contribuent à son succès.
En premier lieu, le système des licences libres permet une adaptation rapide des projets à la mondialisation de l’économie et à l’accroissement des échanges numériques au niveau mondial, en particulier via l’Internet. La rapidité de réaction face aux besoins des clients et à l’évolution de la technologie constitue un avantage économique certain.
Le Logiciel Libre permet de monter des projets réunissant des structures de natures différentes, internationalement. Il permet aux participants d’entrer dans le projet ou d’en sortir à tout moment sans frais et avec une complexité contractuelle et juridique minime. Face à la difficulté de contractualiser une collaboration dans un contexte de logiciel propriétaire, il s’agit là d’un avantage en terme de réactivité qui peut se compter en mois, voire en années.
Ensuite, le Logiciel Libre facilite la mise à disposition de versions précoces du logiciel et la prise en compte du retour d’expérience des utilisateurs très tôt dans le cycle de développement. Ces deux caractéristiques permettent au Logiciel Libre de bénéficier en général d’un time to market inégalable par un schéma propriétaire. Cet avantage est d’autant plus net qu’il s’applique à des solutions innovantes, pour lesquelles avoir la première réalisation disponible sur le marché est primordial.
En outre, les modes de travail collaboratifs du secteur Logiciel Libre sont particulièrement adaptés au travail distant via Internet. Par exemple, l’innovation d’une fonctionnalité simple comme la génération d’un document PDF directement depuis le traitement de texte OpenOffice.org représente un avantage ergonomique que le leader du marché peine à rattraper en raison de la complexité contractuelle de cette fonctionnalité en environnement propriétaire.
L’innovation s’accompagne en parallèle d’une baisse relative de la valeur des solutions génériques (« commoditisation » ). Que ce soit en tant qu’utilisateur ou fournisseur de solution, l’adaptation à cette dynamique du marché est facilitée par le déploiement de standards ouverts et de logiciels libres. Les solutions alternatives se multiplient et s’étendent maintenant au poste de travail.
5.2.1 L’accès à la compétition globale pour les PME innovantes
Pour de nombreuses sociétés de petite taille (particulièrement les éditeurs), les avantages du Logiciel Libre en terme de rapidité de mise en œuvre contrebalancent l’absence de rémunération à la copie. Le faible coût de diffusion du logiciel (téléchargement libre) permet à une petite structure innovante d’obtenir une reconnaissance internationale de son expertise. AdaCore et Mandriva sont des exemples de sociétés qui utilisent l’effet de coût marginal nul de la duplication et l’effet de levier de la diffusion via Internet de solutions logicielles. Un modèle économique couramment associé à ce type de développement est la vente de prestations de support dans le monde entier.
5.2.2 Mutualisation de la R&D des grandes organisations
Pour les grandes sociétés, la mutualisation par le Logiciel Libre de certains domaines de leur R&D représente un choix stratégique lorsque disposer de solutions exclusives n’est plus un enjeu concurrentiel fort. La demande de support technique, de suivi des versions (sécurité) et plus généralement d’expertise est présente quelle que soit la licence du Logiciel. Le Logiciel Libre incite l’éditeur qui fait ce choix à partager une partie de ce chiffre d’affaires avec des sociétés de service locales, plus proches du client, mais l’éditeur gagne en contrepartie un réseau de support élargi et peut se positionner sur l’expertise tout en bénéficiant d’une R&D mutualisée (notamment par la réutilisation de composants libres).
L’utilisation et le financement du Logiciel Libre constitue un axe de leur stratégie à long terme. Il est difficile aujourd’hui d’imaginer certaines applications sans Logiciel Libre (les « box » de l’ADSL, les composants réseaux embarqués, les architectures orientées service sur Internet). À ce titre, ces sociétés font partie de l’écosystème du Logiciel Libre.
Les modèles économiques vont donc au-delà des modèles directs de type éditeur/service pour aller vers des modèles indirects de mutualisation de R&D et de « coopétition », comme celui des FAI concurrents mais utilisant les mêmes briques logicielles de base. Un code source produit dans le cadre de la R&D d’un organisme a le potentiel de promouvoir le financeur dans les communautés de développeur dans la durée. L’importance de l’« effet goodwill » généré et la visibilité accrue des financeurs au sein du monde de l’Internet participent au retour économique des investissements réalisés.
5.3 L’enjeu de la transparence et de l’interopérabilité
La numérisation croissante de leurs processus métiers et de leurs informations rend les grandes organisations de plus en plus dépendantes de leurs outils informatiques, et donc de leurs fournisseurs. Dans ce contexte, la demande de transparence sur les logiciels (accès au code, auditabilité, sécurité juridique...) augmente car les organisations veulent avoir des garanties sur le fonctionnement de leurs systèmes, et minimiser leur dépendance vis-à-vis d’acteurs externes.
Un point fort du Logiciel Libre est de fournir des applications dont la pérennité, les évolutions et les coûts ne dépendent pas d’un éditeur unique, ce qui peut devenir problématique lorsque le poids de l’éditeur est tel que ses clients ne peuvent plus influencer sa stratégie. Du point de vue économique, les coûts en jeu incitent les utilisateurs à comparer la valeur ajoutée des solutions, à se méfier des « boîtes noires » et à mettre leurs fournisseurs dans une situation de concurrence. Présenter une offre ayant des garanties de transparence et d’indépendance devient un avantage concurrentiel. C’est par exemple le choix de Sun Microsystems avec Java et Open Solaris.
La numérisation pose aussi le problème de la conservation et de la réutilisation des informations de l’entreprise sur le long terme. L’utilisation de formats ouverts, désormais clairement définis notamment dans la loi française (Loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique), pour stocker l’information s’impose progressivement. En permettant une indépendance vis-à-vis de l’applicatif pour accéder aux informations, les formats standards améliorent la pérennité des données, et ouvrent la porte aux logiciels libres.
Le besoin d’interopérabilité lié au maillage croissant des échanges informatiques pousse à l’usage de solutions basées sur des normes et standards pour les interfaces et les formats de données, ce qui est encore à l’avantage du Logiciel Libre.
En synthèse, la croissance des échanges et du volume d’information géré par les entreprises entraîne une demande de transparence des outils et de mise en concurrence des fournisseurs. Cela se traduit par une demande d’ouverture des applications (code ouvert, méthodes standardisées) et une demande de standards interopérables (pérennité des données et facilité de communication). Cette demande bénéficie directement aux offres basées sur du Logiciel Libre.
5.4 Les enjeux d’indépendance
Le Logiciel Libre permet une forte maîtrise de son système d’information. Notamment, les décisions sur les évolutions des composants logiciels peuvent se prendre avec une plus grande liberté qu’en environnement propriétaire. Pour les structures dont le système d’information est un enjeu majeur en terme d’indépendance, le Logiciel Libre est un atout. Certains acteurs économiques utilisent le Logiciel Libre car l’indépendance qu’il permet vis-à-vis des fournisseurs permet d’obtenir un niveau élevé de secret industriel (Google maintient ses concurrents loin de ses infrastructures informatiques et salarie de nombreux contributeurs à des projets majeurs). Les leaders des télécommunications, du matériel informatique et des éditeurs de systèmes d’exploitation contribuent activement sur les logiciels qui leur permettent d’échapper au risque de domination d’un éditeur unique. Tous ces acteurs participent directement ou indirectement aux projets libres majeurs via des fondations (Mozilla, Apache) ou en salariant des développeurs (OpenOffice.org, Python, Samba).
Les gouvernements de nombreux pays veulent accroître leur souveraineté sur le secteur informatique, et soutiennent le Logiciel Libre au travers de projets de recherches ou de prestations de service (France et Europe, Inde, Japon...). Les systèmes d’information sensibles des ministères peuvent être soumis à des contraintes d’indépendance vis-à-vis des fournisseurs (pérennité, continuité de service, neutralité de l’administration, indépendance de l’État et sécurité informatique).
5.5 Les enjeux français et européens
L’Europe a fait le constat de la place prépondérante des États-Unis dans la technologie (Internet, logiciels, matériels informatiques) et des investissements majeurs d’autres régions (l’Asie a investi massivement dans la recherche et les logiciels libres : 85 milliards de dollars sur 10 ans). Face aux enjeux du numérique en terme de croissance et d’indépendance, l’Union européenne a défini un axe stratégique fort sur l’économie de la connaissance (stratégie de Lisbonne). Le Conseil européen de Lisbonne a fixé un objectif stratégique visant à faire de l'Union européenne « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010, capable d'une croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale» [15].
Le Logiciel Libre et les standards ouverts (dont Open Document Format) permettent dès maintenant à l’Union européenne de résoudre la grave question de l’interopérabilité des systèmes et des contenus parmi 27 pays et 23 langues officielles. L’Europe doit maintenant saisir l’opportunité d’un investissement dans la recherche en s’appuyant sur les logiciels libres pour diffuser et accélérer l’innovation, tout en restant autonome sur ses choix technologiques sans dépendance financière.
Le Logiciel Libre s’insère dans un renouveau industriel dans un contexte de développement durable, par la réutilisation de composants et la cohérence facilitée de politiques de développement économique au niveau européen, régional et local.
Dans ce contexte, la France doit maintenir les initiatives actuelles :
- collaboration des acteurs (associations, services, industriels et éditeurs) ;
- diffusion des apports du Logiciel Libre et création de thématiques propres au Logiciel Libre dans les pôle de compétitivité ;
- usage du Logiciel Libre dans les contextes d’indépendance technologique et de sécurité nationale ;
- usage du Logiciel Libre dans le cadre de la modernisation des systèmes de l’administration et des collectivités territoriales.
5.6 Les enjeux pour la recherche
Les logiciels libres constituent une très importante opportunité pour permettre aux acteurs du monde de la recherche de disposer de nouveaux moyens d’échanges et de communication, de faciliter l’accès aux meilleurs travaux pour les petites entreprises en favorisant les synergies dans des domaines de pointe.
5.6.1 De nouveaux moyens d’échanges
La recherche est un domaine depuis longtemps mondialisé et pour lequel l’informatique est devenue un outil indispensable. Les logiciels libres permettent par exemple l’élaboration de projets mondiaux autour du HPC (calculs de hautes performances) mutualisant les efforts de mise au point de leurs codes sources et le partage du temps de calcul (grilles). De plus, la connaissance des modes de fonctionnement internes de ces logiciels ouvre leur adaptation aux besoins d’une typologie très vaste de secteurs (biologie, aéronautique, finance, traitement du signal...).
Les logiciels libres permettent également aux industriels de communiquer plus efficacement les travaux de leurs laboratoires de recherche à destination de leurs clients et de spécifier avec eux et d’autres communautés des sujets communs, des outils ou des standards correspondant à des besoins réels d’utilisations futures. Ces échanges transparents sont aussi une garantie de pérennité des travaux de recherche financés par des fonds nationaux et de leur libre partage dans une optique d’augmentation de la valeur du « bien public ».
Enfin, l’ensemble des PME (dont un grand nombre de start-up) peuvent puiser dans cet immense réservoir de savoirs, de connaissances et d’outils, sans avoir à financer un investissement lourd, et disposer des ressources nécessaires aux innovations, synonymes de création de valeur économique et d’emplois.
5.6.2 Des synergies nombreuses
Le secteur du logiciel est en constante mutation et les logiciels libres doivent pouvoir s’adapter au mieux à ces changements. Il existe de nombreux domaines de recherche pour lesquels les synergies entre les industriels et les communautés du Logiciel Libre sont multiples et porteuses d’évolutions technologiques prometteuses.
- Compilateurs et langages : optimisation, intégration des processeurs multi-cœurs, génération de code croisé (Java, Ruby, PHP, Python), intégration des contraintes temps-réel, fermeture lexicale des langages...
- Outils de développement : refactoring de code, monitoring, éditeurs intelligents, intégration de nouveaux périphériques (mobilité)...
- Sécurité : amélioration des algorithmes de hachage (SHA1, MD5...), de chiffrement (AES, IDEA...) et des réservoirs d’entropie (entropy pool) pour les générateurs de nombres pseudo-aléatoires, recherche et correction des failles de sécurité...
- Interopérabilité : spécification et codage de pilotes de périphériques libres pour les cartes vidéo, création de batteries de tests d’interopérabilité, intégration des standards (ODF)...
- Systèmes d’exploitation : amélioration de la qualité des noyaux Linux embarqués, virtualisation des ressources, interfaces utilisateurs, fonctions d’accessibilité (prise en compte de l’ensemble des handicaps)...
5.7 Le brevet logiciel : un obstacle à surmonter
Face au succès du Logiciel Libre, la stratégie de défense des éditeurs partisans des solutions propriétaires se concentre actuellement sur les brevets logiciels. Ces acteurs veulent occulter le fait que la reproduction quasi gratuite des logiciels différencie fondamentalement cette activité de la production industrielle classique où les forces de la nature sont mises en œuvre. D’autre part, ils ne partagent pas la position sur la non-brevetabilité des idées, en refusant l’inférence menant de l’idée à l’algorithme puis au logiciel.
Il existe aussi une attitude qui consiste à déposer des brevets logiciels non pas pour empêcher la libre utilisation de logiciels libres couverts par ces brevets, mais afin d’offrir une protection (gratuite, bien sûr, on est dans le monde du Logiciel Libre) aux utilisateurs de ces logiciels libres contre des poursuites d’autres éditeurs. Cette attitude rejoint celle de quelques organisations comme l’OIN (voir plus loin) qui rachètent des brevets logiciels afin d’offrir une protection sur les points couverts aux auteurs de logiciels (libres ou pas) utilisant les composants protégés.
Une arrivée en Europe des brevets logiciels aurait pour conséquence que seuls les grands acteurs du logiciel propriétaire auraient la capacité juridique de traiter tous les problèmes d’imbrication liés aux brevets portant sur les multiples composants d’un nouveau logiciel.
Même si la durée d’un brevet logiciel est limitée dans le temps, le fait de maîtriser la chaîne de création de nouveaux brevets pour de nouveaux logiciels assure une hégémonie perpétuelle des acteurs installés. Il sera alors très difficile, voire impossible, à de nouveaux entrants de développer et de commercialiser de nouveaux logiciels hors des écosystèmes fermés du club existant. Cette situation bloquerait l’innovation des PME européennes au profit d’une rente de situation perpétuelle pour des sociétés qui deviendraient les possédantes de l’économie de l’information. L’enjeu est du même ordre que celui qui a amené aux législations antitrust dans le cadre du capitalisme industriel.
5.8 La protection face à la menace des brevets logiciels
Les brevets logiciels sont reconnus par les tribunaux des États-Unis depuis les années 1980. Les acteurs industriels de l’informatique ont tous déposé des brevets sur des logiciels, comme ils étaient habitués à le faire sur du matériel. Dans ce contexte où tout développement de logiciel risque d’enfreindre d’innombrables brevets existants, ceux qui ont fait le choix du Logiciel Libre ont décidé de neutraliser les effets négatifs des brevets logiciels en créant l’OIN et en nouant des alliances défensives. Par ce biais, ils tentent de déployer un bouclier dissuasif en achetant des brevets et en les mettant à disposition des développeurs libres.
Cependant une telle stratégie est une option difficilement réalisable pour la défense du Logiciel Libre, en raison des coûts d’obtention et de maintien d’un portefeuille suffisamment conséquent. Mais surtout, elle contribue à entretenir un système de brevets inadapté au logiciel.
En Europe, les brevets logiciels sont théoriquement interdits par le droit, cependant l’Office européen des brevets en a déjà accordé des dizaines de milliers, en interprétant librement la loi en sa faveur. Dans ce contexte d’incertitude juridique, la meilleure défense à adopter pour les acteurs du Logiciel Libre est de s’unir pour peser politiquement sur des initiatives législatives mettant clairement fin aux pratiques contestables de l’Office européen des brevets. C’est notamment ce qui a permis, en 2005, de faire échec à une directive européenne qui devait consacrer la légalisation des brevets logiciels.
Liste des acronymes
- ADSL
-
Asymmetric Digital Subscriber Line : technique de communication haut débit sur ligne téléphonique.
- AMOE
-
Assistance au Maître d’Œuvre : auprès du réalisateur du projet (par exemple pour une expertise technique).
- AMOA
-
Assistance à la Maîtrise d’OuvrAge : assistance auprès du donneur d’ordre (études en amont, réalisation de cahier des charges, par exemple).
- ASP
-
Application Service Provider : fournisseur de service d’application. Autre appellation : FAH.
- BSD
-
Berkeley Software Distribution : famille de systèmes d’exploitation Unix, développés à l’université de Berkeley.
- CEO
-
Chief Executive Officer : chef de la direction, plus haut responsable de tous les dirigeants opérationnels.
- CMMI
-
Capability Maturity Model Integration : méthode américaine d’évaluation de la qualité logicielle.
- CMS
-
Content Management System : ou système de gestion de contenu, permettant de gérer le contenu éditorial et la présentation d’un site et de le publier en ligne.
- CRM
-
Customer Relationship Management : ou gestion de la relation client.
- DRM
-
Digital Restriction Management : système objectif de contrôler par des mesures techniques de protection l’utilisation qui est faite des données numériques.
- DSI
-
Directeur des Systèmes d’Information : responsable de l’ensemble des composants matériels et logiciels du système d’information mis en œuvre.
- ERP
-
Enterprise Resource Planning : ou progiciel de gestion intégrée.
- FAH
-
Fournisseur d’Applications Hébergées.
- FAI
-
Fournisseur d’Accès à Internet.
- FDL
-
Free Documentation Licence : Licence libre pour la documentation, licence relevant du droit d’auteur produite par la Free Software Foundation utilisée pour les écrits (documentations, textes...).
- FOSS
-
Free and Open Source Software.
- FLOSS
-
Free Libre and Open Source Software.
- FAQ
-
Foire Aux Questions.
- FSF
-
Free Software Foundation à l’origine du projet GNU.
- GCC
-
GNU Compiler Collection : les compilateurs de la FSF, notamment pour les langages C, C++, Java, Fortran, Ada, etc.
- GPL
-
General Public Licence : Licence Publique Générale du projet GNU.
- HPC
-
Calcul Hautes Performances.
- ITIL
-
Information Technology Infrastructure Library : méthode basée sur un ensemble de bonnes pratiques pour la gestion d’un système d’information.
- LGPL
-
Lesser General Public Licence.
- ODF
-
Open Document Format : Format de bureautique normalisé ISO.
- OEM
-
Original Equipment Manufacturer : fournisseur de matériels ou de logiciels destinés à être préinstallés lors de la vente d’un ordinateur neuf.
- OIN
-
Open Invention Network.
- OSI
-
Open Source Initiative.
- PAC
-
Pierre Audoin Consultants.
-
Portable Document Format.
- SAAS
-
Software As A Service : technologie visant à fournir sous forme de service web un service applicatif usuellement local.
- SOA
-
Service Oriented Architecture : ou architecture orientée service, basée sur un couplage flexible des éléments d’un système d’information.
- SOC
-
Security Operation Center : centre de support de sécurité.
- SSII
-
Société de Services en Ingénierie Informatique : terme générique pour les sociétés de services du secteur informatique, souvent généralistes.
- SSLL
-
Société de Services en Logiciels Libres : SSII spécialisées sur les réalisations à base de Logiciel Libre.
- TMA
-
Tierce Maintenance Applicative : sous-traitance de la maintenance d’une application.
- VoIP
-
Voice over IP : utilisation des technologie type Internet pour le transport de la voix (téléphonie).
À propos de l’April
Pionnière du Logiciel Libre en France, l’April est depuis 1996 un acteur majeur de la démocratisation et de la diffusion du Logiciel Libre et des standards ouverts auprès du grand public, des professionnels et des institutions dans l’espace francophone. Elle veille aussi, dans l’ère numérique, à sensibiliser l’opinion sur les dangers d’une appropriation exclusive de l’information et du savoir par des intérêts privés.
L’association est constituée de plus de 4 000 utilisateurs et producteurs de Logiciel Libre (individus, entreprises, associations et collectivités locales). L’April est le partenaire privilégié pour la promotion et la défense du Logiciel Libre.
Contact :
Pour plus d’informations, vous pouvez vous rendre sur le site Web à l’adresse suivante : http://www.april.org/, nous contacter par téléphone au 01 46 49 25 15 ou par courriel à l’adresse formulaire de contact.
Annexe A
Typologie des licences libres
A.1 Définitions et principes généraux
A.1.1 La définition de « Logiciel Libre »
Avant d’aborder les licences en tant que telles, il apparaît utile de présenter une définition du terme « Logiciel Libre ». Ce terme est la traduction du terme américain Free Software proposé par la FSF, le principal organisme à avoir stabilisé et défini ce concept. Cette définition se veut indépendante d’une licence particulière.
Un Logiciel Libre est un logiciel qui peut être utilisé, copié, étudié, modifié et redistribué sans restriction majeure autre que la mise à disposition du code source. La définition de la FSF repose sur 4 libertés fondamentales, les voici reprises du site de la FSF, [18] : Les 4 libertés fondamentales :
- La liberté d’exécuter le programme, pour tous les usages.
- La liberté d’étudier le fonctionnement du programme et de l’adapter à vos besoins. Pour ceci, l’accès au code source est une condition requise.
- La liberté de redistribuer des copies, donc d’aider votre voisin.
- La liberté d’améliorer le programme et de publier vos améliorations pour en faire profiter toute la communauté. Pour ceci, l’accès au code source est une condition requise.
La définition du Logiciel Libre est indifférente à la question de la gratuité ou au mode de diffusion du logiciel (ce sujet est développé dans la FAQ des licences GNU [20]). Il est parfaitement possible de vendre un logiciel et de ne donner le code source qu’à l’acquéreur. Toutefois, il est impossible de restreindre les droits de l’acquéreur, notamment sa possibilité de diffuser ensuite largement le logiciel s’il le souhaite.
Par référence à la définition du Logiciel Libre, on appelle « logiciel propriétaire » ou « privateur » tout logiciel ne correspondant pas à cette définition, quelle que soit la raison (restriction sur le droit d’usage, code source non disponible...). Le terme de « logiciel commercial » est à éviter car imprécis : un grand nombre de logiciels libres sont édités dans un contexte commercial (par exemple, le serveur d’application JBoss).
Termes proches : le terme Open Source provient de l’OSI, qui promeut le Logiciel Libre sous l’angle de l’efficacité technique. L’OSI propose une définition de l’Open Source sur son site [28] et maintient une liste de licences compatibles. En pratique, les définitions FSF et OSI sont très proches. L’acronyme Free and Open Source Software (FOSS) est de plus en plus utilisé, voire même Free Libre and Open Source Software (FLOSS) dans le contexte européen.
A.1.2 La notion de « copyleft »
Parmi les différents types de licence Logiciel Libre, certaines permettent la modification et la redistribution du logiciel sans contrainte, et autorisent notamment des dérivés « propriétaires », par exemple sans mise à disposition des codes sources.
D’autres ont comme caractéristique d’exiger qu’un logiciel dérivé conserve le statut de Logiciel Libre de l’original. Cette caractéristique est connue sous le terme de « copyleft ». Il s’agit du principal point de débat, voire d’incompréhension, sur la question des licences. Le but poursuivi par le système de copyleft est de construire un ensemble de logiciels libres qui ne puisse que croître, puisqu’on ne peut qu’y ajouter du logiciel, le principe du copyleft interdisant à un logiciel et à ses dérivés de quitter ce « pot commun ».
A.1.3 Typologie des licences « Logiciel Libre »
La typologie classique des licences Logiciel Libre comprend deux ensembles principaux, licences avec ou sans copyleft, et un cas spécial : le domaine public. Cette classification est complétée par des éléments sur la compatibilité des licences libres entre elles et la valeur contractuelle des licences.
Domaine public. Peu de logiciels sont placés dans le domaine public. La plupart du temps, il s’agit de courts exemples ou de démonstrations de fonctionnalités. En pratique, si un auteur se contente d’écrire dans l’introduction du logiciel « diffusion dans le domaine public », il est néanmoins couvert par le droit d’auteur.
Licences sans copyleft, dites de type BSD. La caractéristique de ces licences est de ne pas obliger à conserver la même licence pour une œuvre dérivée. Le code des logiciels utilisant ces licences peut donc être intégré dans du logiciel propriétaire ou du Logiciel Libre avec copyleft. Il existe plusieurs licences très proches dans cette famille, les licences Berkeley Software Distribution (BSD) proprement dites, par exemple la licence du projet Free BSD [8] ou celle de PostgreSQL [11], mais aussi la licence X11 de l’interface graphique X11, la licence Apache [2] de l’Apache Software Foundation (serveur web Apache, Tomcat), la licence française CeCILL-B [4]. Certaines de ces licences ont des particularités issues de leur longue histoire qui peuvent rendre leur usage difficile pour un nouveau projet. Cependant, les projets actuels ont adopté des licences BSD dites « modifiées » (par rapport à la licence BSD originale) simplifiant leur intégration.
Licences avec copyleft. Ces licences exigent qu’un logiciel dérivé conserve son statut de Logiciel Libre, notamment par la fourniture du code source de la version modifiée. En pratique, cela signifie qu’il n’est pas possible de diffuser un logiciel propriétaire incorporant du code utilisant une telle licence.
La principale licence de ce type est la GNU General Public Licence (GPL) [21] de la FSF. Elle est utilisée par le noyau Linux et l’ensemble des projets GNU, dont l’environnement Gnome, le compilateur GCC et les principaux utilitaires d’une distribution dite GNU/Linux, et depuis quelques mois l’implantation Java de Sun Microsystems.
D’autres licences de ce type sont la Lesser General Public Licence (LGPL) de la FSF, qui offre la possibilité de lier dynamiquement le programme à une application propriétaire. Cette licence est typiquement utilisée pour des bibliothèques, dont la bibliothèque C du projet GNU. La LGPL est notamment utilisée par le projet OpenOffice.org, la plupart des développements du consortium ObjectWeb, et le projet JBoss.
La licence CeCILL v2 — pour CEa-Cnrs-Inria-Logiciel-Libre [4] — est une licence francophone compatible avec la GPL, proposée par le CEA, le CNRS et l’INRIA. Enfin, des licences particulières comme la Common Public Licence (origine IBM) ou la Eclipse Public License [5] (projet Eclipse) ont un fonctionnement de type copyleft.
Il faut noter qu’il est tout à fait possible d’incorporer des logiciels libres dans un développement interne sans se préoccuper de la licence ou du statut copyleft des différents composants si aucune diffusion n’est envisagée. Néanmoins, il est souhaitable de connaître le statut des différents composants au cas où la question de la diffusion se poserait un jour (cas de la réutilisation par une société filiale, par exemple).
Deux précisions utiles sur la licence GPL :
- La liberté d’exécuter le logiciel est un droit consenti par les ayants droit du logiciel (au sens du droit d’auteur) qui ne nécessite pas l’acceptation d’un contrat de la part de l’utilisateur. Voir à ce sujet la FAQ de la GPL [26], ou une explication [] du juriste de la FSF au sujet de la GPL, page 2 : « The license does not require anyone to accept it in order to acquire, install, use, inspect, or even experimentally modify GPLed software. »
- L’obligation de fournir le code source ne s’applique que vis-à-vis des tiers auxquels le logiciel est diffusé. Par exemple, il n’est pas nécessaire de communiquer explicitement les modifications vers les auteurs initiaux ou des tiers non destinataires du logiciel modifié [20].
Dans un domaine proche, il existe des licences orientées « contenu multimédia » ou « documentation », on peut ainsi citer la GNU FDL et les licences Creative Commons. Ces licences ne sont pas étudiées plus avant dans ce document, car il est improbable de trouver des logiciels utilisant ces licences qui ne sont pas adaptées à du code source. Par exemple, un code sous Creative Commons peut facilement être incompatible avec la définition du Logiciel Libre (restrictions sur les partie modifiables, restrictions quant à la diffusion commerciale, etc).
A.1.4 Compatibilité des licences libres
Dans le contexte des logiciels propriétaires, lorsque deux licences se confrontent, des avocats s’assoient autour d’une table et proposent aux chefs d’entreprise de signer le résultat de leurs cogitations. Dans l’univers des logiciels libres, où le mélange est la règle, une telle dépense d’énergie paralyserait les acteurs. La question de la compatibilité des licences est donc unique au Logiciel Libre : elle demande un soin particulier aux rédacteurs des licences et fait l’objet d’études régulières. Afin d’éviter que chaque assemblage de deux logiciels ne requiert la présence de juristes, le problème est résolu en amont.
Du point de vue de l’entreprise utilisatrice ne visant aucune distribution de logiciel, cette question peut sembler secondaire. Cependant, connaître les limites de compatibilité sert à évaluer les possibilités de contribution à des projets logiciels libres externes, et à anticiper les difficultés de maintenance d’un produit basé sur des composants multiples.
En principe, il est possible d’incorporer du code Logiciel Libre d’origine non copyleft, par exemple de type BSD, vers un projet de type copyleft, par exemple GPL, l’inverse n’étant pas possible. Il y a cependant de nombreuses incompatibilités. En théorie, la compatibilité de chaque licence doit être étudiée avec toutes les autres licences. En pratique, ce travail systématique n’est fait que par la FSF qui donne priorité aux licences dont elle est l’auteur.
La principale licence copyleft (plus de 65% des logiciels libres selon la forge freshmeat), la GPL, est sensible aux contraintes supplémentaires imposées par les autres licences. Par exemple, les clauses relatives à la cession de droits sur les brevets (en anglais : patents) rendent la licence Eclipse incompatible avec la GPLv2. En conséquence :
- Certains projets ont fait évoluer les termes de leur licence (qu’elle soit copyleft ou non) pour avoir une licence compatible avec la GPL. Par exemple, on vérifiera alors qu’on a bien affaire à une licence dite BSD nouvelle génération, ou à une licence CeCILL version 2, ou à une Artistic License 2.0 (Perl). La FSF maintient une liste des licences sans copyleft compatibles avec la GPL [19]. En pratique, les projets utilisant des licences de la famille BSD (MIT, X11...) ont tous fait évoluer leur logiciel vers des versions compatibles depuis plusieurs années.
- De nombreux projets majeurs tendent à utiliser un système de licences
multiples (dual licensing) pour permettre la mutualisation de code avec
l’écosystème GPL. Cela signifie que l’entreprise utilisatrice peut choisir pour un
même composant la licence qui convient le mieux à son usage parmi plusieurs
licences. Quelques projets dans cette situation :
- le projet Perl est en double licence Artistic License et GPL ;
- Firefox migre progressivement son code de la Mozilla Public License (MPL) vers la GPL ;
- Sun Microsystems fait converger progressivement certains de ses développements vers la GPL (dont Java et les processeurs OpenSPARC), alors que certains restent avec des licences sans copyleft (par exemple OpenSolaris, sous licence CDDL) ;
- le projet Mono (.NET pour le monde GNU/Linux) a trois licences : le compilateur C# est GPL, le runtime est LGPL et les bibliothèques sont MIT (une licence de type BSD) ;
- l’environnement de développement Qt (notamment utilisé par KDE) est en double licence QPL et GPL, la QPL étant elle même une licence permettant d’utiliser diverses licences pour l’application développée ;
- les projets MySQL et Asterisk utilisent un modèle de double licence propriétaire et GPL.
- Les licences récentes de type copyleft se proclament explicitement comme
compatibles avec la GPL. C’est le cas de la licence CeCILL v2 et de la récente
licence European Union Public Licence (EUPL v.1.0) [6]. Cette dernière, qui
vise une utilisation large en Europe, a même prévu un mécanisme évolutif
spécial pour rester compatible avec les principales licences copyleft.
Actuellement, la licence EUPL est compatible avec :
- GNU General Public Licence v2,
- Open Software License v2.1 et v3,
- Common Public License v1.0,
- Eclipse Public License v1,
- CeCILL v2.
- Une nouvelle version de la licence GNU GPL est apparue : le 29 juin 2007, la FSF a publié la version 3 de sa licence GPL (GPLv3). Cette mise à jour — voir section A.2.2 à la page 73 pour les spécificités — ne change pas les caractéristiques fondamentales de la licence, mais la GPLv3 n’est pas compatible avec la précédente version au sens où mixer du code GPLv3 et GPLv2 n’est pas faisable : il est alors nécessaire de migrer l’ensemble vers la version 3. On peut noter qu’une mention est présente dans la quasi-totalité des logiciels utilisant GPL qui laisse la liberté à tout utilisateur de substituer à la licence une version ultérieure (en l’occurrence de la version 2 à la version 3), ce qui facilite la mise à jour progressive des logiciels vers la GPLv3. Le même principe s’applique à la LGPLv3 sortie à la même date pour remplacer la LGPLv2.
Conclusion. La compatibilité des licences peut sembler problématique dans son ensemble, cependant les projets majeurs travaillent à proposer des solutions de convergence vers les licences les plus utilisées, notamment la licence GPL [25, 19]. Dans le cadre d’un système d’information d’entreprise, l’intégration des logiciels se situe le plus souvent au niveau des interfaces entre logiciels, il est alors possible d’éviter de mixer des codes sources de licences différentes.
A.1.5 Licence ou contrat
Une complexité conceptuelle de la licence GPL est qu’elle prétend ne pas être un contrat, ce qui peut poser des difficultés de compréhension en Europe. Aux État-Unis, la GPL s’appuie essentiellement sur le droit d’auteur (copyright), alors qu’en France, et dans de nombreux pays d’Europe, l’habitude est de licencier les logiciels par des contrats. Les principales différences sont qu’un contrat doit être accepté par les deux parties et les clauses de responsabilité inhérentes aux contrats logiciels. L’utilisation licite d’un programme sous GNU GPL n’impose pas une relation contractuelle entre l’utilisateur et le titulaire des droits d’auteur. Une analyse de cette particularité est présentée dans l’annexe D page 89, « Point de vue juridique : licence GNU GPL, contractualisation et utilisateur secondaire ».
Cette différence d’appréciation et la volonté d’avoir une licence d’origine française ou européenne basée sur une mécanique contractuelle sont à l’origine de la rédaction des licences CeCILL et EUPL. Néanmoins, la validité de la licence GPL a été confirmée à plusieurs reprises par des tribunaux européens.
A.2 Évolutions prévisibles
A.2.1 L’émergence de la licence EUPL et de la licence CeCILL
La nouvelle licence EUPL, approuvée en janvier 2007 par le programme Interoperable Delivery of European eGovernment Services to public Administrations, Business and Citizens de la Commission européenne (IDABC), vise à doter l’Union Européenne d’un outil efficace pour ses projets. Or, d’une part le besoin d’avoir un équivalent local de la GPL semble présent dans de nombreux pays (dont la France), et d’autre part la Commission européenne dispose d’une forte capacité d’incitation à travers les projets de recherche européens. On peut donc imaginer un bel avenir pour cette licence d’ici à quelques années.
En parallèle, l’initiative française CeCILL semble connaître un succès réel pour les projets issus de l’INRIA, du CNRS ou des administrations centrales. On constate, en observant les statistiques de la forge de l’ADULLACT [14], que la licence GPL la devance encore : environ 105 GPL, 5 LGPL, 25 CeCILL, 25 BSD. Sur la forge Admisource [1] (orientée administrations centrales), on observe 7 projets en licence CeCILL pour 8 projets en GPL. De son côté, le consortium ObjectWeb [27] privilégie aujourd’hui la licence LGPL pour la plupart de ses développements, dont le serveur d’application Jonas.
A.2.2 La bascule de la licence GPL version 2 à la GPL version 3
La licence GPL version 2 datant de 1991, les évolutions des lois et des techniques ont amené la FSF à mettre à jour la licence GPL : depuis juin 2007, la version courante de la licence GPL est la version 3. La GPLv2 reste néanmoins toujours valide. La réécriture de la GPL ne change pas ses principes fondamentaux, les mises à jour concernent les aspects suivants :
- Clarification et internationalisation : la nouvelle rédaction de la licence vise à faciliter une interprétation identique dans tous les systèmes juridiques à travers une définition précise des termes employés. Les concepts techniques comme la diffusion de logiciel ont été adaptés à l’état de l’art actuel.
- Protection spécifique contre le phénomène dit de « tivoization », c’est-à-dire la mise en place d’un verrou matériel rendant impossible la modification d’un Logiciel Libre (par exemple dans un système embarqué). Ce type de blocage n’est plus permis dans le cadre d’un produit destiné au grand public. Le verrouillage reste possible au sein d’une organisation ou entre professionnels, ce qui revient à dire en pratique que le destinataire doit accepter le verrouillage du logiciel par un procédé matériel pour que la licence soit respectée.
- Protection explicite vis-à-vis des brevets logiciels : diffuser ou contribuer à un logiciel GPL implique dorénavant de concéder une licence sur d’éventuels brevets couvrant le code contribué. En pratique, cela revient à interdire de diffuser un code dont l’utilisation serait bridée par un brevet. Cette protection s’accompagne de clauses antidiscriminations qui visent à réduire la portée d’accords privilégiant une classe d’utilisateurs par rapport aux autres (par exemple les clients d’un fournisseur particulier).
- Dans certaines législations, il n’est pas légal de modifier un dispositif de contrôle d’usage, généralement nommé Digital Restriction Management (DRM). La GPLv3 mentionne donc explicitement que l’auteur du logiciel couvert par la licence renonce à ce que son logiciel soit considéré comme un DRM.
- Modularité et compatibilité : la GPLv3 comporte un système modulaire permettant des extensions pour certains éléments : permissions additionnelles et extensions contractuelles, clauses de garantie et de responsabilité, stipulations sur les marques... Ce système permet à la licence GPLv3 d’être maintenant compatible avec la licence Apache.
Il est encore trop tôt pour évaluer toutes les conséquences du passage de la GPLv2 à la GPLv3 sur l’écosystème du Logiciel Libre, mais l’opinion dominante parmi les acteurs du domaine est :
- L’ensemble des projets GNU, dont des briques de base comme la bibliothèque C, migrera très vite vers la GPLv3.
- Le noyau Linux restera longtemps en GPLv2 (il ne contient pas la clause facilitant le passage à une version ultérieure de la version GPL). Toutefois, les conséquences sont limitées, Linux étant techniquement indépendant du reste de l’écosystème GPL.
- La plupart des autres projets GPLv2 passeront progressivement en GPLv3, notamment en raison de leurs dépendances en cascade d’autres composants GPL.
- Les grands acteurs du marché en charge de projets importants utilisant la GPL (Sun Microsystems, Red Hat...) pourraient suivre rapidement.
- Certains acteurs du marché ayant profité par le passé des failles de la GPLv2 (TiVo, Novell) devront revoir une partie de leurs accords commerciaux ou rester cantonnés en GPLv2.
Au final, si ce changement de version aura une importance pour les acteurs de l’offre, il devrait être transparent pour les particuliers et les grands utilisateurs. Les dispositions de la GPLv3 sur les DRMs constituent une clarification conceptuelle sans conséquence pratique, elles actent l’incompatibilité connue entre les contraintes de blocage d’un logiciel de contrôle d’usage et l’ouverture du code des logiciels libres.
Les conséquences du changement de version de la licence GPL sur l’évolution des licences européennes EUPL et CeCILL restent à étudier.
Annexe B
Les enjeux stratégiques du Logiciel Libre
Document de sensibilisation :
Ce document fut réalisé par l’April à l’occasion du lancement du « Pacte du Logiciel Libre » pour les élections législatives 2007, dans le cadre de l’initiative Candidats.fr.
La notion de Logiciel Libre a été formalisée au début des années 1980. Des chercheurs attachés au modèle de développement collaboratif et à la culture de publication scientifique qui était alors la norme en informatique ont décidé de sécuriser juridiquement leurs pratiques et leurs travaux.
Ils ont rédigé des licences s’appuyant sur le droit d’auteur pour partager leurs logiciels avec l’humanité entière, tout en les protégeant des tentatives d’appropriation. Eben Moglen, l’un des rédacteurs de la dernière version de la licence Logiciel Libre la plus populaire — la GNU GPL — déclare ainsi souvent que cette licence permet « la création d’un fonds commun auquel chacun peut ajouter mais duquel nul ne peut retrancher ». L’autre rédacteur, Richard Stallman, aime à rappeler que l’on peut définir le Logiciel Libre en trois mots : « Liberté, Égalité, Fraternité ».
En pratique, les logiciels libres pouvant être librement utilisés, copiés, modifiés et redistribués par tout un chacun en toute légalité, ils se sont largement diffusés ces vingt dernières années et le nombre de contributeurs au bien commun qu’ils constituent n’a cessé de croître.
Aujourd’hui, le mouvement initié par quelques chercheurs est devenu un phénomène de société à part entière. Des millions d’utilisateurs (particuliers, ONG, entreprises, administrations...) exercent les libertés associées au Logiciel Libre. Une offre de qualité résultant de leur coopération via Internet existe. Elle concurrence de plus en plus vivement les acteurs dominants de l’informatique propriétaire comme Microsoft.
Des logiciels comme le système GNU/Linux, le navigateur Firefox ou la suite bureautique Open Office sont des exemples connus de logiciels libres de plus en plus populaires, installés couramment en entreprise ou chez les particuliers. Par ailleurs, le bon fonctionnement d’Internet repose sur des logiciels libres depuis son origine, tout comme celui de salles de marchés (BNP Paribas) ou d’avions (Rafale, A380). On trouve du Logiciel Libre dans des périphériques électroniques domestiques comme la Freebox, la Neufbox, la Livebox... mais aussi dans des guichets automatiques ou des assistants personnels (PDA).
B.1 Un enjeu de société
Les logiciels libres pouvant être copiés légalement par tous, ils sont presque toujours téléchargeables gratuitement sur Internet. Cette gratuité permet aux populations les moins favorisées de ne pas être forcées d’avoir recours à la copie illégale pour bénéficier des avancées technologiques. Les logiciels libres sont par nature des outils de lutte contre la « fracture numérique ».
Le fait que les logiciels libres soient diffusés avec leur code source permet de plus d’étudier les techniques qu’ils mettent en œuvre, de les réutiliser, de les diffuser, y compris en dehors des structures habituelles d’éducation et de formation. Le mode de développement collaboratif au travers d’Internet utilisé par les développeurs de Logiciel Libre facilite les transferts de compétences par delà les frontières.
Le Logiciel Libre est un bien non marchand et ceux qui le développent contribuent à la diffusion au plus grand nombre de la connaissance scientifique, d’un savoir-faire technique et de technologies permettant l’accès au savoir. Le projet GNU — projet phare du Logiciel Libre — a d’ailleurs été classé Trésor du Monde par l’UNESCO.
B.2 Un enjeu économique
Le Logiciel Libre a permis le développement d’une économie dynamique dite de « coopétition » où les opérateurs mutualisent certains coûts de recherche et développement et se concurrencent sur les services autour de briques génériques. Aux États-Unis, en Europe, en Asie, une véritable économie de services s’est créée autour des logiciels libres.
Les entreprises du secteur se rémunèrent sur le support, la formation, l’intégration, le conseil et la spécialisation de briques génériques. Les organisations utilisatrices adhèrent au modèle pour la qualité de l’offre, mais aussi car le Logiciel Libre permet plus d’indépendance et une meilleur maîtrise des coûts de maintenance et de développement interne.
Le nombre d’entreprises utilisant des logiciels libres ne cesse de croître et partout dans le monde, des pans entiers des systèmes d’information d’États et de collectivités basculent vers les logiciels libres.
B.3 Un enjeu stratégique
Le Logiciel Libre est de plus en plus perçu par les pouvoirs publics et les décideurs politiques comme :
- un outil de souveraineté et de politique industrielle ;
- un moyen de maîtrise des finances publiques ;
- un facteur de développement durable.
Quelques projets illustrant cette tendance :
- le développement de systèmes d’exploitation sécurisés pour l’armée (Chine, États-Unis, France...) ;
- la volonté politique de développer une industrie nationale du Logiciel Libre (consortium sino-européen Orient Ware, projet de pôle de compétitivité Logiciel Libre en Île-de-France...) ;
- les développements autour de l’administration électronique (Logiciel Libre rendu obligatoire au Brésil, projet Copernic de paiement de l’impôt en ligne par le contribuable français...) ;
- la migration de l’Assemblée nationale en cours ;
- l’utilisation croissante par des pays en voie de développement (comme les actions menées par l’Agence universitaire de la Francophonie...).
Pour conclure, une citation, extraite des motifs d’une proposition de loi [12] de députés PS de 2000, reprise en 2002 par des sénateurs UMP. Proposition de loi :
« Les services de l’État utilisent souvent des logiciels dont le code source n’est pas disponible, ce qui leur interdit de faire corriger les erreurs que les fournisseurs refusent de corriger eux-mêmes ou de vérifier l’absence de défauts de sécurité dans des applications sensibles. Les services de l’État utilisent parfois sans le savoir des logiciels qui transmettent en secret des informations a priori confidentielles, à des sociétés ou organismes étrangers.
Or, les modèles économiques de l’industrie du logiciel et des télécommunications développés par le marché sont fondés en grande partie sur l’appropriation d’une clientèle et la valorisation exponentielle des profils d’utilisateurs. Ces modèles économiques favorisent des stratégies d’incompatibilité, de secret industriel, d’obsolescence programmée et de violation des libertés individuelles. Si l’État français ne peut prétendre éliminer par la loi ces tendances de fond en raison du caractère transnational des réseaux de communication, il peut néanmoins favoriser le développement sur le sol français d’une société de l’information respectueuse des libertés publiques, de la sécurité du consommateur et de la concurrence, et espérer jouer un rôle précurseur en Europe et dans le monde. »
B.4 Quelques chiffres
- La somme des logiciels libres de qualité raisonnable représente un investissement minimum de 12 milliards d’euros. Ceci représente au minimum 131 000 personnes.an, ou une contribution annuelle de 800 millions d’euros, dont la moitié provenant de développeurs basés en Europe. En terme de service, la part du Libre pourrait représenter 32% du marché des services dans l’informatique en 2010 [17].
- En 2004, 80% des entreprises du CAC 40 et 56% des administrations et des collectivités territoriales françaises utilisaient des logiciels libres (Pierre Audoin Consultants (PAC), 2004). 67% des entreprises utilisaient des logiciels libres, 16% envisageaient de le faire en 2005, et seulement 17% n’avaient aucune utilisation prévue à court terme. (InformationWeek, novembre 2004)
- En 2005, près de 90% des entreprises envisageaient de basculer leurs serveurs Windows vers GNU/Linux dans l’année à venir. (InformationWeek, Research Brief Linux Outlook, février 2005), 70% des serveurs web dans le monde étaient des serveurs libres (Netcraft, novembre 2005 portant sur 74 572 794 sites web).
- En France, pour 2006, l’administration française aura consacré 9% de son budget informatique à des développements ou des plates-formes libres, charges de personnel incluses, contre 6% en 2005. Soit 900 millions d’euros et 15% de l’ensemble du marché des services IT de l’administration française avec plus de 12% par an de croissance prévue durant les deux prochaines années (Markess International, avril 2006).
- Ratio immigration/émigration des développeurs de Logiciel Libre : la France bonne dernière bien que parmi les pays où les ingénieurs étudiants participent le plus à des projets Logiciel Libre [17].
Annexe C
Un cas d’école : AdaCore, éditeur de logiciels libres
C.1 Introduction
AdaCore a bâti son succès et celui de GNAT Pro, son environnement de développement pour le langage Ada, sur la notion de « service à effet de levier ». Un tel service se définit comme un service à forte valeur ajoutée qui s’appuie sur un Logiciel Libre dont le fournisseur de service connaît les détails, et dans l’évolution duquel il s’implique pleinement. Plus l’intérêt pour le logiciel est grand, plus l’effet de levier est important.
AdaCore propose ainsi l’accès au service GNAT Pro sous la forme d’un abonnement annuel comprenant non seulement la mise à disposition des outils de développement et leur mise à jour régulière, mais aussi l’accès à un service d’assistance en ligne de haut niveau, puisqu’assuré directement par les développeurs de ces outils. Le logiciel est mis à disposition dans le cadre d’une licence adaptée au contexte industriel.
C.2 GNAT Pro et AdaCore
Conçu pour réaliser des applications critiques et sûres, le langage Ada 83 s’est bâti au cours des ans une réputation de robustesse et de fiabilité. Au début des années 1990, il a fait l’objet d’une révision sous le nom d’Ada 9X qui a abouti en 1995 au standard Ada 95. Celui-ci a étendu Ada 83 en y ajoutant des fonctionnalités de programmation objet et temps réel dur. Depuis, une nouvelle norme ISO a été adoptée sous le nom d’Ada 2005. Elle pousse encore plus loin les facilités offertes par Ada dans ces domaines.
Lors du développement d’Ada 9X, le groupe Ada de l’université de New York a été chargé par le département américain de la Défense de développer un compilateur Ada 95 sous licence libre. C’est ce projet qui est à l’origine de GNAT Pro, et c’est de ce projet que sont nées Ada Core Technologies aux États-Unis et AdaCore en Europe (initialement ACT Europe), deux sociétés sœurs qui forment une unique entité opérationnelle et commerciale sous le nom d’AdaCore.
AdaCore propose aujourd’hui autour de GNAT Pro, devenu depuis la référence dans ce domaine, des solutions de développement Ada et C pour un grand nombre de configurations, qui vont du logiciel natif sur PC au logiciel embarqué à sécurité critique.
C.3 Un service tout compris
GNAT Pro est commercialisé sous la forme d’un abonnement annuel qui comprend :
- La mise à disposition, pour les plate-formes choisies, des outils de développement sous licence GPL, et des bibliothèques sous licence GMGPL2, ce qui garantit que les programmes générés avec les outils GNAT Pro pourront être distribués suivant les conditions fixées par le client.
- Des mises à jour régulières des outils GNAT Pro.
- Un service d’assistance à l’utilisation de ces outils, assuré directement par les développeurs des outils.
- Un service de conseil en ligne plus général assuré par des experts Ada.
C.4 Un service rentable
AdaCore a été une pionnière en adoptant très tôt un modèle économique par abonnement — par opposition à l’achat classique de licences d’utilisation. Bien appliqué, ce modèle génère un chiffre d’affaires régulier qui lisse les entrées de trésorerie et les rend prévisibles. Il permet par exemple aux entreprises cotées d’évaluer plus facilement leurs bénéfices, un avantage décisif dans un monde où la sûreté des investissements est primordiale.
C.5 Un service gagnant-gagnant
Ce modèle a aussi l’avantage de faire coïncider au mieux les intérêts des clients et ceux du fournisseur de service.
Dans le cadre du développement d’une application critique, qu’elle mette en jeu la vie humaine ou traite de transactions financières, l’acquisition et la mise en place des outils de développement n’est qu’un point de départ : le maître d’œuvre veut avant tout un accompagnement et une assistance sans failles tout au long de son projet.
De son côté, AdaCore a tout intérêt à permettre la réussite de ses clients pour assurer le renouvellement des abonnements existants et étendre l’usage de GNAT Pro aux nouveaux projets. Il en résulte un alignement des intérêts en présence qui fait le succès de ce modèle.
Le client se trouve en outre dans la même situation que s’il avait développé lui-même les composants de GNAT Pro : il a non seulement un accès direct et sans limites au code source, mais aussi aux développeurs du produit, les experts GNAT Pro devenant ainsi des partenaires de l’équipe du client.
Si pour tel ou tel motif AdaCore ne fournissait plus un service satisfaisant, ses clients pourraient se tourner vers un autre fournisseur ou l’assurer en interne. C’est une garantie importante dans une industrie où la durée des projets se compte souvent en dizaines d’années.
Ce modèle commercial convient donc bien aux marchés d’AdaCore, défense, aéronautique, ou spatial, puisqu’il permet de réduire les risques qui leur sont inhérents.
C.6 Au service du Libre
Bien que rien ne l’y oblige, AdaCore propose des versions gratuites de la technologie GNAT au travers d’un site dédié créé il y a près de 7 ans, et régulièrement enrichi depuis de nouvelles versions.
Le compilateur inclus dans GNAT Pro étant basé sur GNU Compiler Collection (GCC), un compilateur GPL, AdaCore propose naturellement en retour les développements qu’elle a réalisés à la FSF.
Cette relation permet d’impliquer de facto les clients et les membres de la communauté du Logiciel Libre dans la stratégie de développement d’AdaCore, et dans une certaine mesure, leur permet de l’orienter. Ainsi la publication de GNAT a-t-elle eu pour effet d’accroître sa notoriété et de favoriser le développement d’une communauté avec laquelle AdaCore a pu maintenir des relations étroites, chose qui, dans un modèle propriétaire, serait beaucoup plus difficile.
Le développement de GNAT tire ainsi profit des commentaires émis par les clients et les membres de cette communauté. Les problèmes sont pris en compte par l’équipe d’AdaCore et font l’objet de correctifs inclus dans les versions suivantes ; le développement de nouvelles fonctions et le portage vers d’autres plate-formes est souvent réalisé en fonction des retours de ces mêmes personnes. Au final, 95% du développement produit d’AdaCore résulte des interactions avec les clients et la communauté du Libre.
Mieux encore : la notoriété de GNAT dans le monde du Libre a attiré vers AdaCore, des deux côtés de l’Atlantique, une équipe d’ingénieurs de talent désireux d’ajouter leur pierre à l’édifice.
C.7 Conclusion : un modèle efficace pour le Logiciel Libre
Pour s’assurer des revenus réguliers, AdaCore fait en sorte que les clients soient satisfaits de ses services et qu’ils renouvellent leur abonnement. Cette convergence d’intérêts est au cœur du modèle commercial d’AdaCore.
L’expérience de GNAT a prouvé à AdaCore qu’il était plus facile d’atteindre ce but par une ouverture vers ses clients et la communauté du Libre que par un système verrouillé et des licences propriétaires. C’est donc ce modèle ouvert qui assure d’une année sur l’autre la croissance d’AdaCore. Sans doute peut-il accompagner, plus généralement, la croissance du Logiciel Libre.
Annexe D
Point de vue juridique : licence GNU GPL, contractualisation et
utilisateur secondaire
D.1 Présentation du point de vue
L’utilisation licite d’un programme sous GNU GPL n’implique pas systématiquement une relation contractuelle entre l’utilisateur et le titulaire des droits d’auteur. Utiliser un programme c’est, par exemple, s’asseoir devant l’ordinateur d’un ami et taper sur une touche du clavier au hasard. La touche envoie un caractère au programme actif à ce moment, la personne devient alors utilisatrice du programme. Idem lorsqu’elle utilise un moteur de recherche sur Internet, lorsqu’elle suit un lien dynamique, lorsqu’elle consulte un ordinateur dans un lieu public ou lorsqu’elle regarde un écran de didacticiel par-dessus l’épaule de quelqu’un.
Chaque citoyen de la société de l’information est utilisateur de nombreux programmes dont la plupart échappent à sa perception. L’illusion d’objet monolithique que donnent les interfaces cache en réalité un réseau logiciel immatériel connectant des myriades de composants, chacun couvert par le droit d’auteur. Nous montrerons comment la licence GNU GPL aménage un espace non contractuel qui permet l’utilisation du logiciel par tous.
D.2 Problématique juridique
Pour les besoins du raisonnement nous définissons « l’utilisateur secondaire » comme la personne qui est admise à utiliser le Logiciel Libre à l’exclusion de tout acte de copie, de modification, d’adaptation et de distribution ; il se distingue ainsi de l’utilisateur premier.
D.3 Postulat juridique
Pour les besoins de l’analyse, nous partons du postulat que la licence GPL n’est pas contraire au droit français. S’il est donc admis que la licence GPL est parfaitement valable à la lumière du droit français, la situation juridique d’un utilisateur secondaire serait la suivante.
D.4 Analyse juridique de la situation d’un utilisateur secondaire
La volonté exprimée par le donneur de licence GPL est indiscutablement de favoriser l’utilisation du Logiciel Libre. À l’inverse du droit commun des licences qui ont pour finalité une attribution privative des droits d’utilisation et de jouissance, la licence libre ou copyleft favorise au contraire une large diffusion ou distribution du Logiciel Libre en autorisant le licencié à permettre l’utilisation du logiciel par des personnes non licenciées. C’est justement l’une des finalités de la licence GPL.
Afin d’en permettre la plus large utilisation, le donneur de licence use donc de son droit patrimonial en offrant au licencié la liberté de diffuser le Logiciel Libre auprès d’amis, de collègues ou de tout autre personne.
L’utilisateur secondaire d’un Logiciel Libre est un tiers à la relation donneur de licence/utilisateur premier. De par l’autorisation stipulée dans la licence GPL, l’utilisateur secondaire est dans une situation juridique spéciale :
- Il n’a pas de relation contractuelle avec le concédant de la licence dans la mesure où il n’a pas consenti à la licence et ne connaît pas le plus souvent le concédant, auteur du Logiciel Libre. Il ne paraît pas possible de faire valoir un éventuel consentement implicite à la conclusion d’une licence et ce d’autant plus que le droit français ne permet pas en cette matière les accords tacites.
- De la même façon, il n’est pas dans la volonté de l’utilisateur principal et de l’utilisateur secondaire de conclure entre eux une sous-licence. En effet, même si une sous-licence ne requiert pas, selon la jurisprudence Civ. 1re, 13 octobre 1993, D. 1994. II. 166, note P-Y. Gautier, le formalisme exigé par l’article L. 131-3 du Code de la propriété intellectuelle, il ne paraît pas possible de conclure que l’acte matériel d’utilisation du logiciel vaudrait manifestation d’un consentement conforme aux articles 1108 et suivants du Code civil, tant de la part du licencié que de l’utilisateur secondaire.
- Conséquemment, l’utilisateur secondaire a le droit d’utiliser le logiciel sans risquer une quelconque action judiciaire de nature contractuelle du concédant.
L’utilisateur secondaire détient son droit d’utilisation du licencié. Sans relation juridique de nature contractuelle avec le concédant, l’utilisateur secondaire détient son droit d’utilisation du licencié, il apparaît comme un ayant droit du licencié. Il s’agirait donc d’un droit dérivé de la licence conclue entre le concédant et le licencié ou utilisateur principal.
L’utilisateur secondaire n’est pas pour autant déchargé de toute obligation juridique. . . Si l’utilisation du logiciel n’est pas constitutive d’une faute au sens juridique du terme, encore faut-il que cette utilisation se fasse « en bon père de famille » au sens où l’utilisateur secondaire ne doit pas causer de dommage ni au licencié qui est l’utilisateur principal, ni au concédant de la licence auteur du logiciel. Dans le cas inverse, l’utilisateur pourrait voir sa responsabilité délictuelle mise en œuvre sur le fondement de l’article 1382 du Code civil : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. » Ce serait notamment l’hypothèse d’une atteinte au droit moral de l’auteur dont nous savons que celui-ci est d’ordre public.
. . . ni privé de tout droit. Par exemple : même s’il n’y a pas de relation juridique de nature contractuelle entre le donneur de licence auteur du logiciel et l’utilisateur secondaire, il n’en demeure pas moins que les articles 1386-1 et suivants du Code civil relatifs à la responsabilité des fabricants pour la mise en circulation de produits défectueux pourraient servir de fondement à une action judiciaire diligentée par l’utilisateur secondaire contre l’auteur ou le distributeur du Logiciel Libre lui ayant causé un dommage.
Entreprises membres de l’April au 1er dec 2007
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Webliographie
[1] Admisource. http://admisource.gouv.fr.
[2] Apache license version 2.0. http://www.apache.org/licenses/LICENSE-2.0.html.
[3] Association April. http://www.april.org.
[4] Cecill licence française de logiciel libre. http://www.cecill.info/licences.fr.html.
[5] Eclipse Public License. http://www.eclipse.org/legal/epl-v10.html.
[6] European union public licence (EUPL v.1.0). http://ec.europa.eu/idabc/en/document/6523.
[7] Framasoft. http://www.framasoft.net.
[8] Free BSD copyright. http://www.freebsd.org/copyright/freebsd-license.html.
[9] Free Software Foundation. http://www.fsf.org/.
[10] Open Source Initiative. http://www.opensource.org.
[11] PostgreSQL copyright. http://www.postgresql.org/docs/faqs.FAQ.html\#item1.3.
[12] Proposition de loi tendant à généraliser dans l’administration l’usage d’internet et de logiciels libres. http://www.senat.fr/leg/ppl02-032.html.
[13] Sourceforge. http://www.sourceforge.org.
[14] ADULLACT. Mutualisation de logiciels libres pour institutionnels. http://www.adullact.org/.
[15] Conseil européen de Lisbonne. http://ue.eu.int/ueDocs/cms_Data/docs/pressData/fr/ec/00100-r1.f0.htm.
[16] Commission Européenne. IDABC : Interoperable Delivery of european egovernment services to public Administrations, Businesses and Citizens). http://ec.europa.eu/idabc/en/home.
[17] Communauté européenne. European impact of FLOSS on innovation and competitiveness of the EU ICT sector. http://ec.europa.eu/enterprise/ict/policy/doc/2006-11-20-flossimpact.pdf, Déc 2007.
[18] FSF France. Définition de logiciel libre selon la FSF. http://www.gnu.org/philosophy/free-sw.fr.html.
[19] FSF France. Liste de licences libres. http://www.gnu.org/licenses/license-list.fr.html.
[20] FSF. FAQ sur les licences GNU. http://www.gnu.org/licenses/gpl-faq.fr.html.
[21] FSF. GNU General Public License. http://www.gnu.org/copyleft/gpl.html.
[22] FSF. Le projet GNU. http://www.gnu.org.
[23] FSF and UNESCO. Free software directory. http://directory.fsf.org/.
[24] Réseau Libre entreprise. Charte du réseau libre-entreprise. http://libre-entreprise.org/index.php/Charte.
[25] Veni, Vidi, Libri. Diffuseur de licences libres. http://www.venividilibri.org.
[26] Eben Moglen. Free Software Matters : Enforcing the GPL, I. http://moglen.law.columbia.edu/publications/lu-12.pdf.
[27] ObjectWeb. Licences des projets. http://solutions.ow2.org.
[28] Open Source Initiative. The Open Source Definition. http://www.opensource.org/docs/definition.php.
Appendix E
GNU Free Documentation Licence
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The “Invariant Sections” are certain Secondary Sections whose titles are designated, as being those of Invariant Sections, in the notice that says that the Document is released under this licence. If a section does not fit the above definition of Secondary then it is not allowed to be designated as Invariant. The Document may contain zero Invariant Sections. If the Document does not identify any Invariant Sections then there are none.
The “Cover Texts” are certain short passages of text that are listed, as Front-Cover Texts or Back-Cover Texts, in the notice that says that the Document is released under this licence. A Front-Cover Text may be at most 5 words, and a Back-Cover Text may be at most 25 words.
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The “Title Page” means, for a printed book, the title page itself, plus such following pages as are needed to hold, legibly, the material this licence requires to appear in the title page. For works in formats which do not have any title page as such, “Title Page” means the text near the most prominent appearance of the work’s title, preceding the beginning of the body of the text.
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- Preserve all the copyright notices of the Document.
- Add an appropriate copyright notice for your modifications adjacent to the other copyright notices.
- Include, immediately after the copyright notices, a licence notice giving the public permission to use the Modified Version under the terms of this licence, in the form shown in the Addendum below.
- Preserve in that licence notice the full lists of Invariant Sections and required Cover Texts given in the Document’s licence notice.
- Include an unaltered copy of this licence.
- Preserve the section Entitled “History”, Preserve its Title, and add to it an item stating at least the title, year, new authors, and publisher of the Modified Version as given on the Title Page. If there is no section Entitled “History” in the Document, create one stating the title, year, authors, and publisher of the Document as given on its Title Page, then add an item describing the Modified Version as stated in the previous sentence.
- Preserve the network location, if any, given in the Document for public access to a Transparent copy of the Document, and likewise the network locations given in the Document for previous versions it was based on. These may be placed in the “History” section. You may omit a network location for a work that was published at least four years before the Document itself, or if the original publisher of the version it refers to gives permission.
- For any section Entitled “Acknowledgements” or “Dedications”, Preserve the Title of the section, and preserve in the section all the substance and tone of each of the contributor acknowledgements and/or dedications given therein.
- Preserve all the Invariant Sections of the Document, unaltered in their text and in their titles. Section numbers or the equivalent are not considered part of the section titles.
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Make the same adjustment to the section titles in the list of Invariant Sections in the licence notice of the combined work.
In the combination, you must combine any sections Entitled “History” in the various original documents, forming one section Entitled “History”; likewise combine any sections Entitled “Acknowledgements”, and any sections Entitled “Dedications”. You must delete all sections Entitled “Endorsements”.
Collection of documents
You may make a collection consisting of the Document and other documents released under this licence, and replace the individual copies of this licence in the various documents with a single copy that is included in the collection, provided that you follow the rules of this licence for verbatim copying of each of the documents in all other respects.
You may extract a single document from such a collection, and distribute it individually under this licence, provided you insert a copy of this licence into the extracted document, and follow this licence in all other respects regarding verbatim copying of that document.
Aggregation with independent works
A compilation of the Document or its derivatives with other separate and independent documents or works, in or on a volume of a storage or distribution medium, is called an “aggregate” if the copyright resulting from the compilation is not used to limit the legal rights of the compilation’s users beyond what the individual works permit.
When the Document is included in an aggregate, this licence does not apply to the other works in the aggregate which are not themselves derivative works of the Document.
If the Cover Text requirement of section 3 is applicable to these copies of the Document, then if the Document is less than one half of the entire aggregate, the Document’s Cover Texts may be placed on covers that bracket the Document within the aggregate, or the electronic equivalent of covers if the Document is in electronic form.
Otherwise they must appear on printed covers that bracket the whole aggregate.
Translation
Translation is considered a kind of modification, so you may distribute translations of the Document under the terms of section 4.
Replacing Invariant Sections with translations requires special permission from their copyright holders, but you may include translations of some or all Invariant Sections in addition to the original versions of these Invariant Sections. You may include a translation of this licence, and all the licence notices in the Document, and any Warranty Disclaimers, provided that you also include the original English version of this licence and the original versions of those notices and disclaimers. In case of a disagreement between the translation and the original version of this licence or a notice or disclaimer, the original version will prevail.
If a section in the Document is Entitled “Acknowledgements”, “Dedications”, or “History”, the requirement (section 4) to Preserve its Title (section 1) will typically require changing the actual title.
Termination
You may not copy, modify, sublicense, or distribute the Document except as expressly provided for under this licence. Any other attempt to copy, modify, sublicense or distribute the Document is void, and will automatically terminate your rights under this licence. However, parties who have received copies, or rights, from you under this licence will not have their licenses terminated so long as such parties remain in full compliance.
Future revisions of this licence
The Free Software Foundation may publish new, revised versions of the GNU Free Documentation licence from time to time. Such new versions will be similar in spirit to the present version, but may differ in detail to address new problems or concerns. See http://www.gnu.org/copyleft/.
Each version of the licence is given a distinguishing version number.
If the Document specifies that a particular numbered version of this licence “or any later version” applies to it, you have the option of following the terms and conditions either of that specified version or of any later version that has been published (not as a draft) by the Free Software Foundation. If the Document does not specify a version number of this licence, you may choose any version ever published (not as a draft) by the Free Software Foundation.
Addendum: How to use this licence for your documents
To use this licence in a document you have written, include a copy of the licence in the document and put the following copyright and licence notices just after the title page:
Copyright (c) YEAR YOUR NAME.
Permission is granted to copy, distribute and/or modify this document under the terms of the GNU Free Documentation licence, Version 1.2 or any later version published by the Free Software Foundation; with no Invariant Sections, no Front-Cover Texts, and no Back-Cover Texts.
A copy of the licence is included in the section entitled “GNU Free Documentation License”.
If you have Invariant Sections, Front-Cover Texts and Back-Cover Texts, replace the “with… Texts.” line with this:
with the Invariant Sections being LIST THEIR TITLES, with the Front-Cover Texts being LIST, and with the Back-Cover Texts being LIST.
If you have Invariant Sections without Cover Texts, or some other combination of the three, merge those two alternatives to suit the situation.
If your document contains nontrivial examples of program code, we recommend releasing these examples in parallel under your choice of free software licence, such as the GNU General Public licence, to permit their use in free software.